Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 1er février 2005 à 16h00
Spectacle vivant — Débat sur une déclaration du gouvernement

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai le plus brièvement possible, afin que vous puissiez, les uns et les autres, honorer vos rendez-vous.

Je voudrais très simplement, non pas en mon nom personnel mais au nom des artistes et des techniciens dont nous devons être, dans la répartition de nos responsabilités, les serviteurs, vous remercier de votre présence nombreuse et de très grande qualité. Je vois un symbole dans l'ouverture de cette séance par le président du Sénat et dans le fait que les vice-présidents, les présidents de groupes et soixante-dix sénateurs se soient aujourd'hui rassemblés autour du spectacle vivant.

C'est, je le crois, très important. Il s'agit peut-être tout simplement de l'hommage légitime que nous devons rendre à ceux qui font la fierté de notre pays, à ceux qui permettent à nombre de nos concitoyens de dépasser leurs limites, leurs rancoeurs, leurs haines, à ceux qui sortent le meilleur d'eux-mêmes pour donner de notre pays la plus belle des images.

Certes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis un homme de dialogue et d'écoute ; néanmoins, je ne laisserai pas caricaturer la situation : nous agissons !

Aujourd'hui a été publiée et signée la convention entre le ministère de la culture, le ministère des affaires sociales et le ministère de l'économie et des finances pour que le fonds de transition applicable en 2005 voie le jour et pour que nous puissions, heure par heure, jour après jour, en suivre l'exécution au sein de l'UNEDIC, tel que cela est prévu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sans vouloir afficher une autosatisfaction prématurée et en complet décalage avec la réalité telle que je la perçois, je dirai que cette convention est très importante dans la mesure où il faut, au-delà de vos travées, que les artistes et les techniciens sachent à quoi ils ont droit dans notre pays.

Ils ont droit, s'ils ont accompli 507 heures de travail en douze mois, à être indemnisés ; ils ont droit - c'est une mesure nouvelle - à la prise en compte de leurs arrêts maladie pour les maladies remboursées à 100 % par la sécurité sociale ; les congés de maternités sont maintenant intégrés dans le calcul, ce qui est très important ; par ailleurs - et c'est ma manière de participer à la politique de renforcement de l'éducation artistique -, le contingent du nombre d'heures éligibles passe de 55 heures à 120 heures pour les artistes se livrant à des actions d'éducation artistique au sein de l'univers scolaire.

Je l'indique, évidemment, pour que les artistes et les techniciens le sachent et qu'ils puissent en bénéficier. Cependant, je ne considère pas, disant cela, que tout est réglé ; je m'assurerai moi-même, par ma présence dans un certain nombre d'antennes, de la large diffusion de cette information.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons été amenés à évoquer aujourd'hui - cela est bien évidemment normal - les conditions économiques et sociales du travail des artistes et des techniciens. Néanmoins, il ne faut pas oublier la magie dont ils sont capables et le fait que, à côté du talent, il y a le travail.

Ce double rappel est nécessaire : parler du spectacle vivant, des artistes, des techniciens, du cinéma, de l'audiovisuel, ce n'est pas parler uniquement des agents économiques que les uns et les autres peuvent être ; c'est également parler de personnalités particulièrement remarquables de notre pays.

Je suis venu aujourd'hui devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, avec un triple souci.

Premièrement, je veux créer une synergie entre l'Etat et des collectivités territoriales. Vous l'avez évoquée les uns et les autres, et c'est un point important.

L'aspect positif de notre rencontre d'aujourd'hui est de voir les responsabilités des uns et des autres et de bien les délimiter. Je l'avais compris, je l'ai réaffirmé devant vous et vous l'avez exprimé de nouveau comme un souhait fondamental et formel : les collectivités territoriales n'ont pas vocation à participer directement à l'indemnisation du chômage.

Néanmoins, nous avons tous vocation à soutenir l'activité culturelle et artistique dans notre pays. De ce point de vue, certains orateurs, à juste titre, ont dénoncé un certain nombre de ruptures unilatérales de coopération autour de l'action culturelle.

Je me suis rendu vendredi dernier à Nîmes pour assister à une représentation de l'Enlèvement au sérail, l'Etat ayant été amené - cela ne peut évidemment se faire que de manière très exceptionnelle - à pallier une suppression de subvention de la région et donc, pour que le spectacle ait lieu, à apporter directement une contribution supérieure à ce qui lui incombe naturellement. Si j'avais un esprit polémique, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais vous citer encore bien d'autres exemples, touchant l'ensemble des secteurs de mon ministère.

Il est véritablement urgent et nécessaire que cette synergie entre l'Etat et les collectivités territoriales se fasse sur des bases justes. Il n'y a pas de désengagement de la part de l'Etat ; je ne fais pas aux collectivités territoriales, qu'elles soient gérées par un exécutif de droite ou de gauche, le procès du désengagement. Chacun a ses priorités, et il est urgentissime que l'on se mette autour d'une table, région par région, pour effectuer l'addition des énergies.

Quoi qu'il en soit, c'est de la désinformation que de dire, secteur par secteur, que l'Etat se désengage. Cette allégation est tout simplement non vérifiée.

Deuxièmement, j'appelle de mes voeux la synergie entre mes deux « casquettes », la culture et la communication - les uns et les autres, vous y avez fait allusion. En effet, l'une et l'autre vont de pair.

J'ai assisté, hier, à une réunion sur les problèmes de captation à la télévision de toutes les formes de spectacles vivants. J'y attache énormément d'importance. Il faut ouvrir l'accès des spectacles aux nombreux publics qui n'en ont malheureusement pas l'habitude, en raison de précautions, de craintes, d'un coût trop élevé ou tout simplement faute d'en avoir reçu la culture.

Par conséquent, j'attache la plus extrême importance au contenu de l'offre télévisuelle de qualité, notamment dans le domaine culturel. Je fonde des espoirs raisonnables sur la multiplication des chaînes. De nouvelles chaînes publiques et privées gratuites verront le jour à la faveur de la télévision numérique terrestre.

L'Etat, grâce aux arbitrages récents du Premier ministre, a donné des moyens supplémentaires à l'audiovisuel public. Il s'agit de moyens fléchés, et non d'une nouvelle sorte de dotation globale de fonctionnement. Il y a des impératifs précis, et je ne peux pas non plus laisser dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'audiovisuel public est sans ressources : premièrement, les ressources affectées à la chaîne d'information internationale, dont chacun voit bien la nécessité, sont des recettes nouvelles et ne sont pas dues au redéploiement ; deuxièmement, en 2005, les crédits de l'audiovisuel public augmenteront de 3, 2 %.

Tout cela est, selon moi, nécessaire et impératif, car il faut avoir le souci des rapports entre les uns et les autres. Je ne pense pas, par exemple, que le fait d'avoir rétabli les Molières, avec un accord entre le théâtre public et le théâtre privé, sauvera la politique du théâtre en France ; je pense simplement qu'il s'agit des différents éléments d'une stratégie tout à fait résolue de ma part.

De la même manière, en ce qui concerne la relocalisation d'un certain nombre de tournages, je suis très précis dans ma manière de conduire et de remplir ma fonction. Cela fait réagir, mais j'y suis complètement indifférent dans la mesure où je suis animé par la volonté de soutenir les artistes et les techniciens afin de parvenir à de vrais résultats.

Par ailleurs, la répartition des responsabilités entre l'Etat et les partenaires sociaux est, évidemment, très importante. Mon objectif politique, je l'avoue, est qu'il n'y ait ni vainqueur ni vaincu ; je veux faire en sorte, mesdames, messieurs les sénateurs, que les partenaires sociaux dans leur intégralité, qu'ils aient ou non signés le protocole de 2003, se réunissent en 2005 et parviennent à un accord pérenne et équitable au sujet de l'indemnisation du chômage.

J'ai indiqué devant le Conseil national des professions du spectacle, le CNPS, et je le redis officiellement devant vous, parlementaires de la République : deux fois de suite, l'Etat s'est engagé.

L'Etat flèche le contenu des futures négociations dans un certain nombre de domaines. Je ne me vois pas, mesdames, messieurs les sénateurs, sauf s'il y avait unanimité au moment de la conclusion d'un nouvel accord, considérer, par exemple, que la date de douze mois n'a jamais existé dans mon esprit ou dans celui du Premier ministre, sous l'autorité duquel j'ai l'honneur de travailler.

Par conséquent, les mesures de transition prises pour 2005 définissent un certain nombre d'éléments du contenu des futurs accords.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'attire votre attention sur le fait que 2005 sera l'année de la révision globale de la convention d'assurance chômage pour l'ensemble de nos concitoyens. Je serai d'une extrême vigilance afin que la spécificité des artistes et des techniciens, dans notre pays, soit confortée, confirmée, au sein de la solidarité interprofessionnelle. Il n'y a pas la moindre ambiguïté sur ce point.

Cela suppose, comme Louis de Broissia, Alain Dufaut et Yann Gaillard, notamment, l'ont souligné, que le périmètre soit absolument incontestable.

J'ai évoqué à de nombreuses reprises les craintes de l'opinion publique, et je vous ai fait part de la nécessité dans laquelle je me trouvais d'expliquer en permanence, aux uns et aux autres, les spécificités du système.

Troisièmement - et je ne voudrais pas que ce souci soit caricaturé -, je souhaite initier une dialectique de l'écoute et de l'action.

Le dialogue, mesdames, messieurs les sénateurs, est une valeur absolument fondamentale et nécessaire, dans tous les domaines dont j'ai la responsabilité. Je découvre parfois avec stupéfaction - je vous le dis avec franchise - que les principaux acteurs d'un grand nombre de secteurs sous ma responsabilité n'ont pas l'habitude de travailler ensemble.

Faire en sorte que les points de vue s'échangent n'est pas une manoeuvre dilatoire de ma part : je veux tout simplement partir d'un socle de réalité pour construire ensuite sur des éléments solides.

J'ai pris des décisions. Je bénéficie régulièrement sur ce sujet - je veux l'en remercier publiquement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - des arbitrages du Premier ministre. Il n'est en effet pas facile, dans une conjoncture budgétaire et financière difficile, de faire de la culture et de la communication des priorités stratégiques. C'est pourtant le cas.

Mesure après mesure, sur le patrimoine, sur les crédits d'impôt, sur le soutien à l'éducation artistique, au spectacle vivant, bref, dans chacun des grands domaines de l'action de mon ministère, le gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir agit. Que ce soit en faveur de l'audiovisuel public, par une décision du Premier ministre prise à la fin de l'automne, ou de la chaîne d'information internationale - cela nous éloigne quelque peu du spectacle vivant, mais c'est une grande responsabilité publique -, le Gouvernement agit.

Je reviendrai très rapidement, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les différents points que les uns et les autres ont évoqués.

Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, je vous remercie tout d'abord une fois de plus du travail que vous accomplissez et de l'intelligence avec laquelle vous intervenez partout. Il n'est en effet pas facile de renouer les fils du dialogue, et il se peut que, de temps en temps, le ministre se sente un peu seul. En tout cas, j'ai bénéficié de votre concours.

Je n'ai pas non plus honte de reconnaître, même s'il est normal d'assumer sa responsabilité, que le concours de Jack Ralite, par exemple, a pu être, à certains moments, très important, pour dépasser les clivages et les caricatures.

Les contrôles que vous appelez de vos voeux, monsieur le président de la commission, afin que le système soit correctement perçu par nos concitoyens, fonctionnent. Par ailleurs, trente emplois supplémentaires d'inspecteur du travail sont prévus. Ces inspecteurs seront formés pour remplir leurs missions telles qu'elles ont été définies par le ministre des affaires sociales et par moi-même. Nous souhaitons qu'il y ait des priorités dans le champ des contrôles. C'est tout à fait important.

Vous avez également évoqué la nécessité que les décisions de l'Etat et du Parlement soient correctement appliquées par l'UNEDIC et par les ASSEDIC. C'est effectivement essentiel. J'y veille, dans un climat de confiance, car le travail de ces organismes n'est pas facile. Les situations sont complexes et je serai particulièrement vigilant quant à la mise en oeuvre des nouvelles mesures.

J'ai prolongé la mission de Michel Lagrave au-delà de la conception du fonds provisoire puis du fonds de transition afin qu'il effectue les réglages parfois nécessaires entre l'Etat et les partenaires sociaux, que les mesures de transition entrent en vigueur et que l'application se fasse dans les meilleures conditions. Cela signifie que vous devrez nous faire part des dysfonctionnements que vous constaterez, pour que nous puissions y remédier.

Vous avez évoqué, monsieur Valade, la question de la mise en place des COREPS. J'attache beaucoup d'importance à ce que tous soient installés, dans chacune des régions. Ce sera quasiment le cas dans le mois qui vient ; certains d'entre eux ont d'ores et déjà constitué de vraies commissions de travail et fonctionnent remarquablement bien.

Madame Catherine Morin-Desailly, vous avez évoqué, avec toute votre expérience, car la politique culturelle est particulièrement active à Rouen, le souci de l'éducation artistique. C'est également le mien.

Avec François Fillon, nous avions parfaitement compris que l'on était en train de nous faire le énième procès de la guerre à l'intelligence, comme si la majorité présidentielle et le gouvernement auquel nous appartenons voulaient renoncer à l'éducation artistique ! Tout au contraire, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes totalement mobilisés pour que les plus jeunes de nos concitoyens apprennent à dépasser leur violence et deviennent de futurs spectateurs, épanouis et libres dans leurs têtes.

Cette action que vous avez évoquée, madame la sénatrice, est donc très importante ; François Fillon et moi-même la menons, et il n'y a aucun désengagement de l'Etat à cet égard, comme vous pourrez le constater à la lecture de la circulaire portant sur ce sujet que nous avons fait parvenir aux recteurs et aux directeurs régionaux des affaires culturelles, que nous avons réunis.

Monsieur Ralite, je ne peux pas revenir sur tous vos propos. D'un mot, je voudrais vous indiquer en tout cas que la diversité culturelle, les débats qui vont jalonner l'année en vue de la préparation de la convention à l'UNESCO sont pour nous absolument fondamentaux, essentiels et emblématiques. Je ne ménagerai aucune peine ni aucune énergie, étant sur ce sujet non seulement soutenu mais encore surveillé par le Président de la République.

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