Intervention de Bernard Murat

Réunion du 11 mai 2005 à 15h00
Volontariat associatif et engagement éducatif — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard MuratBernard Murat, rapporteur de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les jeunes ont envie de s'engager : il faut les soutenir et les aider à réaliser leurs projets.

Le mois dernier, « le mois de l'engagement », au cours duquel les jeunes ont pu rencontrer des associations ou des organismes d'information lors de tables rondes, de journées « portes ouvertes », d'animations et des expositions organisées pendant tout le mois d'avril, a été un réel succès.

Ces événements, comme l'opération « Envie d'agir », lancée et soutenue par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sont stimulants ; néanmoins, ils ne suffisent pas : il est temps de mettre en place des dispositifs pérennes qui permettront aux jeunes de consacrer une partie de leur temps au service d'une cause à laquelle ils ont envie d'apporter leur talent et leur inventivité.

C'est précisément l'objet du présent projet de loi. Ce dernier vise, d'une part, à donner une reconnaissance à certaines formes d'engagements associatifs et, d'autre part, à encourager l'investissement citoyen des jeunes.

Ce texte comprend deux volets : le premier tend à donner un statut adapté aux volontaires engagés dans les associations et les fondations reconnues d'utilité publique ; le second vise à clarifier et à sécuriser le statut des animateurs, directeurs et formateurs occasionnels dans les centres de vacances et de loisirs.

Je présenterai rapidement ces deux dispositifs.

Le premier, le contrat de volontariat associatif, est la forme la plus aboutie du volontariat civil, institué en mars 2000 après la disparition du service national engagée en 1996, volontariat civil qui devait permettre notamment aux jeunes accomplissant avant cette date un service national civil de trouver un cadre adapté à l'exercice de leurs missions.

Le statut mis en place en 2000 a été un échec : alors que les jeunes du service national civil étaient 50 000 avant 1996, on compte aujourd'hui 400 volontaires de cohésion sociale et de solidarité.

L'exclusion d'un trop grand nombre de candidats, la lourdeur des formalités administratives et le montant dissuasif de l'indemnité versée au volontaire ont découragé le secteur associatif, qui a ignoré ce dispositif.

La loi du 23 février 2005, tirant les conséquences de cet échec, a institué un contrat de volontariat de solidarité internationale pour l'accomplissement de missions d'intérêt général à l'étranger dans les domaines de la coopération au développement et de l'action humanitaire.

Les jeunes qui souhaitent accomplir un engagement citoyen en France au sein du secteur associatif doivent pouvoir disposer d'un statut analogue : c'est l'objet du contrat de volontariat associatif.

Le volontaire associatif est une personne qui décide de consacrer une partie de sa vie - parfois quelques mois, parfois quelques années - à l'intérêt général, en s'investissant à titre exclusif auprès d'une association.

Le volontariat suppose donc un engagement réciproque et formalisé, limité dans sa durée - deux ans au maximum, trois ans en cumul - mais permanent pendant cette durée ; il est librement choisi, tant par le volontaire que par l'organisme d'accueil ; il est également désintéressé - les avantages en nature ou le défraiement dont bénéficie le volontaire ne remettent pas en cause ce caractère - et mené dans une action collective et organisée au sein d'un organisme sans but lucratif aux valeurs duquel le volontaire adhère librement.

Il faut être clair : le volontariat n'est ni un programme ou un dispositif, ni un stage, ni une façon de déroger au droit du travail ou de se substituer à l'emploi public. Il ne représente un moyen de gagner de l'argent ni pour le volontaire ni pour la structure d'accueil. Il est encore moins une voie d'insertion. Aussi les allocataires du RMI n'y auront-t-ils pas accès. D'autres dispositifs existent pour ces derniers, notamment les contrats aidés mis en place dans le cadre du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo.

Appelé à collaborer, dans le cadre des associations, avec les bénévoles et les salariés du secteur, le volontaire doit trouver sa place au sein de ces deux statuts.

La différence essentielle entre le volontaire et le salarié tient à la nature même de l'engagement : le candidat au volontariat décide de consacrer une partie de sa vie à l'accomplissement d'une mission d'intérêt général. Par ailleurs, la différence entre le volontaire et le bénévole réside, d'une part, dans la contractualisation de la collaboration du premier et, d'autre part, dans l'exclusivité avec laquelle le volontaire se consacre à son engagement.

En effet, si le volontaire veut rompre son engagement, il devra, contrairement au bénévole qui peut reprendre sa liberté à tout moment, respecter un préavis d'un mois au moins à partir du moment où il fait part de son souhait de quitter l'association.

Ni salarié ni bénévole, le volontaire ne doit cependant concurrencer ni l'un ni l'autre.

Pour protéger l'emploi associatif, il est interdit aux organismes agréés non seulement de substituer des personnes volontaires à leurs salariés ayant été licenciés ou ayant démissionné durant les six derniers mois, mais, de surcroît, de recourir au volontariat quand ils ont procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat.

Pour préserver le bénévolat, les retraités, qui bénéficient à la fois d'un revenu et d'une protection sociale et peuvent assurer des activités d'intérêt général à titre purement bénévole, ne pourront être candidats au volontariat.

Aujourd'hui, ces volontaires existent - 300 assistants volontaires auprès de l'Arche, 170 volontaires d'Unis-Cité ou 200 engagés volontaires chez Cotravaux -, mais ils n'ont pas de statut adapté.

S'ils sont logés, nourris ou s'ils reçoivent un pécule leur permettant de vivre, ils sont menacés d'être requalifiés en salariés par les inspecteurs du travail ou des URSSAF, ce qui pose de lourds problèmes aux associations qui les accueillent.

A titre d'exemple, le 16 novembre 2004, le président de la communauté de l'Arche de Lyon a été condamné à verser une amende de 1 500 euros avec sursis, pour le chef d'accusation d'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, et de 3 000 euros pour « travail dissimulé ».

En proposant aux associations et aux fondations reconnues d'utilité publique un contrat de droit privé, dérogatoire au droit du travail, dont l'essentiel des dispositions fait l'objet d'une négociation entre l'association d'accueil et le candidat au volontariat, le présent projet de loi évite les écueils de la loi de mars 2000.

En garantissant, par ailleurs, au volontaire l'affiliation obligatoire au régime de sécurité sociale et le versement d'une indemnité négociée avec la structure d'accueil, il permet à des personnes qui voulaient s'investir auprès du secteur associatif, mais dont la situation ne le leur permettait pas, de franchir le pas.

J'ai la conviction, monsieur le ministre, que la souplesse du dispositif qui nous est proposé va favoriser le développement de ce type d'engagement.

Par conséquent, je ne vous soumettrai que quelques modifications, en vue de rendre son application plus explicite - c'est notamment l'objet des amendements visant à préciser que l'indemnité de volontariat ne sera pas soumise aux contributions sociales et qu'elle pourra prendre la forme d'avantages en nature -, d'assouplir certaines rigidités rendant la mise en oeuvre du dispositif discriminatoire - je vous proposerai ainsi de supprimer l'interdiction de cumuler l'indemnité de volontariat avec la perception de l'allocation de parent isolé -, et, enfin, d'améliorer la situation du volontaire, en proposant, par exemple, de lui accorder un congé de deux jours après six mois de volontariat ou de reculer l'âge d'accès aux concours de la fonction publique.

J'en viens maintenant à l'engagement éducatif, qui fait l'objet du titre II du projet de loi.

Au début de l'année 2005, on comptait 36 000 directeurs occasionnels et plus de 200 000 animateurs occasionnels dans les centres de vacances et les centres de loisirs sans hébergement.

Il faut ajouter à ces premiers les 7 500 formateurs non professionnels, qui interviennent de façon occasionnelle lors des sessions destinées aux stagiaires voulant obtenir le BAFA ou le BAFD et qui relèvent de la même logique d'engagement éducatif.

A l'heure actuelle, la situation juridique de ces personnes, régie par l'annexe II à la convention collective de l'animation, est remise en cause : elle l'est non seulement par une jurisprudence qui vise à banaliser leurs contrats de travail, en alignant leurs salaires et cotisations sociales sur les minima sociaux, mais aussi par la loi sur les 35 heures, qui fixe de nouvelles règles d'équivalences des temps de travail.

Pourtant, les conditions particulières d'exercice de leur activité, qui impose une présence permanente auprès des enfants et empêche de déterminer le temps de travail effectif, justifient une adaptation aux règles du code du travail.

Les différents acteurs ayant réfléchi à la rénovation de leur statut, notamment le Conseil économique et social saisi en 2000, s'accordent pour penser que l'application pure et simple du code du travail ne serait pas réaliste : elle entraînerait immanquablement un accroissement substantiel du coût des séjours que ni les familles ni les organisateurs ne semblent pouvoir supporter en l'état actuel.

Je vous rappelle qu'un jeune âgé de quatre à neuf ans paie aujourd'hui 49 euros par jour en pension complète dans un centre de vacances.

Si l'on veut permettre à 4, 5 millions de mineurs d'accéder à prix modéré à des loisirs éducatifs durant les congés scolaires et en dehors des heures de classe, comme c'est le cas aujourd'hui, il est urgent de sécuriser la situation juridique des animateurs et des directeurs occasionnels des centres.

Tel est l'objet du titre II du projet de loi, qui vise à calquer le statut de ces personnels sur celui des assistants maternels, des éducateurs et des aides familiaux. Ces dernières professions présentent les mêmes caractéristiques que celle d'animateur de centres de vacances. Les animateurs et les directeurs occasionnels sont notamment tenus d'assurer une surveillance continue des enfants dont ils ont la charge.

Les personnels dont nous traitons ici - je vous rappelle qu'ils ne travaillent en tout état de cause que 80 jours dans l'année - seront rémunérés par un forfait journalier de 24 heures, dérogatoire quant au décompte du temps de travail, notamment s'agissant du repos quotidien.

La fixation de leur temps de travail devra par ailleurs faire l'objet d'une négociation collective. Les partenaires sociaux pourront ainsi moduler leur présence effective, dans la limite de 80 jours par an et de six jours par semaine, un repos hebdomadaire de 24 heures leur étant garanti.

Je suis convaincu que ces dispositions correspondent aux attentes du secteur associatif et qu'elles permettront de mieux prendre en compte le désir d'engagement des jeunes, désir qu'il faut aujourd'hui transformer en une force collective.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion