Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'examiner de près le projet de loi que M. Lamour nous présente, il me semble plus que souhaitable de dessiner brièvement le paysage dans lequel s'inscriront les dispositifs qui nous sont proposés.
Que ce soit sous la plume d'éditorialistes reconnus ou d'essayistes en quête de notoriété, on lit souvent que, sur fond de déclin annoncé ou programmé, nos concitoyens ne croient plus en rien. Pourtant, selon l'INSEE, 20 millions de personnes âgées de plus de quatorze ans adhèrent aujourd'hui à l'une des innombrables associations créées en vertu de la loi du 1er juillet 1901, et 10 à 12 millions d'entre elles consacrent à cet engagement plusieurs heures par semaine, parfois plus, à titre bénévole.
Selon une étude récente, qui s'est déroulée du mois de septembre 2003 au mois d'août 2004, plus de 70 000 associations nouvelles sont d'ailleurs apparues. Ce chiffre n'avait jamais été enregistré jusqu'alors ! On estime qu'il existe aujourd'hui un million d'associations vivantes et actives en France. Nombre d'entre elles mènent des actions participant directement de l'intérêt général, que ce soit, par exemple, en matière d'accompagnement des populations les plus défavorisées, de prévention des violences faites aux femmes ou aux enfants, d'animation des zones urbaines sensibles, de défense de l'environnement ou du patrimoine, etc.
Vecteur essentiel de lien social, la vie associative participe ainsi étroitement à la formation de l'esprit public et à l'exercice d'une citoyenneté active dans notre pays, tout en contribuant de manière décisive, notamment par le biais de 1, 6 million d'emplois, à l'émergence d'un secteur économique non marchand à vocation sociale et solidaire.
Héritier de mouvements d'éducation populaire fortement ancrés dans notre histoire, dans notre culture, le « modèle » français d'animation fait une large part au monde associatif. Il est lié à notre système d'éducation laïque ainsi qu'à notre conception du droit aux loisirs et aux vacances héritée du Front populaire.
La République doit beaucoup aux associations issues de ce secteur, qu'elles s'appellent Ligue de l'enseignement, Fédération nationale Léo Lagrange, Franca, maisons des jeunes et de la culture, etc. Celles-ci ont accueilli nombre d'entre nous en « colo » ou en tant qu'animateur.
Chaque année, plus de 5 millions d'enfants fréquentent des centres de vacances et de loisirs, dont beaucoup sont gérés par ces structures : 1, 5 million d'enfants dans des centres de vacances, à l'occasion des vacances scolaires, et 4 millions dans des centres de loisirs sans hébergement, en particulier le mercredi et pendant les petites vacances scolaires. Leur encadrement pédagogique est assuré par plus de 650 000 personnes, pour l'essentiel des animateurs.
Le secteur de l'animation remplit des fonctions variées : pour les enfants accueillis, au rôle social des centres de vacances et de loisirs s'ajoute une fonction éducative, puisque ces centres constituent des lieux de socialisation, de médiation, d'apprentissage de la citoyenneté et de la vie collective, mais également de découverte et de pratiques d'activités sportives et culturelles ; pour les animateurs, l'animation est une formation, même si ce n'est pas toujours une carrière.
Or, selon vous, monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui doit apporter « des solutions concrètes à des questions restées trop longtemps sans réponse ». Mais en se replongeant aujourd'hui dans le détail du budget de votre ministère élargi à la jeunesse et à la vie associative - et un budget, c'est du concret ! -, on peut se demander si vous n'instrumentalisez pas ce texte pour masquer le désengagement de l'Etat dans ce domaine.
Pour 2005, les crédits alloués à la jeunesse, aux sports et à la vie associative s'élèvent ainsi, en loi de finances initiale, à 527, 18 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 260 millions du fonds national pour le développement du sport. Autrement dit, pour la première fois en cinq ans, les crédits du ministère passent sous la barre des 0, 2 % du budget général.
Dans le cadre de cette diminution de 2, 95 % des crédits du ministère à périmètre constant, les politiques en faveur de la jeunesse et de la vie associative subissent une réelle volonté de désengagement de l'Etat. Elles se traduisent par moins de « bourses BAFA-BAFD », moins de crédits pour les centres d'information jeunesse ou les contrats éducatifs locaux, moins de subventions aux associations de jeunesse et d'éducation populaire ainsi que par la diminution des « postes FONJEP », le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire - on en connaît pourtant l'utilité pour permettre aux associations d'éducation populaire de rémunérer un emploi permanent -, et la baisse des crédits du fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA.
C'est ainsi que le Gouvernement prétend promouvoir l'initiative des jeunes, leur participation à la vie sociale et accompagner le développement de la vie associative. Dans ces conditions, comment ne pas s'inquiéter, comme nombre d'élus locaux, de la baisse régulière de la fréquentation des centres de vacances depuis plusieurs années, alors que les financements publics de leurs structures de gestion s'effondrent ?
Monsieur le ministre, qui peut encore croire, au sein du mouvement associatif, à votre politique ? Certainement pas ceux qui ont subi la suppression des emplois-jeunes et qui voient aujourd'hui l'Etat tailler dans ses subventions, dans tous les domaines, et bien au-delà de celles qui sont gérées par votre ministère ... Je pense, par exemple, à la politique de la ville, à la culture, à la prévention, et j'en passe !