En étudiant la question des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé dix ans après la loi de réforme de la sécurité sociale de 2004, le rapport de la Cour des comptes offre un panorama complet et détaillé des enjeux auxquels fait face notre système de protection maladie.
Le choix de trouver des solutions négociées aux grandes questions que sont l'accès aux soins, la maîtrise du volume d'acte, la qualité du parcours de soins et la rémunération des professionnels, et ce même en temps de crise, caractérise notre système. Contrairement à d'autres pays, nous avons pu éviter de prendre des mesures soudaines et drastiques donc les effets à long terme sur les dépenses de santé s'avère incertains.
La négociation conventionnelle est donc l'instrument par lequel la pérennité de notre couverture maladie et la qualité des soins peuvent être assurées. La Cour s'est interrogée sur l'efficacité de l'instrument et sur le rapport entre celle-ci et son coût. Tout en partageant l'objectif poursuivi par plusieurs des mesures adoptées dans le cadre des négociations, la Cour s'interroge sur leur cohérence et sur leur niveau d'exigence. On peut de ce point de vue noter une différence d'appréciation entre le Cour et la Cnam sur les rémunérations sur objectifs de santé publique dont l'annexe 3 du rapport charges et produits 2015 de la caisse dresse un bilan.
Si je résume bien, la Cour estime qu'une plus forte implication des financeurs (Uncam, Unocam) et de l'Etat en tant que décideur peut renforcer la cohérence des actions menées et aboutir à la mise en place de contreparties plus efficaces pour la rémunération des professionnels et la gestion du risque. Je serais peut-être un peu plus prudent sur la capacité à imposer rapidement aux professionnels de santé des mesures beaucoup plus contraignantes. Certes les mentalités évoluent vers une plus grande acceptation du rôle de l'assurance maladie, mais l'équilibre des négociations est complexe et on sait qu'il faut d'abord éviter les ruptures. C'est cette considération qui me semble expliquer les négociations profession par profession, dont la Cour souligne cependant à juste titre qu'elles entrainent une fragmentation des mesures prises. Il est incontestable qu'il faut mener des négociations interprofessionnelles, le récent rapport de nos collègues Génisson et Milon sur les coopérations entre professionnels de santé a justement insisté sur ce point.
Je partage l'essentiel des recommandations formulées par la Cour ainsi que celles qui sont en filigrane dans le rapport et s'adresse parfois directement au législateur, comme la mise en cohérence des dispositions légales relatives aux négociations conventionnelles.
Je pense également que le constat sévère sur l'accès aux soins et sur les effets des négociations sur les revenus des professionnels appelle des mesures de rééquilibrage.
Ces questions cependant aboutissent à un problème de fond, celui de la légitimité des acteurs conventionnels. Plus particulièrement, la négociation conventionnelle fixe de manière croissante les objectifs de santé publique et de qualité des soins, tâche dont on peut penser qu'elle incombe à l'Etat. Faut-il donc que celui-ci soit directement présent à la table des négociations ? Ceci mettrait fin aux stratégies de contournement ou d'influence auxquels l'Etat doit se livrer pour participer aux débats et que relève la Cour.
La gouvernance du système de santé est un sujet sur lequel nous nous sommes penchés dans le cadre de la Mecss avec le rapport sur les ARS de nos collègues Le Menn et Milon. Une plus forte implication du ministre et la définition d'enveloppes régionales permettant l'adaptation des politiques de santé aux besoins locaux me paraissent être de bonnes mesures.
Je prolonge donc ma question sur la place de l'Etat dans les négociations conventionnelles par une autre question : la loi sur la stratégie nationale de santé doit-elle être le véhicule d'une réforme de la gouvernance du système de santé ?