Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 15 juillet 2014 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2013 — Débat et discussion puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

On trouve dans ce document un intéressant tableau sur la stratégie fiscale des années à venir. Sont retracées de manière synthétique les mesures prévues par le fameux pacte de responsabilité et de solidarité sur les années 2014 à 2017. Le total atteint, en coût et en « mesures nouvelles », la somme de 25, 3 milliards d’euros, étant par ailleurs précisé que ce montant n’est pas inclus dans le coût du CICE.

Le problème, c’est que le chiffrage n’est pas juste. En réalité, les allégements de cotisations sociales supplémentaires initiés en 2015 pour 4, 5 milliards d’euros vont atteindre 13, 5 milliards d’euros à la fin de l’année 2017 pour les salaires compris entre 1 et 1, 6 SMIC, tandis que ceux qui concernent les salaires supérieurs vont coûter 9 milliards d’euros sur deux ans.

De même, la mesure d’allégement de cotisations sociales des travailleurs indépendants, précédant l’intégration du régime social des indépendants, le RSI, dans le régime général, va coûter deux milliards d’euros supplémentaires.

Sur le plan des cotisations sociales, ce sont donc 24, 5 milliards d’euros de plus qui vont être accordés en allégements aux entreprises.

Pour la « modernisation du système fiscal des entreprises », la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, va coûter 7, 2 milliards d’euros en trois ans au budget de l’État, tandis que la disparition de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, ou IS, représentative de la contribution du monde économique au redressement des comptes publics, va coûter 5, 2 milliards d’euros de plus.

Aux 24, 5 milliards d'euros d’allégements sociaux payés sans doute in fine par la contribution sociale généralisée, la CSG, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, et la CADES, nous ajoutons donc 12, 4 milliards d'euros d’allégements fiscaux, soit un total de 36, 9 milliards d'euros.

Pour faire bonne mesure, cerise sur le gâteau, on envisage de réduire le « taux facial » de l’impôt sur les sociétés de 33, 33 % – vous savez très bien que le taux est, en moyenne, bien inférieur – à 32 %, voire à 28 % si l’on veut que les fruits de la croissance attendue puissent correctement alimenter les dividendes versés. Cela fera, nous dit-on, 1, 5 milliard d’euros d’efforts supplémentaires pour tout le monde, sauf pour les entreprises et la finance, qui vont donc, pendant que l’on rationne les collectivités locales, se partager près de 40 milliards d'euros de nouveaux allégements sociaux et fiscaux !

Au demeurant, pour dissuader parfaitement les employeurs d’accroître les salaires de manière inconsidérée, le Premier ministre vient d’annoncer la couleur sur la seule mesure destinée aux ménages dans le cadre du pacte : un dispositif pérenne sur l’impôt sur le revenu d’un coût estimé compris entre 2, 5 milliards et 2, 7 milliards d’euros.

Il s’agit non d’une revalorisation du barème, comme nous avons eu l’imprudence de le proposer dans le cadre du collectif 2014, mais d’une nouvelle ristourne sur la contribution des redevables percevant un revenu inférieur à deux SMIC. Cela conduira à rembourser 400 euros payés « en trop » lors du dernier tiers provisionnel ou de la dernière mensualité de l’impôt sur le revenu ! Manuel Valls sera ensuite autorisé à remercier les généreux contribuables concernés d’avoir prêté gratuitement à l’État pendant neuf mois les sommes qui leur seront remboursées.

Il y a aussi l’allégement des cotisations sociales, destiné à augmenter le salaire net perçu par les salariés. Là encore, le MEDEF remercie le Gouvernement de creuser ainsi un peu plus le déficit de la sécurité sociale sans contraindre les entreprises à augmenter les salaires bruts. Les 7, 5 milliards d'euros que devrait coûter cette mesure sont un cadeau empoisonné au monde du travail.

Pour augmenter les salaires et le pouvoir d’achat des ménages en France, il y a deux outils : il faut un décret de revalorisation du SMIC et un autre de dégel du point d’indice de la fonction publique. Les efforts ne sont donc pas si équitablement partagés que certains veulent le laisser penser.

Et ceux qui, par pure posture politique, contestent cette politique en l’ayant eux-mêmes mise en œuvre dans un passé récent ne sont pas plus qualifiés que l’actuel Gouvernement pour donner des leçons, surtout après avoir ratifié avec les parlementaires socialistes le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, dont le pacte de responsabilité est une forme d’avatar.

Au mois de mai 2012, un peu plus de 18 millions de Français, partagés entre espoir, volonté et détermination, votaient en faveur du changement. Le 25 mai dernier, moins de 19 millions votaient lors du scrutin européen, dont seulement 2, 65 millions en faveur du parti de l’actuel Président de la République.

Pour retrouver les autres, je ne vois décidément qu’une solution : abandonnez les illusions libérales ! Une fois, une fois seulement, menez une politique de gauche ! §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion