Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 15 juillet 2014 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2013 — Débat et discussion puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Il convient plutôt d’établir une évidente causalité entre ralentissement de l’activité économique et dynamisme modéré des recettes fiscales, alors que la croissance du PIB s’est élevée à 0, 3 % en 2013. Le décalage croissant entre les recettes fiscales prévues et constatées persiste en 2014 a conduit le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances rectificative comportant plusieurs milliards d’euros de contraction des recettes fiscales.

Vous le savez, nous ne voterons pas le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013.

J’en viens aux éléments de langage utilisés pour justifier les choix proposés. On nous parle d’efforts « partagés ».

En plus de réduire ses propres dépenses, l’État continuera en parallèle à transférer des charges aux collectivités territoriales – je pense à la réforme des rythmes scolaires, pour évoquer l’exemple le plus récent – et à leur serrer la vis, en baissant de 22 milliards d’euros sur trois ans le montant des concours budgétaires qui leur sont attribués ; au total, la diminution aura atteint 28 milliards d’euros en quatre ans.

En outre, l’avenir des collectivités territoriales est suspendu à l’adoption ou au rejet d’une réforme territoriale qui n’est, à mes yeux, ni faite ni à faire. En vérité, elle n’est que la copie française d’une orientation européenne ayant déjà donné de remarquables résultats dans des pays aussi divers que le Portugal, la Grèce ou l’Italie…

Dans les faits, une telle incertitude institutionnelle vise à soumettre le premier échelon de pouvoir démocratique, la commune, à la double domination du président du conseil régional et de l’État, devenu prescripteur de politiques définies « en haut » pour s’appliquer coûte que coûte « en bas ».

Dans ce schéma, la décentralisation disparaît, comme en témoigne le fameux droit d’option des départements, qui évite, comme par hasard, le recours à la consultation populaire ; sans doute un mauvais souvenir de la démarche infructueuse engagée en 2013 en Alsace… §

Le Président de la République et le Gouvernement attendent beaucoup de la réforme territoriale en termes de réduction du déficit budgétaire. Mais, nous le savons tous, une telle évolution aboutira à une dégradation de la vie de nos habitants, qui perdront peu à peu les services publics, dont tout le monde a loué le rôle déterminant dans la réduction des inégalités et l’amortissement de la crise financière.

Il en va de même pour la sécurité sociale. Pensez-vous vraiment qu’il soit conforme à la justice et à l’équité de geler les retraites, de réduire les dotations des hôpitaux et de rogner les prestations familiales ? Encore ne sont-ce là que quelques-unes des mesures prévues. Devoir se priver d’une sécurité sociale de haut niveau dans une économie nationale qui n’a jamais été aussi riche et productive, voilà en vérité une étrange conception de la justice et de l’équité !

La politique menée par le Gouvernement en matière de sécurité sociale est la parfaite illustration du risque dénoncé dès l’origine par son créateur, le ministre communiste Ambroise Croizat : « Faire appel au budget de l’État, c’est inévitablement subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières qui risqueraient de paralyser les efforts accomplis. »

Il faut bien le reconnaître, nous faisons face, dans le domaine de la sécurité sociale, à quelques enjeux majeurs.

D’une part, on constate une persistance des déficits sociaux combinée à la prégnance toute particulière de la prise en charge par l’État des cotisations sociales des entreprises.

Au cours de sa conférence de presse de ce midi, notre collègue Michelle Demessine a souligné la dangereuse accoutumance du monde économique aux exonérations de cotisations sociales, qui représentent plus de 10 % du montant des cotisations normalement dues. Elle a rappelé que 210 milliards d’euros d’exonérations avaient été distribués depuis 1993. L’emploi s’en porte-t-il mieux qualitativement et quantitativement ? Pas du tout : il y avait 3 millions de chômeurs en 1993 et qu’il y en a 5, 6 millions aujourd’hui ! Voilà la réalité, mes chers collègues !

D’autre part, alors que la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, supporte plus de 130 milliards d’euros de passif à apurer, la situation des comptes sociaux n’a connu aucune évolution sensible du point de vue des ressources.

Le taux de cotisation des entreprises pour la branche famille, qui était de 5, 40 % au mois de juillet 1993, vient d’être ramené à 5, 25 %. En revanche, le taux de cotisations sur les salaires prévu pour l’assurance vieillesse jusqu’au plafond de la sécurité sociale, qui était de 8, 20 % en 1993, a été porté à 8, 30 % en janvier 2006, et il atteint 8, 45 % depuis le mois de janvier dernier.

Dans un article paru dans la revue de l’Institut de recherches économiques et sociales, l’économiste Michel Husson fait apparaître que le niveau des cotisations sociales en 2012 est équivalent à celui des années soixante-dix, mais avec un taux employeur global de 24 % du total des rémunérations. De ce point de vue, la chute est de plus de 3 % sur le début des années quatre-vingt-dix.

En d’autres termes, c’est un problème d’insuffisance de recettes qui est à la base des difficultés de la sécurité sociale, comme de celles de l’État.

L’insuffisance des recettes est largement encouragée par une politique publique de l’emploi parfaitement inepte dans le contexte actuel. La stratégie de Lisbonne devait conduire la France sur la route de l’effort pour l’innovation, la recherche, la qualification et la création de valeur ajoutée par la matière grise. Qu’en est-il ? En assurant la rentabilité de la grande distribution et la solvabilité des entreprises de services à la personne, de nettoyage, de gardiennage et d’entretien, nous avons favorisé le développement de l’emploi précaire et de l’intérim.

En 1982, notre pays comptait un peu plus de 6 % de salariés en contrat à durée déterminée et un peu plus de 8 % de salariés à temps partiel.

En 2009, nous comptons plus de 12 % de salariés en contrat à durée déterminée et près de 18 % de salariés à temps partiel, chiffres plus actuels. Et il y a encore de belles âmes pour nous expliquer que le code du travail ne serait pas suffisamment « souple » ou « flexible », ou qu’il faudrait le « simplifier » parce qu’il compterait « trop de pages » !

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