Mon parcours est assez atypique. Après une formation initiale en informatique et un début de carrière en entreprise, au sein de sociétés de services en informatique de taille moyenne, j'ai rejoint le ministère des affaires sociales en 1995 en tant qu'attaché d'administration dans la même spécialité, et me suis vu confier l'ensemble de l'informatique décisionnelle. J'ai ainsi acquis une expérience significative dans ce domaine, dont on sait qu'il est souvent porteur d'enjeux cruciaux.
J'ai ensuite décidé de m'orienter vers une carrière plus administrative, ce qui m'a conduit à prendre la responsabilité du bureau des affaires générales et des ressources humaines de la direction générale de la santé. Cette période, très intense et stimulante, m'a permis de me familiariser avec les politiques de santé publique. J'ai alors suivi une préparation au concours interne de l'école nationale d'administration (ENA), que j'ai intégrée en 2004. Au terme de ma formation, j'ai rejoint le corps de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) ; j'y ai effectué de nombreuses missions qui m'ont permis à la fois de conforter mes compétences en gestion, en organisation et en pilotage et d'appréhender de nouvelles dimensions des politiques publiques en matière sociale - en particulier dans les domaines du travail et de l'emploi, de la formation professionnelle et de la sécurité sociale. J'ai notamment participé à l'élaboration de la première version du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) des agences régionales de santé (ARS) et au bilan de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2006-2009 de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). J'ai ensuite été placé auprès du secrétariat général des ministères sociaux, où j'ai conduit la démarche de contrôle de gestion et de pilotage et de suivi de l'activité et assuré l'animation du réseau des Direccte.
Au cours des deux dernières années, jusqu'au dernier remaniement ministériel, j'ai exercé les fonctions de conseiller social auprès de la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Le large périmètre de ma mission m'a permis de travailler dans ce cadre sur l'ensemble du champ des questions sociales, de la santé aux retraites en passant par les conditions de travail. Je suis actuellement en poste à l'Igas.
C'est donc fort de cette expérience variée dans les domaines de la santé, de la sécurité sociale, du travail et de l'emploi, et fort également des compétences que j'ai développées en matière de gestion, d'organisation, de management, de stratégie, de conduite de projet et d'informatique que je me présente devant vous comme candidat au poste de directeur général de l'INCa. Cette expérience et ces compétences pourraient, je le crois du moins, être utilement valorisées au service d'une cause cruciale, celle de la lutte contre le cancer - qui demeure le principal fléau sanitaire dans notre pays, avec 355 000 personnes touchées et près de 150 000 décès chaque année - et d'une institution et d'un poste qui m'apparaissent très stimulants.
L'INCa a en effet la volonté de développer une approche globale et une vision intégrée de la lutte contre le cancer, au service des malades, des personnes guéries et des familles, par un travail global sur l'ensemble des leviers qui conditionnent l'efficacité de cette politique - la recherche et l'innovation bien sûr, mais aussi l'information des patients et de leurs familles comme celle des professionnels, la prévention, l'organisation des soins, les modalités et le contenu de la prise en charge, les conditions d'insertion sociale et professionnelle. Ces orientations nécessitent de surmonter les cloisonnements : à ce titre, il revient à l'INCa, et en particulier à son directeur général, de favoriser les échanges et de fédérer l'Institut et ses partenaires sur des objectifs et des projets communs.
Comme vous le savez, la gouvernance de l'INCa associe une présidence exécutive, actuellement exercée par Agnès Buzyn, professeur de médecine, et un directeur général de formation traditionnellement plus administrative. Ce binôme de compétences ne peut que permettre le développement d'une double lecture et d'une vision large, qui est selon moi très profitable à l'action de l'INCa.
Il revient bien sûr en premier lieu au directeur général de l'Institut d'en assurer la gestion administrative ; sur ce point, il me faudra poursuivre le travail engagé par mes prédécesseurs pour consolider le fonctionnement institutionnel et financier et améliorer la maîtrise des risques, qu'ils soient d'ordre comptables, financiers, opérationnels ou de type risques métiers. Il me semble par ailleurs nécessaire, au cours des années à venir, d'asseoir le positionnement de l'INCa en tant qu'agence d'expertise scientifique et sanitaire de référence. Dans ce cadre, le directeur général doit conforter la transversalité et la collégialité du fonctionnement de l'Institut, afin de faire vivre la vision intégrée de la lutte contre le cancer qui en fait la particularité. Il doit également porter une attention soutenue à la prévention des conflits d'intérêt. Le développement et le perfectionnement des systèmes d'information représentent aussi un enjeu important, à la fois pour faciliter le travail des équipes et pour gagner en efficience.
J'en viens maintenant aux orientations de l'INCa pour les années à venir. La feuille de route de l'Institut peut très largement être déduite du troisième plan cancer, présenté par le Président de la République en février dernier, et dont les objectifs généraux sont la réduction de l'incidence du cancer, la guérison de davantage de malades, et l'amélioration de la qualité de vie de patients et ex patients. Le directeur général est en charge du suivi et de la mise en oeuvre de ce plan structurant pour l'établissement, d'autant qu'une part très importante des actions prévues dans ce cadre (110 sur 180) sont directement pilotées par l'INCa.
Le deuxième plan cancer a permis de réaliser des avancées importantes, comme la mise à jour en 2013 des données d'incidence et de survie pour l'ensemble des pathologies, ou, en ce qui concerne l'organisation des soins, l'achèvement de la mise en place des 23 réseaux régionaux de cancérologie et des dispositifs spécifiques à l'oncogériatrie, à l'oncopédiatrie et aux cancers rares. Le troisième plan cancer s'inscrit dans la continuité de ces actions, mais dans un contexte marqué par des inégalités sociales et territoriales importantes, par la rapidité des progrès médicaux et de l'évolution des prises en charge, dans le sens d'une plus grande efficacité, par une demande d'implication plus importante des usagers, et enfin par une contrainte financière forte.
Afin de guérir davantage de malades et de réduire l'incidence du cancer, il nous faut d'abord nous attaquer aux inégalités, notamment sociales, face à la maladie. Le risque de mourir d'un cancer entre 30 et 65 ans est ainsi deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres, et l'on observe une absence de progression dans la participation aux programmes de dépistage. Nous devons améliorer notre connaissance des populations pour pouvoir définir des modes d'action appropriés et agir sur les bons leviers, notamment du point de vue financier. Le cancer du col de l'utérus, qui offre une bonne illustration de ces inégalités, fera l'objet d'un dépistage systématique.
La prévention, qui constitue par ailleurs l'une des priorités définies par la stratégie nationale de santé, est un deuxième axe important du plan cancer. Le programme national de réduction du tabagisme lancé par la ministre de la santé, qui a pour objectif de réduire d'un tiers la prévalence du tabagisme quotidien, en est un pilier important, alors que les indicateurs d'usage ne sont pas bons chez les jeunes par rapport à nos voisins européens. Il faut par ailleurs poursuivre l'amélioration de l'information, et ce dès le stade de l'école, afin de permettre à chacun de connaître les risques associés à ses comportements. 80 000 décès pourraient être évités chaque année par des comportements individuels et collectifs permettant de limiter l'exposition aux risques : pourtant, selon le baromètre Cancer 2010, un tiers des Français pense que l'on ne peut rien faire pour éviter le cancer.
Nous devons également poursuivre nos efforts pour favoriser l'innovation et faciliter son transfert, afin de permettre aux patients d'en bénéficier le plus rapidement possible. Je pense par exemple à la radiologie interventionnelle où au développement de la médecine personnalisée, pour laquelle la France occupe une place de premier plan. Il s'agit là de l'une des missions premières de l'INCa ; le maintien de son efficacité suppose que des relais de financement puissent être trouvés pour les innovations qui ont fait la preuve de leur efficacité, afin que les interventions de l'Institut puissent être redéployées vers des solutions émergentes.
La question de l'organisation des soins - notamment s'agissant des délais - et de l'orientation des patients est également essentielle dans la perspective d'une réduction des pertes de chance et de la construction de réponses adaptées aux situations individuelles complexes. Compte tenu de l'évolution des modes d'intervention, avec le développement croissant des prises en charge ambulatoires, l'articulation entre médecine hospitalière et médecine de ville, pendant comme après le traitement, constitue par ailleurs un enjeu majeur. Dans cette perspective, il faudra poursuivre les efforts de développement et d'amélioration du dossier communiquant de cancérologie (DCC) et des programmes personnalisés de soins. Une telle orientation suppose que les relations de travail entre l'INCa et les ARS soient confortées.
Dans cet ensemble, les professionnels qui prennent en charge et accompagnent les patients et leurs familles jouent un rôle crucial, et la question du temps médical disponible est de plus en plus prégnante : leurs parcours professionnels doivent être valorisés et il faut promouvoir leur formation continue. Le troisième plan cancer prévoit ainsi la création du métier d'infirmier clinicien en cancérologie.
S'agissant de la qualité de vie des patients et anciens malades, l'objectif du plan cancer est ambitieux : il s'agit de réduire de 10 % dans un délai de 5 ans la proportion de patients percevant leur qualité de vie comme dégradée. La fluidité et l'adaptation des parcours, le développement d'une prise en charge globale, la question des soins supports et de la prise en charge des séquelles (comme la fertilité) seront des points clés de ce point de vue.
En tant qu'elle joue nécessairement un rôle dans la dynamique de guérison, la situation économique et sociale des patients doit être pleinement prise en compte. Il s'agit, par exemple, de veiller à ce que les jeunes puissent poursuivre leur scolarité et au retour ou au maintien dans l'emploi pour les adultes. Ces orientations supposent de travailler avec les partenaires sociaux et les entreprises, notamment sur les conditions de travail et l'aménagement des horaires.
L'approfondissement de la démocratie sanitaire constitue enfin un élément essentiel, car elle contribue à identifier les solutions les plus appropriées et à avancer collectivement vers une amélioration des prises en charge. Si j'ai l'honneur d'être nommé au poste de directeur général, je veillerai à renforcer le travail de l'INCa avec les représentants des usagers notamment.