Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 1er février 2005 à 22h30
Statut général des militaires — Discussion d'un projet de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre :

...disposition que j'ai été quelque peu étonnée de découvrir en arrivant au ministère. Il ne sera désormais plus nécessaire de demander l'autorisation de se marier avec un étranger ni de déclarer la profession du conjoint.

De même, et c'est un point important, les militaires auront désormais la liberté d'exercer des responsabilités associatives. Je rappelle que les militaires avaient le droit d'adhérer à des associations, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de syndicats ou de partis politiques, mais qu'ils ne pouvaient y exercer de responsabilités.

Par ailleurs, les règles régissant les conditions d'expression seront assouplies : elles seront calquées sur les règles de l'ensemble de la fonction publique, se référant simplement au devoir de réserve qui s'applique à tout fonctionnaire et qui est mesuré en fonction du degré de responsabilité de ce dernier.

Toujours dans ce souci de rapprochement avec la fonction publique civile, le projet de loi procède à une refonte du régime des sanctions disciplinaires. Il vise à rénover et à simplifier largement le droit disciplinaire, ainsi qu'à mieux asseoir les droits de la défense.

Ainsi, les principes nécessaires à l'exercice du métier militaire sont conservés, tandis que des assouplissements sont accordés pour tout ce qui ne relève pas directement de l'exercice de ce métier.

Un autre point de ce statut fait l'objet d'une avancée considérable, à laquelle je tenais tout particulièrement : la protection et les garanties que l'Etat apporte aux militaires sont renforcées.

J'ai en effet considéré, compte tenu de la complexité des situations que j'évoquais tout à l'heure et des risques que supposent les crises dans lesquelles les militaires apportent leur savoir-faire, qu'un certain nombre de protections étaient tout à fait insuffisantes. Désormais, les militaires bénéficieront d'une meilleure couverture sociale et juridique.

Ainsi, les dommages qu'ils pourraient subir au cours d'une mission seront considérés comme imputables au service et donneront droit à réparation.

Les membres de la commission de la défense de la Haute Assemblée connaissent bien certains de ces cas, tel celui d'un militaire qui avait été tué lors d'une permission en cours de mission. Le refus, d'ailleurs fondé sur le droit en vigueur, de considérer cet accident comme imputable au service a laissé sa veuve sans droit à réparation. Je souhaite que, désormais, si vous en êtes d'accord, mesdames, messieurs les sénateurs, du tout début jusqu'à la fin de la mission, tout dommage qui pourrait survenir soit imputable au service, sauf en cas de faute détachable du service, ce qui d'ailleurs est la règle.

En cas d'usage de la force en opération extérieure - et nous revenons ainsi sur les problèmes juridiques que j'évoquais tout à l'heure -, l'éventuelle responsabilité pénale est aujourd'hui examinée au seul regard de la règle de la légitime défense telle qu'elle est définie dans le droit interne français.

Avec le nouveau statut, cette responsabilité sera désormais examinée en prenant en compte l'impératif d'accomplissement de la mission, dans le respect de l'ensemble des règles du droit international public.

A l'évidence, on ne peut pas continuer à appliquer un droit qui est fait pour une situation normale à des situations aussi complexes que celles des opérations extérieures.

Il s'agit donc d'une extension considérable de la protection pénale dont bénéficieront nos militaires, indispensable aux nouvelles tâches qu'assument nos armées dans le monde.

En dehors de l'ensemble de ces dispositions qui touchent aux personnes, aux principes et aux droits des militaires, c'est le fonctionnement de l'institution militaire que nous avons voulu conforter au sein de ce nouveau statut général.

S'agissant du système de concertation, en temps normal, les conseils de fonction militaire seront présidés par les chefs d'état-major ou les directeurs de service. Ces conseils ayant vocation à régler les problèmes qui sont propres à chacune des armées, il me paraîtrait anormal que le ministre de la défense dépossède de leurs responsabilités les chefs d'état-major ou les chefs des services.

En revanche, le Conseil supérieur de la fonction militaire continuera, bien entendu, d'être présidé par le ministre de la défense. Il sera composé de membres désignés par et parmi les conseils de fonction militaire d'armée. C'est là, me semble-t-il, un élément de simplification et d'uniformisation du régime de tous ceux qui représentent les militaires au sein du conseil supérieur de la fonction militaire. La protection des membres de ces instances sera garantie. Il n'y avait guère de problèmes à cet égard, mais une telle garantie devrait répondre aux quelques suspicions dont j'ai été informée.

Pour compléter le dispositif de concertation, je vous propose la création d'une commission indépendante d'évaluation, à même de porter un regard sur la condition militaire et la fonction militaire en général. Certains commentaires s'élevant, tantôt pour souligner les privilèges des militaires, tantôt, au contraire, pour dénoncer leur situation très désavantageuse au regard de celle d'autres fonctionnaires ou d'autres corps, il me paraît intéressant, afin que les choses soient bien claires, de nous doter d'une telle commission. Cette dernière devra remettre périodiquement au Président de la République, chef des armées, un rapport faisant état de l'évolution des choses dans ce domaine.

Parallèlement, les grandes règles de gestion des carrières militaires seront modernisées pour répondre, là encore, aux nombreux changements qui sont intervenus.

Tout d'abord, les protections et les droits des personnels sous contrat seront rapprochés de ceux des militaires de carrière. C'est une mesure de cohésion importante car, comme je vous l'ai dit précédemment, les militaires sous contrat sont aussi nombreux aujourd'hui que les militaires de carrière ; ils effectuent la même tâche et partagent les mêmes risques.

Ensuite, les limites d'âge seront rationalisées pour concilier les conséquences de la réforme des retraites et de l'allongement de la durée d'activité, avec l'impératif de jeunesse qui s'impose aux armées, compte tenu des missions qu'elles remplissent.

Parallèlement, le dispositif de reconversion, qui est déjà très avancé à maints égards et dont l'efficacité mérite d'être soulignée - je l'ai dit à beaucoup d'entre vous -, sera encore amélioré, en permettant un meilleur accès des militaires à la fonction publique civile. En effet, certains militaires, notamment ceux qui sont sous contrat, quittent l'armée très jeunes alors qu'ils possèdent un savoir-faire pouvant profiter à la fonction publique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est l'esprit qui a présidé à l'élaboration de ce nouveau statut général. Ce dernier résulte plus d'une volonté d'adaptation que d'un désir de révolution. Il ne s'agissait pas, en effet, de tout changer, car nous devons avant tout conserver à nos armées leur efficacité, ce qui nous impose un certain nombre de contraintes.

S'il ne constitue pas une révolution, ce texte contient néanmoins de notables avancées que j'espère avoir démontrées.

Il s'agit des évolutions indispensables pour faire face aux enjeux actuels et futurs de sécurité et de défense, aussi bien dans le domaine de l'emploi des forces que dans celui de la gestion des ressources humaines.

Ce nouveau statut réaffirme les spécificités de l'état militaire et ses contraintes, dont les militaires ne demandent d'ailleurs pas un allégement, sachant qu'elles sont inhérentes à leur mission.

Je note que ce texte a fait l'objet d'un débat extrêmement ouvert dès le début et qu'il a suscité un très large assentiment, comme l'ont montré les auditions organisées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

C'est effectivement ainsi qu'il convient de travailler sur des textes fondamentaux qui sont destinés à durer dans le temps, tout en garantissant le respect de l'une des obligations essentielles de l'Etat, à savoir la défense de notre territoire, la sécurité des Français et le rayonnement de la France.

Je vous remercie par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre participation à ce débat.

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