Le rôle des complémentaires n'a pas en effet été abordé. S'agissant des soins dentaires, les décisions passées ont conduit à abandonner le financement de leur prise en charge aux organismes complémentaires. Dans l'optique, la France, avec près de 11 000 professionnels, est l'un des pays les plus dotés et la capacité de régulation tarifaire des organismes complémentaires est à améliorer. Mais un conflit demeure entre l'intégration de l'Unocam dans un système de conventionnement collectif, précédemment inscrite dans le programme de la Mutualité française, et le souhait, clairement énoncé par un certain nombre de complémentaires, de développer des réseaux individuels via la contractualisation.
Le secteur dentaire me paraît l'une des priorités sanitaires qu'il importe de réguler dès à présent. Certes, l'actuel Ondam ne permet pas d'obtenir de marges de manoeuvre suffisantes. D'ailleurs, l'assurance maladie préfère revaloriser un peu moins les rémunérations et prendre des mesures pour les assurés. La situation du secteur dentaire ne peut demeurer en l'état et la Cnam vient d'engager une négociation avec les centres de santé. Car le statu quo ne manquera pas d'induire de grandes difficultés pour les dentistes de province, qui ne pourront plus parvenir à l'équilibre financier et seront dissuadés de s'installer. Parallèlement, la progression des spécialités, comme l'orthodontie et les soins prothétiques, se fera au détriment des soins conservateurs considérés comme non rentables. En ce sens, la question de l'équilibre entre la revalorisation des tarifs opposables et le maintien des tarifs du secteur II se pose : l'évolution du revenu des professionnels, au regard de celle des revenus généraux, a-t-elle été suffisante ? Pour y répondre, la Cour se trouve dans une situation difficile puisque, d'un côté, elle a pour responsabilité la maîtrise des comptes publics et, de l'autre, il lui faut garantir la soutenabilité à moyen terme de notre système de protection sociale. Or, celui-ci est considéré, par les autres pays, comme favorisant l'accès aux soins de manière relativement aisée. Ce ne sont donc pas les moyens mis en oeuvre par l'assurance maladie et sa tentative de maintenir le coût opposable des soins qui permettent de résoudre, à terme, les problèmes que ne manquera pas d'induire le secteur dentaire. Les décisions sur cette question incombent au politique.
Sur l'avenant n° 8, l'enjeu est de proposer un cadre différent de l'impasse stratégique dans laquelle nous nous trouvons avec la dualité entre les secteurs I et II. De ce point de vue, les décisions qui vont être prises, en matière de couverture des complémentaires et d'évolution triennale de ce système, représentent un enjeu majeur. Laisser la situation telle qu'elle est actuellement, avec ce morcellement entre deux secteurs, ne me paraît pas pertinent. Il faut à l'inverse évoluer.
Je rappellerai que lorsque les médecins du secteur II respectent les tarifs opposables de la CMU-c, ils bénéficient des tarifs du secteur I. S'il s'agit de bouger les lignes, encore faut-il savoir vers quel système il nous faut évoluer. De ce point de vue, les complémentaires s'avèrent des acteurs importants, mais je ne pense pas que la liberté tarifaire et les réseaux individuels vont régler les problèmes. D'ailleurs, un amendement au PLFSS rectificatif sur la prise en charge des contrats d'accès aux soins s'est inscrit en ce sens.
Sur la biologie, depuis plusieurs années, les conventions ne peuvent fixer les tarifs car une disposition législative est intervenue et a confié, de façon unilatérale, cette responsabilité à l'assurance maladie. L'Uncam ne peut donc plus convenir d'un accord prix-volume dans la convention puisque la loi ne le permet plus ! Nous ne pouvons que baisser unilatéralement les tarifs et nous l'avons fait à hauteur de 700 millions d'euros. Cependant, il importe d'envisager les mesures prises dans une perspective de moyen terme et la situation du secteur dentaire témoigne aujourd'hui du caractère pernicieux des mesures de court-terme.
Le monde de la santé est passé d'un contexte de croissance et d'investissement, au début des années 2000, à celui marqué par le resserrement de la gouvernance financière et la réduction de la croissance nominale du pays, ce qui le place dans une situation de relative incertitude. Au coeur des politiques publiques se pose aujourd'hui la question des moyens de concilier le retour de la croissance avec la maîtrise de l'usage des deniers publics. C'est pourquoi, après une baisse tarifaire ininterrompue pendant sept années, la Cnam a estimé raisonnable de proposer aux acteurs, en commençant par ceux de la biologie médicale, un cadre différent leur permettant de participer à la bonne utilisation des ressources et de ne plus être incités à une course aux volumes inutile, tout en veillant à conserver leurs marges afin de remédier à l'absence de visibilité susceptible de bloquer les investissements. Cet enjeu est majeur, mais la connaissance des événements survenus ces vingt dernières années me paraît utile pour restaurer la croissance et la conférence actuellement en cours sur la mise en oeuvre du pacte de responsabilités me paraît aller dans le bon sens. Il importe avant tout de déployer une vision de long terme et la pluri-annualité, appelée de ses voeux par la Cour des comptes sur un certain nombre de sujets, me semble être prise en compte par les politiques de santé. L'engagement de la Cnam, soutenu par les deux ministres en charge de la sécurité sociale, à cette pluri-annualité, témoignait enfin de notre respect des lois et de l'avis du Parlement.