Intervention de Jean-François Lamour

Réunion du 11 mai 2005 à 15h00
Volontariat associatif et engagement éducatif — Discussion d'un projet de loi

Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif vise un double objectif : d'une part, donner un statut au volontariat afin de développer cette nouvelle forme d'engagement au sein des associations et, d'autre part, mettre fin à l'insécurité juridique qui pèse sur les conditions d'emploi des personnels pédagogiques occasionnels des centres de vacances et de loisirs.

Qu'est-ce qu'un volontaire ? C'est une personne qui, pour un temps de sa vie, se consacre exclusivement et de façon désintéressée à un projet associatif d'intérêt général.

Le volontaire n'est ni un bénévole ni un permanent salarié.

Il n'est pas un bénévole, car son engagement est, d'une part, formalisé par un contrat le liant à l'association qui l'emploie et, d'autre part, exclusif de toute activité rémunérée. Il n'est pas non plus un permanent salarié, car son engagement peut être de courte durée et est dépourvu de visée professionnelle. Le volontaire ne perçoit d'ailleurs pas de rémunération à ce titre.

Le volontariat concerne, bien sûr, les jeunes. Mais il peut également être pratiqué à tout âge de la vie, à l'occasion d'une année sabbatique, par exemple, ou par une mère de famille ayant élevé ses enfants.

Mon ambition est que le volontariat devienne le troisième pilier des ressources humaines des associations, sans nuire au développement du bénévolat et de l'emploi associatif.

De longue date, nous sommes habitués à voir des volontaires partir au loin en mission humanitaire ou d'aide au développement dans le cadre de nos organisations non gouvernementales. Une loi définissant le statut du volontariat de solidarité internationale, préparée et présentée par mes collègues successifs, Pierre-André Wiltzer et Xavier Darcos, vient d'ailleurs d'être adoptée.

Il m'a semblé qu'il y avait, en France et en Europe, tout autant de causes d'intérêt général pour lesquelles des volontaires pourraient utilement se mobiliser.

Or j'ai constaté, et je ne suis pas le seul, que le statut de volontariat civil, inséré en 2000 dans le code du service national, ne répondait pas, en raison d'une trop grande rigidité, aux attentes des associations et des volontaires : d'une part, ce statut est réservé aux jeunes Français et Européens âgés de 18 à 28 ans, excluant ainsi les étrangers non communautaires et les adultes plus âgés ; d'autre part, il s'agit d'un statut de droit public, ce qui signifie que le candidat volontaire doit être accepté par l'administration et que le contrat doit être signé par l'Etat : le dispositif est donc d'une très grande lourdeur.

De ce fait, le volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité n'a connu qu'un succès très limité puisque la France compte aujourd'hui seulement 400 volontaires. Pourtant, lorsqu'on interroge les jeunes lors des Journées d'appel de préparation à la défense, ce sont plus de 40 000 d'entre eux qui se déclarent potentiellement intéressés par un engagement volontaire.

Au vu de ces éléments, le Gouvernement a décidé de créer, parallèlement au volontariat civil, un dispositif plus large et plus souple : le volontariat associatif.

Le contrat de volontariat, qui ne relève pas des règles du code du travail, est conclu par écrit entre, d'une part, une association ou une fondation reconnue d'utilité publique poursuivant un but d'intérêt général et agréée par l'Etat et, d'autre part, une personne majeure de nationalité française ou européenne, ou résidant régulièrement en France depuis plus d'un an.

Une mission de volontariat durera au maximum deux ans, et une même personne ne pourra accomplir plus de trois années de volontariat au cours de sa vie.

Il est important de souligner que le volontariat s'inscrit dans une perspective européenne permettant d'accueillir des Européens en France ou d'envoyer des résidents français partout en Europe. Ce dispositif sera donc très utile pour encourager le développement de la mobilité des jeunes, dans le cadre du service volontaire européen mis en place par la Commission.

Le volontaire ne peut exercer d'activité rémunérée. En revanche, il reçoit une indemnité en argent ou en nature en contrepartie de ses services et il bénéficie de tous les droits sociaux, y compris le droit à pension de retraite. L'indemnité perçue est exonérée d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux.

Le volontaire reçoit de la part de l'association une formation adaptée à sa mission et peut faire reconnaître ses compétences dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience. A l'issue de sa mission, il retrouvera, le cas échéant, ses droits à indemnisation du chômage.

Afin d'éviter que les nouvelles dispositions législatives ne soient détournées de leur objet, ce qui est une inquiétude pour nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il est interdit aux associations de substituer des volontaires à leurs salariés. En effet, le contrat n'a pas pour objet de fournir au volontaire un complément de revenus.

J'insiste sur ce point : le volontariat n'a pas vocation à déboucher sur une insertion professionnelle dans le secteur où est accomplie la mission. En effet, ce rôle est rempli par les différents types de contrats aidés institués dans le cadre du plan de cohésion sociale mis en place par Jean-Louis Borloo.

En revanche, le volontariat doit à mon sens représenter une porte d'entrée vers le bénévolat de responsabilité dans les associations, contribuant ainsi au renouvellement et au rajeunissement du vivier des responsables associatifs.

Il doit aussi permettre l'émergence du volontariat collectif par la mise en place d'équipes de volontaires aux situations scolaires et sociales différentes : ce brassage comblera le manque constaté depuis la suspension du service national.

Pour éviter tout détournement de la loi, la procédure d'agrément par l'Etat est un élément très important du dispositif. Cet agrément sera accordé pour un temps limité, au vu des motifs du recours au volontariat, de la nature des missions confiées au volontaire et de la capacité de l'organisme d'accueil. En cas de dérive constatée, cet agrément sera retiré.

Le montant maximum de l'indemnité versée au volontaire sera fixé par décret. La protection sociale au titre du régime général sera quant à elle assurée, en contrepartie de cotisations forfaitaires à la charge de l'organisme d'accueil. Si la mission a une durée continue supérieure à trois mois, le fonds de solidarité vieillesse interviendra pour assurer la validation de la période de volontariat au titre de la retraite.

Au total, le coût pour l'organisme d'accueil sera au maximum de l'ordre de 500 euros par mois. Cette somme pourra être financée soit par les ressources propres de l'association, soit par des subventions publiques, soit par le mécénat privé.

J'ai proposé à l'ensemble de mes collègues de soutenir le développement du volontariat dans leur secteur de compétences : la cohésion sociale, la culture, l'environnement, l'aide aux personnes âgées ou handicapées, le sport, etc. De nombreux champs d'activité seront ainsi accessibles aux volontaires.

En termes d'objectifs chiffrés, nous partons aujourd'hui d'un effectif de 400 volontaires. A l'horizon de l'année 2007, il s'agit d'atteindre l'objectif de 4 000 à 5 000 volontaires.

A plus long terme, d'ici à une dizaine d'années, notre ambition est de compter 50 000 volontaires, ce qui suppose une période de sensibilisation des collégiens et des lycéens, en particulier grâce au « passeport de l'engagement » que nous mettons en place avec François Fillon et qui sera distribué dans les collèges à la rentrée prochaine.

J'en viens au titre II du projet de loi, qui permettra de stabiliser enfin le statut de l'engagement éducatif. Ce texte concerne les 250 000 jeunes et adultes - souvent des étudiants ou des enseignants - titulaires du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, le BAFA, ou du brevet d'aptitude aux fonctions de directeur, le BAFD.

Ces jeunes et adultes encadrent et dirigent durant leur temps libre les centres de vacances et de loisirs gérés par des associations ou des comités d'entreprise. Par leur engagement, ils permettent à 4, 5 millions d'enfants, souvent issus de milieux modestes, de partir en vacances ou de bénéficier durant l'année de loisirs éducatifs de qualité.

Les dispositions introduites en 2000 dans le code du travail par la loi relative à la réduction du temps de travail créent une insécurité juridique de nature à compromettre gravement l'équilibre économique du secteur de l'animation.

En effet, l'annexe II à la convention collective de l'animation, qui établit le principe selon lequel ces personnels occasionnels sont payés deux heures pour vingt-quatre heures de présence auprès des enfants, est considérée comme illégale par l'inspection du travail.

A la demande pressante des partenaires sociaux du secteur de l'animation à but non lucratif, le Gouvernement a décidé de traiter cette question par la loi.

Il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d'instituer pour ces personnes un régime dérogatoire à certains chapitres du code du travail, qui permettra leur rémunération par un forfait journalier, dont le montant minimum sera fixé par décret.

La durée du travail sera fixée par une convention ou un accord de branche étendu, sans pouvoir excéder 80 jours dans l'année. Ces personnes devront, bien évidemment, bénéficier également d'un repos hebdomadaire.

Cet aménagement de la législation du travail est justifié par l'intérêt social qui s'attache à la préservation de ce secteur d'activité, ainsi que par la situation des animateurs et directeurs occasionnels, qui s'inscrivent dans une logique d'engagement éducatif pour un temps limité et non pour une collaboration permanente avec les organisateurs de centres.

Je le sais, des voix se sont élevées pour souligner que les associations ne sont pas les seuls organisateurs de séjours de vacances et qu'un certain nombre d'entreprises privées offrent également ce type de services.

M. le sénateur Henri de Raincourt s'est d'ailleurs fait l'écho des inquiétudes des entrepreneurs du secteur, qui craignent d'être pénalisés, le dispositif de l'engagement éducatif ne pouvant s'appliquer qu'aux organismes à but non lucratif, associations et comités d'entreprise.

Je suis extrêmement attentif à cette question, et le Gouvernement, très soucieux de préserver l'existence de ces entreprises, en adéquation avec une réelle demande des parents et des collectivités, tient à leur apporter une réponse.

Après m'être entretenu personnellement avec les représentants de la profession, je me suis engagé à travailler en concertation avec eux et avec mes collègues Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher pour que soient maintenues au profit de ces entreprises les dispositions dont elles bénéficient aujourd'hui, notamment en matière d'organisation du travail et de cotisations sociales.

Je m'engage, bien évidemment, à vous rendre compte du résultat de ces démarches, par exemple lors de la deuxième lecture de ce texte devant la Haute Assemblée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion