Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte, comme l'a déjà souligné M. le rapporteur, vient à temps pour modifier la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. Il prend en compte les évolutions de la société, tout en préservant les caractéristiques essentielles de l'état militaire : discipline, neutralité, disponibilité et loyalisme.
La communauté militaire a dû progressivement s'adapter aux nécessités du temps. La place et l'image du militaire dans la société, ses rapports avec la nation sont autant de variables qui ont évolué dans l'histoire en fonction de la nature des régimes et des comportements sociaux qui se sont succédé.
Les caractéristiques historiques, qui sont au fondement du statut général des militaires, conditionnent de façon très forte l'efficacité de nos armées.
Ces grands principes historiques et essentiels nécessitaient aujourd'hui une actualisation. Plusieurs raisons l'exigeaient : l'évolution récente du cadre juridico-législatif régissant les conditions de vie des militaires, la transformation de notre société et de ses habitudes.
C'est d'ailleurs en tirant la leçon de ces évolutions de la société et de l'environnement géostratégique du pays que le Président de la République décidait, en 1996, de professionnaliser les armées et de suspendre la conscription. La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a profondément modifié l'organisation de la défense française : elle a bouleversé les équilibres et les liens entre la nation et ses armées et a fait apparaître des enjeux nouveaux, que le présent projet de loi prend en considération.
L'évolution la plus flagrante est la technicité croissante du métier de militaire. Les évolutions techniques ont, c'est vrai, rendu moins pénibles le métier ainsi que les conditions de déroulement des missions. Une évolution de la durée des carrières était donc souhaitable : ce projet de loi le propose.
Compte tenu de la spécialisation technique de certains métiers, il est aujourd'hui réellement nécessaire de fidéliser les techniciens des armées, qui, compte tenu de leurs compétences, pourraient être tentés, et ils le sont, de partir dans le secteur civil.
La nature des interventions a aujourd'hui évolué. Le plus souvent, nos forces armées sont amenées à intervenir lors de crises sur des terres éloignées. Elles peuvent servir de force d'interposition : il suffit de penser à la Côte d'Ivoire. Cette situation nécessitait une adaptation statutaire et un renforcement des garanties en matière de protection sociale et juridique, principalement du fait de l'évolution du régime de responsabilité. Sur ce point particulier, je tiens, au nom de mon groupe, à saluer les avancées apportées par le projet de loi.
Un autre aspect semble très important, celui de la place du militaire dans la société dans un moment où l'armée y joue un rôle de plus en plus important : guerre contre le terrorisme, bouleversement de l'ordre international, rééquilibrage des forces mondiales, respect des accords de non-prolifération des armes de destruction massive. L'armée intervient aussi dans les opérations de rétablissement de la paix, lors de catastrophes naturelles, mais aussi pour protéger la population sur le territoire national - ceux qui prennent le train le savent bien.
Le citoyen est, directement ou par le biais des médias, en contact régulier avec nos troupes, dont les actions peuvent désormais se mesurer au quotidien.
L'évolution des droits et libertés des militaires était nécessaire, d'autant que demeuraient, dans l'ancien statut général, des devoirs et obligations d'un autre temps. Vous en avez parlé, madame la ministre, et, de ce point de vue, le texte apporte une avancée significative.
Enfin, vous me permettrez d'émettre quelques réserves.
Si le présent projet de loi représente un grand progrès par rapport à la loi de 1972, il n'en reste pas moins qu'il ne nous semble pas tout à fait assez novateur en ce qui concerne la représentation des intérêts des militaires.
L'article 18 prévoit, certes, la mise en place d'instances consultatives, mais ces dernières nous paraissent trop complexes dans leur mode de désignation et nous en regrettons le caractère uniquement consultatif. Il conviendra donc, madame la ministre, de bien évaluer les résultats obtenus par ces instances pour éviter d'éventuels mécontentements.
L'évolution du statut avait également été rendue nécessaire par l'évolution du droit, notamment en ce qui concerne le régime des sanctions, que vise à rénover le texte. L'évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat ayant conféré une plus grande protection aux militaires, cette évolution était nécessaire. Je regrette, cependant, que la hiérarchie des sanctions disciplinaires soit désormais déconnectée de celle qui est en vigueur au sein de la fonction publique.
De la même façon, il est dommage que la suppression par l'Assemblée nationale de la notion de rémunération au mérite conduise à une seconde déconnection par rapport à ce qui se pratique aujourd'hui dans la fonction publique d'Etat. On y assiste, en effet, peu à peu, à une évolution concertée vers un mode de carrière et de rémunération au mérite, en particulier avec le système des primes proportionnelles au service rendu. Je considère donc souhaitable que ce principe soit rétabli dans le texte, à l'instar de ce que nous vous proposons et de ce que vous propose M. le rapporteur.
Ce dernier a dissipé une inquiétude quant à la position des militaires en retraite, qui ne doivent pas être écartés du présent statut. Leurs liens avec la communauté militaire devaient être préservés. Ils le sont désormais.
Pour conclure, je souhaite féliciter M. Dulait pour son rapport, dont la lecture permet de bien comprendre tous les aspects du texte, et je vous remercie, madame la ministre, pour la qualité législative de votre texte : je rappelle que le précédent statut comptait tout de même près de quatre cents articles, alors que celui-ci n'en contient plus que cent.
Le présent projet de loi possède donc une qualité que nous ne retrouvons pas assez souvent dans les textes qui sont soumis à notre examen : il se concentre sur des mesures qui relèvent bien de la compétence du législateur. Il suscitera, en cela, notre attention et notre intérêt.
Le groupe UC-UDF votera pour votre texte, madame la ministre, en espérant qu'il sera assorti de quelques-uns des amendements que nous avons déposés.