Madame la présidente, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir bien voulu nous entendre pour cette présentation du travail effectué par la Cour. Il fait suite, le rapporteur général l'a rappelé, à une demande de votre part, formulée en décembre 2013, de procéder à une enquête portant sur les relations entre assurance maladie et professions libérales de santé dans le cadre de la politique conventionnelle. Vous aviez précisé que cette enquête devrait également s'intéresser au rôle des services de l'Etat dans l'initiation et la mise en oeuvre de cette politique conventionnelles.
Pour vous rendre compte de ce travail dont vous aviez demandé les conclusions pour la fin du premier semestre 2014, et échanger sur ses constats et ses propositions, je suis venu avec M. Serge Barichard, rapporteur, et M. Christian Babusiaux, président de chambre maintenu, qui en a assuré le contre-rapport.
Conformément au périmètre que nous avons défini d'un commun accord, notre travail a porté sur les thèmes suivants :
- le cadre des politiques conventionnelles, leurs caractéristiques et leurs évolutions depuis la réforme de 2004 ;
- l'impact des politiques conventionnelles sur les politiques de revenus des professions de santé ;
- les questions liées à l'accès aux soins de ville ;
- la place des politiques conventionnelles dans la régulation globale du système de santé.
Il n'a pas été procédé à une analyse exhaustive des 17 conventions et de tous les accords et avenants. Mais les professions les plus importantes, au regard de leurs effectifs et des coûts que leur activité représente pour l'assurance maladie, ont fait l'objet d'un approfondissement : les médecins, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes. Ces cinq professions génèrent 84 % de la consommation de soins et de biens médicaux telle que retracée par les comptes nationaux de la santé.
Notre enquête a donné lieu à de larges investigations et à des contacts nombreux, rappelés dans l'avertissement figurant en tête du rapport. Elle a bien évidemment mis fortement à contribution les services de M. Van Roeckeghem et de M. Fatome, dont je salue ici la présence, et d'autres administrations centrales. Nous avons par ailleurs consulté tous les principaux acteurs et notamment l'Union nationale des professions de santé (UNPS) ainsi que l'ensemble des syndicats représentatifs des professions retenues.
Je ne vais bien évidemment pas évoquer toutes les questions abordées dans le rapport. Notamment, dans la présentation du cadre conventionnel qu'il était nécessaire de faire, figurent nombre d'éléments que vous connaissez bien. Je vais, dans cette présentation liminaire, mettre l'accent sur quelques points saillants, en distinguant trois temps :
- les constats essentiels opérés par la Cour au regard des grands objectifs des politiques conventionnelles, ses avancées et ses limites telles que nous les percevons ;
- l'appréciation portée sur le fonctionnement pratique du cadre institutionnel imaginé en 2004, qui peut contribuer à éclairer les constats précédents ;
- les propositions de la Cour et les pistes envisageables pour gagner à la fois en efficience et en efficacité, ces pistes étant parfois tracées sous la forme de scénarios possibles, comme nous en avions convenu.
Au préalable, je voudrais dire que nous ne mésestimons ni la complexité du sujet, ni la lourdeur de la tâche de ceux qui ont à le gérer au quotidien ainsi que les difficultés concrètes auxquelles ils sont confrontés. Le propos de la Cour n'est pas de critiquer pour critiquer, mais, par son éclairage, de nourrir la réflexion et, ce faisant, de contribuer à la faire avancer.
Quels sont les principaux constatés opérés par la Cour au regard des objectifs des politiques conventionnelles ?
Depuis 2004, le champ et l'objet des négociations professionnelles, déjà larges, ont été étendus de façon significative. L'Etat s'en est progressivement remis aux politiques conventionnelles pour des sujets importants comme l'organisation du parcours de soins, les politiques de prévention et de santé publique, les besoins engendrés par le vieillissement de la population et les pathologies chroniques. L'Uncam a investi ces nouveaux champs en multipliant d'autant les thèmes de négociation, les outils et les incitations conventionnelles. Elle a engagé, avec les médecins et les pharmaciens, une diversification des modes de rémunération, conçue comme un support incitatif pour introduire des préoccupations de santé publique et pour promouvoir une gestion active des patientèles.
Toutefois, ces efforts importants, s'ils ont débouché sur des succès tactiques et des avancées avec certaines professions, n'ont pas apporté de réponses suffisantes à des questions qui sont au coeur du pacte conventionnel, visant à faire bénéficier tous les assurés d'un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire et dans des conditions financières satisfaisantes. En outre, l'élargissement considérable du champ des politiques conventionnelles a engendré des dépenses nouvelles sans que les obligations définies en contrepartie soient toujours, nous semble-t-il, à la hauteur des enjeux. La recherche de compromis différents suivant les professions s'est faite au détriment d'une prise en considération globale des besoins des patients et de leur évolution.
La diversification des modes de rémunération de certaines professions, sous la forme de rémunérations à la performance et au forfait, a été un axe fort des politiques conventionnelles récentes.
Pour les médecins, cette diversification a rapidement pris de l'importance : elle représentait en moyenne 12,3 % des revenus des généralistes en 2013. La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) a été généralisée par la convention médicale de 2011, d'abord au bénéfice des médecins traitants, puis a été étendue aux cardiologues, aux gastro-entérologues et aux hépatologues. Si des progrès ont été observés sur la pratique clinique, les résultats sont plus contrastés pour la prévention. Aucune conséquence négative n'est attachée au non-respect des objectifs, et chaque indicateur est indépendant. Une solidarité entre les indicateurs avec des impacts positifs et négatifs sur la rémunération finale renforcerait le caractère incitatif du dispositif.
Les médecins bénéficient également de différentes rémunérations forfaitaires, inspirées du paiement à la capitation, au bénéfice du médecin traitant, assises sur la composition de leur patientèle. Les formules successives, jamais évaluées, tendent, en se sédimentant, à complexifier le système : source de dépenses nouvelles, ces forfaits devraient être assortis de contreparties claires et vérifiables, dans la mesure où ils s'ajoutent à la rémunération à l'acte.
Une rémunération à la performance a également été instituée au bénéfice des pharmaciens par la convention de 2012. En outre, un honoraire de dispensation des médicaments est en cours de mise en place. S'il doit en principe rester neutre sur les dépenses de l'assurance maladie par une réforme de la « marge dégressive lissée » dont les pharmaciens bénéficient sur les boîtes de médicaments, il reste en l'état corrélé pour sa quasi-totalité à la boîte vendue. Pourtant cette réforme aurait pu être l'occasion de déconnecter la rémunération du volume de vente et de construire une politique incitant à l'efficience des pratiques.
Médecins, chirurgiens-dentistes et auxiliaires médicaux bénéficient également de la prise en charge, par l'assurance maladie, d'une part significative de leurs cotisations sociales. Cette prise en charge, qui remonte aux années 60, a été progressivement étendue et constitue une contribution substantielle au revenu. Ces niches sociales coûteuses (2,2 milliards d'euros en 2013) représentent une part substantielle du revenu (près de 18 % pour un médecin généraliste, 10 à 11 % pour les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes, plus de 7 % pour les dentistes). Elles pourraient être plus fortement modulées en fonction des objectifs conventionnels propres à chaque profession.
Sur les rémunérations en général, nous faisons deux constats :
- premier constat : la connaissance des revenus des professions de santé reste trop peu précise et ne fait pas l'objet d'un suivi suffisant pour un pilotage éclairé de la politique tarifaire. Nous pensons qu'entre la Cnam, la Drees, l'administration fiscale et l'Insee, il y a matière à une collaboration plus active pour suivre l'évolution des revenus de façon plus robuste et plus régulière ;
- deuxième constat : les éléments disponibles permettent néanmoins de constater, nonobstant les écarts selon les sources, que de grandes disparités perdurent entre les revenus des différentes professions de santé, de même que, pour les médecins, entre les revenus des généralistes et des spécialistes et entre les différentes spécialités médicales. La politique conventionnelle menée depuis 2004 a en fait peu modifié la hiérarchie des rémunérations des médecins, malgré un discours récurrent sur la nécessité de revaloriser la position relative de la médecine générale et des spécialités cliniques. La volonté de valoriser le rôle du médecin traitant, affirmée dans la convention médicale de 2005, n'a pas débouché sur une modification de sa position relative.
Sur l'accès aux soins, nous faisons deux remarques principales, l'une touchant à la régulation des installations, l'autre à la question des dépassements de tarifs.
Les professions libérales de santé sont inégalement réparties sur le territoire au regard des besoins des populations. Les négociations conventionnelles n'ont que récemment intégré cette dimension géographique : si quelques tentatives antérieures ont concerné les médecins, c'est à partir de 2008 que des mesures visant à concilier le principe de la liberté d'installation avec la préservation d'un accès aux soins possible et équitable ont été instituées. L'impact demeure limité.
Pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes, des mesures incitatives ont été introduites pour les zones considérées comme sous-dotées, et des mesures restrictives pour les zones sur-dotées : dans ces zones, l'accès au conventionnement n'est devenu possible qu'en remplacement d'une cessation d'activité. Pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les orthophonistes, seules en revanche des incitations ont été mises en place. Enfin, pour les pharmaciens, malgré les intentions exprimées dans la convention de 2012, aucune mesure en vue de l'évolution du réseau des officines n'a été mise en oeuvre.
Au total, les actions entreprises pour optimiser la répartition des professionnels de santé libéraux apparaissent encore timides et ont un impact trop limité. Les leviers conventionnels utilisés n'ont pas permis d'atteindre l'objectif. Les pistes ouvertes en termes de conditionnalité du conventionnement demandent ainsi à être consolidées et approfondies, en permettant par la loi d'étendre cette orientation à toutes les professions dans les zones en surdensité.
Par ailleurs, les politiques conventionnelles n'ont pas jusque-là résolu la question des dépassements de tarifs pratiqués par certaines professions.
Les dépassements des médecins de secteur II représentent environ 2,4 milliards d'euros, le taux de dépassement s'établissant en moyenne à 56,3 % en 2013. Ils ont fortement augmenté sur le long terme, puisque le taux de dépassement moyen a doublé depuis 1990. Après plusieurs tentatives infructueuses, un nouveau dispositif, le contrat d'accès aux soins (CAS), a été mis en place par l'avenant n° 8 d'octobre 2012. Le CAS apparaît toutefois pour le moins peu contraignant, au regard des taux moyens de dépassement constatés. Il peut conduire à considérer comme normal un dépassement de 100 %. L'avenant prévoit également un dispositif de sanction des dépassements considérés comme excessifs. L'impact est pour l'instant limité. La procédure est lourde et restrictive. La fixation de la sanction maximale applicable par des commissions paritaires avec les syndicats professionnels en limite les effets potentiels.
La prise en charge des soins dentaires par l'assurance maladie obligatoire ne s'établissait plus qu'à 31,5 % en 2012 hors CMU-c. En effet, les soins conservateurs sont remboursés à 70 %, mais le prix des soins prothétiques, laissé libre en contrepartie d'une modération des tarifs des soins conservateurs, a très fortement augmenté. La part des dépassements s'élevait en 2012 à 53 % des honoraires totaux, soit 4,7 milliards d'euros. Bien que le constat du déséquilibre entre soins conservateurs et soins prothétiques soit ancien, les mesures conventionnelles récentes, et notamment la mise en place d'une classification commune des actes médicaux (CCAM) pour l'activité bucco-dentaire, restent insuffisantes pour y remédier. Dans la politique conventionnelle, ce secteur a été, de fait laissé en déshérence.
Quels sont les éléments pouvant contribuer à éclairer tout ou partie de ces constats ?
La nouvelle gouvernance issue de la loi de 2004 a, dans sa pratique, débouché sur un jeu d'acteurs brouillé.
Le cadre des négociations conventionnelles a été profondément redéfini par la loi de 2004. L'établissement des conventions avec les professions de santé relève de l'Uncam, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Le conseil de l'Uncam tient un rôle limité à la définition des orientations, le directeur général, également directeur général de la Cnam, étant chargé de conduire les négociations.
Les pouvoirs de régulation de l'Etat sont avant tout d'ordre financier : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), voté par le Parlement, conditionne pour partie le contenu et le calendrier des négociations conventionnelles, en fonction des marges de manoeuvre financières à disposition du directeur général. L'Uncam a inscrit son action dans cette contrainte financière. Le taux de progression de l'Ondam est respecté depuis 2010 et les dépenses effectives sont mêmes inférieures à celles qui étaient prévues. Cependant, cet écart tient à d'autres postes que les professions libérales couvertes par la politique conventionnelle, en 2013 essentiellement aux indemnités journalières et au médicament. Le taux de progression de l'Ondam a par ailleurs jusqu'alors permis une augmentation continue des dépenses, nonobstant les déficits de l'assurance maladie.
Le Gouvernement dispose pour sa part de pouvoirs limités sur les accords conventionnels. Le coût des mesures négociées n'est plus un motif d'opposition du ministre depuis 2004. L'Etat n'a également plus la main en cas d'échec des négociations : une ordonnance du 21 avril 1996 avait prévu qu'en l'absence de convention les médecins seraient régis par un règlement conventionnel minimal, élaboré par le gouvernement et publié par arrêté ministériel ne prévoyant pas de revalorisation d'honoraires et réduisant les prises en charge de cotisations sociales par les caisses, permettant de garantir à la fois l'intérêt des patients et de l'assurance maladie. La loi de 2004 a supprimé ce dispositif et a prévu, pour toutes les professions, une procédure arbitrale.
L'assurance maladie bénéficie donc, selon les textes, d'une forte autonomie dans les négociations conventionnelles. Cependant, l'Etat n'a pas pour autant renoncé à être présent. Au regard des enjeux financiers et de la nécessité de réformer l'organisation des soins, les pouvoirs publics, qui conservent par ailleurs la responsabilité du pilotage du système hospitalier, sont amenés à peser sur les négociations, soit en prenant par la loi des dispositions de circonstance pour que les partenaires conventionnels agissent dans un sens déterminé, soit en fixant officieusement des objectifs aux négociations, soit encore en intervenant dans leur déroulement-même. A trop afficher dans les textes une délégation en réalité peu tenable, l'Etat s'est ainsi exposé au risque de devoir intervenir dans des conditions qui brouillent les responsabilités.
Par ailleurs, les deux nouveaux acteurs des politiques conventionnelles prévus par la loi de 2004 n'ont pas trouvé la place que cette réforme visait à leur donner pour le bon équilibre du système conventionnel: d'une part, l'UNPS, ne joue pas le rôle interprofessionnel que l'on pouvait en attendre ; d'autre part, l'association de l'Unocam aux négociations reste chaotique et elle s'est mise en retrait après la signature de plusieurs accords en 2012 et 2013, estimant qu'elle n'était pas mise en situation de jouer un rôle réel.. La nouvelle gouvernance prévue par la loi de 2004 n'a pas fonctionné, sauf pour ce qui concerne le rôle accru de la Cnam.
Le dispositif conventionnel est très éclaté, avec des négociations nombreuses et très séquencées.
Les conventions avec les principales professions sont régulièrement renégociées et font surtout l'objet de multiples avenants. Ainsi, la convention passée avec les médecins en 2005 a fait l'objet de 32 avenants Celle passée en 2011 en compte déjà 11. Les conventions passées en 2007 respectivement avec les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes comportent chacune cinq avenants Celle conclue avec les pharmaciens en 2012 en compte déjà cinq en mai 2014.
Cette succession incessante de textes s'explique notamment par la mise en oeuvre des multiples axes des politiques conventionnelles. Il en a résulté une inflation de négociations en raison d'un traitement très séquencé. Si la forte segmentation des négociations peut comporter des avantages en permettant une maturation des problématiques à des rythmes différents, elle présente également des inconvénients. Elle est susceptible de multiplier les avantages accordés sans contreparties suffisantes. En outre, elle nuit à la pérennité des dispositifs qui peuvent être rapidement modifiés voire remplacés sans avoir pu réellement être mis en oeuvre ou sans qu'un bilan en ait été établi.
Le troisième point, en lien direct avec le second, c'est le retard constaté dans l'émergence des approches interprofessionnelles
Il aura fallu en effet attendre dix ans, après la loi de 2002 qui en prévoyait la conclusion, pour qu'un premier accord-cadre interprofessionnel (ACIP) voie le jour. Encore cet accord, conclu en mai 2012 entre l'Uncam et l'UNPS, reste-t-il très pauvre dans son contenu. Il expose essentiellement des déclarations d'intention.
La loi de 2004 a prévu un autre mode de contractualisation interprofessionnelle à géométrie variable sous la forme d'accords conventionnels interprofessionnels (ACI) intéressant plusieurs professions désireuses de renforcer la coordination des soins. Cette possibilité, plus souple, n'a pas été utilisée au cours des dix dernières années. Ni l'Uncam ni les principaux syndicats représentatifs n'ont été porteurs, préférant rester dans le cadre de colloques singuliers.
La frilosité des politiques conventionnelles à cet égard n'a pas conduit l'Etat à une réorientation d'ensemble mais au lancement, depuis 2008 d'une série d'expérimentations sur de nouveaux modes de rémunérations en équipe. De son côté, la Cnam a également lancé des expérimentations sur des programmes d'accompagnement du retour à domicile après hospitalisation (les Prado). Le principe d'expérimentation est pertinent mais les conditions dans lesquelles elles ont été lancées sont à l'origine d'une situation compliquée et la rationalisation de ces expériences reste à conduire.
Des négociations interprofessionnelles sont certes en cours pour définir un dispositif pérenne de rémunération d'équipe, mais dans des conditions difficiles faute que les différentes conventions par profession se soient d'emblée inscrites dans une perspective d'ensemble.
Quelles sont les pistes que la Cour soumet à votre réflexion ?
Tout d'abord, développer l'interprofessionnel et recentrer l'activité conventionnelle sur les enjeux essentiels.
Des négociations trop exclusivement en « tuyaux d'orgues » ont fait obstacle à une meilleure organisation des soins de proximité, à la redéfinition de certaines fonctions pour répondre à l'évolution des besoins des patients, et à une articulation des prises en charge entre la ville et l'hôpital. La structuration des soins de premier recours implique, à l'avenir, un changement de modèle, consistant à renverser la perspective conventionnelle en faisant des approches interprofessionnelles le cadre premier des négociations dont les résultats formeraient ensuite l'armature commune des différentes conventions par profession de manière à permettre une approche plus coordonnée des soins de ville.
En outre, l'activité conventionnelle devrait être recentrée sur les enjeux essentiels - politique de rémunération contrainte et équilibrée, accès aux soins préservé et organisé, maîtrise médicalisée des dépenses - et ne s'étendre à d'autres sujets que dans la mesure où cette ossature est affermie. Ce recentrage devrait prendre place dans le cadre de négociations moins nombreuses, permettant une plus grande stabilité des textes et facilitant la mise en place d'un suivi plus exigeant, ainsi que d'une évaluation systématique de l'impact des mesures prises.
Mettre en place, ensuite, un suivi et une coordination plus exigeants en clarifiant les responsabilités
Les directions ministérielles relevant du ministère chargé de la santé ont une approche trop peu coordonnée des politiques conventionnelles. L'unité de vues n'est pas assurée entre les services de l'Etat et l'assurance maladie. Le manque de cohérence et de coordination se répercute au niveau territorial : il existe de nombreux points de recoupement entre l'action des ARS et les politiques conventionnelles. C'est notamment le cas en matière de répartition géographique de l'offre. De même, il n'existe pas pour l'essentiel d'articulation entre d'une part les actions de santé publique et de gestion du risque développées via les politiques conventionnelles, et d'autre part celles initiées par les ARS.
La régulation devrait porter de façon coordonnée sur tous les leviers détenus par l'Etat et par l'assurance maladie, concernant notamment l'organisation de l'offre, les tarifications en ville et à l'hôpital, et la politique du médicament. Seuls un pilotage plus intégré et une meilleure articulation permettront de dépasser les clivages traditionnels, de dégager les gains d'efficience nécessaires et de mieux répondre aux besoins des patients.
Une plus grande convergence des acteurs doit être recherchée au niveau national, en s'appuyant - c'est ce que nous proposons - dans un premier temps de façon pragmatique sur les outils existants. Ainsi, les missions de ce qui est aujourd'hui le comité national de pilotage (CNP) des ARS devraient être renforcées et étendues aux orientations et au suivi des politiques conventionnelles. Le contrat passé entre l'Etat et l'Uncam devrait constituer un vecteur essentiel de la coordination entre l'Etat et l'assurance maladie et de la définition des objectifs fixés à la politique conventionnelle, au besoin en modifiant les textes en ce sens.
Enfin, il importe que le Parlement, appelé à voter l'Ondam mais qui ne dispose aujourd'hui que d'informations réduites sur les politiques conventionnelles, soit à même de développer son contrôle sur ces politiques publiques qui sont une composante majeure des dépenses d'assurance maladie. Lors de la présentation du PLFSS, la réalisation des Ondam précédents doit être mieux documentée. Le sous-objectif des soins de ville devrait être assorti d'un développement faisant le point sur les politiques conventionnelles, globalement et profession par profession, en termes d'engagements pris, de coûts pour la collectivité et de résultats.
Troisième orientation suggérée par la Cour : mieux affirmer la place des organismes complémentaires
La clarté et l'efficacité du système supposent de mieux les associer. Il n'apparaît pas souhaitable que ceux-ci soient utilisés comme de simples opérateurs financiers permettant de solvabiliser les accords passés entre l'Uncam et les professions de santé, en raison du risque d'inflation des coûts que cela représente. L'amélioration des conditions d'accès aux soins suppose une véritable coopération des régimes de base et complémentaires. Une application stricte de la loi de 2004 qui prévoit un examen conjoint annuel, entre l'Uncam et l'Unocam, des programmes de négociation serait déjà de nature à renforcer cette coordination. La concertation obligatoire pourrait être élargie à l'ouverture de toute négociation, et en constituer un préalable nécessaire. Il pourrait également être prévu que le comité national de pilotage puisse entendre 1'Unocam et ses composantes sur les thèmes qui les concernent plus particulièrement.
Enfin, quatrième proposition, étudier la possibilité de laisser sous conditions une marge de manoeuvre aux acteurs territoriaux.
Le maintien d'une politique conventionnelle nationale apparaît nécessaire pour un traitement global et équitable de l'accès aux soins et des conditions de leur prise en charge collective. La possibilité d'adapter les politiques conventionnelles aux spécificités régionales, dans des conditions limitatives préfixées et/ou dans le cadre d'enveloppes fermées, pourrait néanmoins être ménagée, sous réserve de la clarification et du recentrage que j'ai évoqués. Ce schéma d'adaptation régionale des politiques conventionnelles pourrait dans un premier temps faire l'objet d'une expérimentation.
Madame la présidente, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et Messieurs les sénateurs, la politique conventionnelle a été omniprésente et incessante. Elle n'a cependant pas réglé des problèmes répertoriés de longue date. Les questions soulevées sont stratégiques, qu'il s'agisse de l'organisation des soins de proximité et du développement des approches interprofessionnelles, du lien avec l'hôpital, ou de la question de l'accès aux soins sur les plans géographique et financier. Elles doivent être traitées, à la fois dans l'intérêt des patients et en intégrant la préoccupation essentielle d'un retour à l'équilibre de l'assurance maladie, donc avec le souci de rechercher des gains majeurs d'efficience.
Je vous remercie de votre attention. Nous restons bien évidemment disponibles pour échanger et répondre à vos questions.