Le sujet de cette table ronde est d'envergure mondiale et il est bien documenté. Les comparaisons internationales montrent que les prix européens de l'énergie sont les plus élevés au monde - et l'Agence internationale de l'énergie estime que cet écart est durable. En Europe, les prix relativement bas sur le marché de gros reflètent une situation de surcapacité, liée à la crise économique qui est venue juste après les investissements capacitaires importants des années 2000. Cette situation déstabilise des producteurs, qui ne rentabilisent plus leur équipement alors que nous en avons besoin en période de pointe : on le voit avec les centrales à gaz à cycle combiné, qui tournent au quart de leur capacité ; dans ces conditions, des centrales ont fermé, grevant les capacités de production.
C'est pourquoi il est si important de valoriser nos capacités de production et d'effacement : le mécanisme de capacités est l'outil le plus prometteur, il devrait être en place en 2016.
Les prix de l'électricité en France sont parmi les plus faibles d'Europe pour la très grande majorité des consommateurs ; cependant, comme cela a été dit, ce décalage disparaît et, même, il s'inverse pour les plus gros consommateurs « électro-intensifs », une centaine d'entreprises en France. Le phénomène fluctue : il était atténué l'an dernier, mais il s'est accentué cette année. Plusieurs rapports ont mis en évidence ce phénomène et le creusement de l'écart avec nos voisins allemands - même si les comparaisons n'incluent pas la compensation des coûts du CO2, ni la valorisation de la flexibilité de certains consommateurs industriels.
Quels leviers d'action, au-delà de l'efficacité énergétique ? Je répondrai sous trois angles : la part « énergie », la part « acheminement » et la part « fiscalité ».
La part « énergie » est faite d'achat d'ARENH, d'achats sur le marché de gros, d'achats de produits Exeltium et d'électricité produite sur site, en cogénération ; comme il a été dit, ces prix sont à 42 euros le MWh pour l'ARENH cette année - avec la perspective de 46 euros pour les dix ans à venir -, plus élevés que chez nos voisins ; ils ont l'avantage, cependant, d'être prévisibles, c'est un élément à prendre en compte. Ici, outre la renégociation du contrat avec Exeltium, la question se pose de la période qui succédera aux « contrats historiques » qui offraient des tarifs négociés à certains industriels.
Je note, à ce titre, la proposition que vous faites d'un « ruban » à bas coût : il faut l'examiner plus avant sur le plan juridique, mais aussi économique.
Sur la part « acheminement », la difficulté vient de ce que la directive européenne de 2009 sur le marché intérieur interdit les traitements discriminatoires et les aides d'État. Le dispositif allemand de remise tarifaire pour les industriels « électro-intensifs », que vous avez décrit, n'a pas encore fait l'objet d'une décision de la Commission européenne. De notre côté, un dispositif exceptionnel est prévu pour un an, avec la possibilité d'une pérennisation dans le cadre de la loi de programmation à venir.
Sur la part « fiscalité », enfin, nos leviers d'action sont très faibles : les accises ont été réduites au minimum communautaire, la CSPE est relativement basse pour les grandes industries, reste la négociation en cours sur les aides d'État en matière d'énergie et d'environnement.
Enfin, différentes initiatives existent pour valoriser la flexibilité de la consommation des industriels, en particulier les effacements, ainsi que l'interruptibilité. Les outils existent, reste la question de leur dimensionnement.