Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traditionnel débat d’orientation des finances publiques, que nous abordons conjointement avec le projet de loi de règlement, doit nous présenter pour 2015 les grands équilibres de nos comptes publics et la stratégie macroéconomique du Gouvernement, avant l’examen de la loi de finances de cet automne.
Vous le savez, à ce stade, nous ne pouvons qu’être très préoccupés par l’équation budgétaire de l’an prochain. Notre pays est confronté à un véritable risque, celui que notre économie décroche et que la croissance y soit plus faible que chez nos partenaires européens.
Dès lors, l’année 2015 apparaît comme celle de tous les dangers si la France veut véritablement rééquilibrer la trajectoire de ses finances publiques et respecter son engagement : ne pas dépasser les 3 % de PIB de déficit.
En disant cela, je n’entends pas dramatiser à outrance. Je ne fais que m’appuyer sur plusieurs rapports convergents. Je pourrais mentionner les bilans approfondis sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques publiés par la Commission européenne le 5 mars dernier et ses analyses par pays du 2 juin dans le cadre du semestre européen, les trois avis du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de stabilité, sur la loi de règlement 2012 et sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, ou encore les avis de la Cour des comptes, tant sur l’exécution budgétaire 2013 que sur le dernier collectif. Enfin, je le rappelle, dans son dernier rapport sur la France, le FMI revoit ses projections macroéconomiques à la baisse.
Ces analyses ne peuvent pas nous laisser indifférents. Elles vont toutes dans le même sens, celle d’une projection de croissance pour 2015 et les années suivantes inférieure à ce qui est envisagé par le Gouvernement.
Vous connaissez le consensus ; pour 2014 et 2015, tous les observateurs économiques, INSEE et FMI compris, évoquent respectivement de 0, 7 % et de 1, 4 % de croissance, contre 1 % et 1, 7 % selon le Gouvernement. Pour les années suivantes, nous savons tous que la France atteindra difficilement le seuil de 1, 5 % de croissance, à partir duquel il est possible d’espérer un recul du chômage.
Certes, la conjoncture économique s’améliore en Europe. Mais la reprise est modeste et fragile, et notre pays est confronté à plusieurs risques : celui d’une dette élevée, celui des marchés émergents et celui des zones de tensions géopolitiques.
Surtout, la France ne participe pas pleinement à la reprise. Notre situation se dégrade par rapport à la moyenne européenne. Pourtant, l’environnement économique est le même pour tous !
Je vous épargne les détails sur la comparaison avec l’Allemagne, mais j’aimerais rappeler un élément, d’ailleurs souligné par la Cour des comptes : c’est bien la trajectoire de la baisse de la dépense publique qui est à l’origine du différentiel entre nos deux pays.
Par ailleurs, les institutions françaises, en particulier la Cour des comptes, soulignent un phénomène nouveau et relativement inquiétant : la faiblesse du rendement de l’impôt, qui a des conséquences négatives sur les recettes. Je le rappelle, sur les 25 milliards d’euros de recettes supplémentaires prévus en 2013, seulement 12, 5 milliards ont été effectivement perçus. Le Gouvernement est entré dans ce cercle, que je qualifierais d’infernal, où l’augmentation des taux entraîne l’effritement de la base fiscale.
Enfin, l’année 2015 ne commencera pas sur une page blanche. Elle sera contaminée par les écarts d’exécution de 2013 et de 2014. D’une part, comme cela a été rappelé, le déficit s’est élevé en 2013 à 4, 3 % du PIB, contre un objectif initial de 3 %. D’autre part, il faudra gérer les conséquences du dérapage des comptes publics de 2014. Ainsi, lors de l’examen du collectif budgétaire, au début du mois de juillet, vous avez concédé 3, 8 % de déficit, au lieu de 3, 6 %, pour 2014. La Cour des comptes, elle, prévoit 4 % de déficit.
Nous le voyons, les indicateurs macroéconomiques préfigurant la conjoncture en 2015 sont, à eux seuls, préoccupants.
Or, si la faiblesse de la croissance n’assure pas le redémarrage de notre économie, la résorption des déficits publics sera encore plus difficile. Cette situation de croissance faible oblige à mener une action déterminée en matière de baisse de la dépense publique et de réformes structurelles pour construire un nouveau modèle de croissance.
J’en viens à la baisse de la dépense. Nous nous interrogeons sur le volume des économies projetées, sur la méthode et sur le calendrier du Gouvernement.
Premièrement, les 50 milliards d’euros d’économies prévus en trois ans nous semblent insuffisants, pour deux raisons. D’une part, vous avez ajusté la hausse tendancielle des dépenses à cet objectif ; c’est la Cour des comptes elle-même qui le souligne. D’autre part, vous annoncez de nouvelles dépenses, notamment des réductions d’impôts, qui devront être financées.
Je le rappelle, jusqu’à présent, les 50 milliards d’euros d’économies annoncées étaient destinés au rétablissement des comptes, et non à la compensation de la baisse de la fiscalité.
En conséquence, la cible devrait plutôt se situer aux alentours de 60 milliards d’euros.
Deuxièmement, la méthode retenue est contestable.
D’abord, des pans entiers d’économies pour 2015 ne sont pas précisés. Le « tiré à part » présentant les grandes lignes du volet dépenses du budget 2015 n’a été mis en ligne que le 9 juillet. Peut-être vouliez-vous rendre notre week-end du 14 juillet très studieux, monsieur le ministre ?