Je remercie le président et la rapporteure d'avoir conduit nos travaux avec une telle ouverture d'esprit : vous nous avez incités à réfléchir sans chercher à nous influencer.
La France est abolitionniste, mais non sans ambiguïté. Les personnes prostituées ont des droits sociaux et des devoirs fiscaux. Qu'en sera-t-il si la mesure phare de ce texte est adoptée ? La prostitution a changé de visage, nous n'en sommes plus à la rue Saint-Denis : 90 % des personnes prostituées sont des étrangers, des victimes de la traite, des esclaves modernes. Nous avons la responsabilité de proposer des solutions à ce que Robert Badinter qualifiait de « mal social dramatique ».
Tout en respectant les arguments des travailleurs du sexe, qui revendiquent de pouvoir exercer librement leur métier, je n'accède pas à leur raisonnement. J'apprécie les améliorations apportées au texte en matière de prévention et d'accompagnement social : il est indispensable d'accorder des droits pour permettre une réinsertion respectable.
Abrogation du délit de racolage et pénalisation du client sont corrélées, avez-vous dit. Sur ce dernier point, mon approche n'est pas morale mais pragmatique. Or les personnes que nous avons auditionnées, policiers, magistrats, acteurs du milieu associatif ou de la santé, tous ceux qui luttent contre cet esclavage moderne nous ont dit : ne faites pas ça ; la pénalisation du client va disperser les personnes prostituées, les isoler, les fragiliser, les rendre invisibles. Le client qui encourt une amende deviendra plus exigeant, imposera des baisses de tarif et des rapports non protégés.
Le modèle suédois n'a pas que des vertus : si la prostitution visible a diminué, elle s'exerce désormais dans des conditions plus difficiles. Surtout, elle s'exporte. Difficile, en l'état actuel, de transposer le droit suédois en droit français. Je salue la qualité du travail de la rapporteure et les améliorations qu'elle propose d'apporter à cette proposition de loi. Toutefois, si je comprends sa position sur l'article 16, je ne suis pas convaincue.