Intervention de Bruno Gastinne

Commission des affaires économiques — Réunion du 9 juillet 2014 : 1ère réunion
Avenir industriel au coeur de la transition énergétique — Table ronde

Bruno Gastinne, président de MSSA :

L'entreprise MSSA, qui était une filiale de Pechiney jusqu'en 1997, est désormais le seul producteur européen de sodium métallique - et nous n'avons plus, du reste, que huit concurrents dans le monde, dont sept chinois. Nous avons une seule usine, en Savoie, avec 300 salariés, qui produit 25 000 à 30 000 tonnes de sodium par an ; nous réalisons 85 % de notre chiffre d'affaires à l'exportation, partout dans le monde.

Le sodium a de nombreux usages, avant tout comme réactif chimique à la synthèse de nombreuses molécules clés pour l'industrie - par exemple le blanchiment du papier, la fabrication de l'ibuprofène, des colorants textiles, du biodiesel, des batteries sodium-soufre, celle de semi-conducteurs et le sodium est aussi le fluide caloporteur pour les centrales nucléaires de quatrième génération.

L'électricité est notre matière première principale, représentant 30 % des coûts de production, ce qui fait de nous une entreprise structurellement électro-intensive. Nous faisons partie d'un groupe japonais depuis deux ans, mais depuis une dizaine d'années que je dirige l'entreprise, je peux témoigner que notre résultat est très faible, quand il n'est pas négatif, et que nous réinvestissons tout notre bénéfice, sans verser de dividende à nos actionnaires.

Notre industrie n'est pas vieillotte, malgré l'apparence de nos usines qui sont anciennes, nous sommes dans un secteur de pointe, dans une filière industrielle d'avenir qui compte quelque 100 000 emplois directs et 500 000 emplois indirects ; nous fournissons des produits indispensables à des filières comme l'aéronautique, avec le lithium, ou encore les semi-conducteurs et la filière nucléaire.

Ces industries pourraient, certes, importer les produits que nous leur fournissons : ce serait une perte géostratégique pour notre pays, pour l'Europe tout entière, du fait des surcoûts de transports, de logistique, de stockage, de recyclage, mais aussi parce que nous dépendrions des nombreuses mesures, comme les quotas et les taxes à l'exportation, qui seraient entre les mains de nos fournisseurs pour assécher l'industrie nationale et européenne. A quoi bon investir un milliard d'euros dans le développement de centrales nucléaires de quatrième génération si elles ne disposent pas d'un sodium métal de la qualité requise ? Pourquoi subventionner le déploiement de panneaux solaires si la France ne peut produire un silicium solaire compétitif ? Pourquoi subventionner le développement du véhicule électrique si la France ne peut produire un lithium métal compétitif ni développer une nouvelle génération de batteries au lithium plus performantes ? Les câbliers français pourront-ils rester compétitifs face à leurs concurrents asiatiques s'ils doivent importer leurs fils d'aluminium du Moyen-Orient ?

Aujourd'hui, nous payons l'électricité entre 44,8 et 50,3 euros le MWh - MSSA le paie 50 euros -, avec un ARENH à 42 euros, un transport à 4 ou 5 euros, une CSPE à 50 centimes et un avantage lié à l'effacement évalué jusqu'à 2 euros le MWh. Nos concurrents, de leur côté, y compris de l'autre côté du Rhin, paient au maximum 30 euros le MWh : comment parvenir à de tels tarifs pour l'électricité produite en France ?

Nous proposons de mieux utiliser les excédents pour faire bénéficier les industries électro-intensives d'un tarif faible, grâce à un ARENH profilé, enrichi en heures creuses, à la pérennisation des mesures exceptionnelles en passe d'être adoptées sur le transport d'énergie, au maintien du plafonnement de la CSPE et au développement volontaire de l'effacement.

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