Intervention de Axelle Lemaire

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 3 juin 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Axelle Lemaire secrétaire d'état chargée du numérique auprès du ministre de l'économie du redressement productif et du numérique

Axelle Lemaire, auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique :

secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. - La confiance est une notion centrale de l'Internet, comme l'illustre l'intitulé de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN). Largement entamée depuis l'affaire Snowden, elle concerne tous les acteurs de l'Internet : l'État - susceptible d'être soumis à des cyberattaques ; j'en veux pour preuve la volonté de l'Estonie d'assurer la sauvegarde de ses données en cas d'attaque -, les entreprises - plus réticentes qu'avant à commercer avec des partenaires américains, car craignant d'être soumises à leur droit national - et les utilisateurs. Pour certains analystes, cette question de la confiance conditionne l'avenir même de l'Internet ; à défaut de disparaître, il pourrait se retrouver fragmenté. La confiance peut être restaurée par toute une série de mesures, à prendre à l'échelle européenne a minima ; le Gouvernement travaille d'ailleurs en ce moment sur la cybersécurité et la cybercriminalité.

La confiance concerne également les « géants du Net », les fameux GAFA. Parfaitement conscients d'avoir à prouver leur attachement au respect des données personnelles de leur clientèle, ils multiplient les gestes commerciaux d'affichage en ce sens. Si cela peut rassurer une partie des usagers, on peut également craindre que les règles définies par ces entreprises ne s'imposent au détriment de la loi émanant des représentants parlementaires. La confiance dans ces acteurs, qui sont indispensables à l'innovation, ne sera restaurée que lorsqu'ils respecteront les règles françaises et européennes de la concurrence, et lorsque notre législation protectrice des données personnelles pourra être appliquée sur le territoire de l'usager. Selon un sondage récent, plus de 77 % des Français voient dans l'Internet une menace pour leurs données personnelles. La restauration de la confiance sera donc longue ; pour autant, elle est essentielle car, dans un cadre mieux maîtrisé, l'Internet peut être source d'innovation, de réforme de l'État et des services publics, d'émancipation individuelle et de redéfinition d'un projet de société.

L'un des éléments de rétablissement de cette confiance sera l'élaboration de normes fiscales applicables aux grandes plateformes numériques. Des travaux en ce sens sont en cours à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et la France y prend sa part. Nous attendons les conclusions du groupe de travail sur les BEPS (base erosion and profit shifting) avec beaucoup d'intérêt. La confiance ne sera restaurée que lorsque nos concitoyens verront ces acteurs contribuer à la solidarité nationale et au paiement de l'impôt au même titre que d'autres multinationales créant de la valeur sur notre territoire. La confiance ne se décrétera pas par une loi ; elle résultera de la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures déclinées aux niveaux national, européen et international. Je n'ai pas parlé de l'éducation numérique, mais cela aurait été justifié.

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