Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons cet après-midi porte à la fois sur l’orientation des finances publiques et sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013. Je commencerai par évoquer ce second volet du débat.
De 2013, je dirais que nous faisons mieux que jamais, mais que la vigilance reste de mise.
Mieux que jamais, car le déficit s’établit à 74, 9 milliards d’euros, c’est-à-dire 4, 3 % du PIB, alors qu’il atteignait 87 milliards d’euros en 2012 et 149 milliards d’euros en 2010.
Le déficit structurel, à 3, 1 %, est à son plus bas niveau depuis 2002 : il s’élevait à 5 % en 2011, et à 4, 2 % en 2012. La croissance de la dépense publique, quant à elle, a été seulement de 2 %, soit son plus bas niveau depuis 1998. Elle reste malheureusement supérieure à la croissance du PIB, mais il a fallu financer des dépenses exceptionnelles. Je songe en particulier aux contributions de 6, 5 milliards d’euros au mécanisme européen de stabilité et de 1, 6 milliard d’euros à la Banque européenne d’investissement.
Toutefois, je le répète, la vigilance est de mise. D’abord, parce que l’objectif initial de déficit de 3, 1 % du PIB, fixé au mois de décembre 2012, n’a pas été atteint. Le déficit, supérieur au produit de l’impôt sur le revenu, représente 25 % des recettes et 33 % des dépenses de l’État. Nous constatons également un gros dérapage du crédit d’impôt recherche. Enfin, la dette publique dépasse maintenant 90 % du PIB. Je rappelle pour mémoire qu’elle s’élevait à 58 % en 2002 et à 89 % en 2012.
Les recettes du budget sont en augmentation de 15 milliards d’euros, grâce à de nouvelles recettes. Cependant, cela a été déjà souligné, nous comptions sur 12 milliards d’euros supplémentaires. Or il est impossible d’imputer l’intégralité de ces non-recettes à la conjoncture : le fait que la croissance n’atteigne que 0, 3 % au lieu des 0, 8 % attendus s’est traduit par une perte de PIB de 10 milliards d’euros –, mais cela ne peut suffire à expliquer ces 12 milliards d’euros de non-recettes. Le manque à gagner le plus significatif est celui de l’impôt sur les sociétés qui atteint 8, 5 %.
Au regard de ces recettes moins fortes que prévu, nous pourrions dire, si nous parlions d’une entreprise, que le business model est à bout de souffle.
Par ailleurs, nous disposons de peu d’informations sur le hors-bilan : plus de 80 milliards d’euros de garantie ont été donnés en deux ans, en particulier à l’UNEDIC, au Crédit immobilier de France et à la Banque PSA Finance.
Enfin, cela a été indiqué, le service de la dette a été moins lourd que prévu, alors qu’il a fallu placer plus de 168 milliards d’euros d’emprunts. La charge de la dette a atteint 45 milliards d’euros, soit 1, 4 milliard d’euros de moins qu’en 2012.
Quoi qu’il en soit, nous devons rester très vigilants, car ces résultats ont été enregistrés grâce aux taux d’intérêt très faibles que nous constatons aujourd’hui. En cas de perte de confiance dans la signature de la France, la charge deviendrait immédiatement insupportable pour le budget. De même, lorsque la croissance sera de retour, notre économie devra courir avec des semelles de plomb en raison de la remontée probable des taux d’intérêt, ce qui aura un effet sur la charge de la dette et empêchera notre économie de profiter complètement de ce rebond. La stabilisation de la dette doit donc demeurer notre objectif prioritaire.
À cet égard, je me dois de saluer largement les efforts du Gouvernement.
Tout d’abord, à l’échelon national : dans sa certification des comptes de l’État, la Cour des comptes a émis deux réserves de moins qu’en 2012. Or, contrairement à nombre de nos partenaires européens, cette démarche de certification vise également les comptes de la sécurité sociale.
Ensuite, au plan européen : la ratification du TSCG, la mise en place du mécanisme de pilotage des finances publiques et du semestre européen ont permis de crédibiliser l’action à la fois de la France et de la zone euro. La mise en place de l’Union bancaire a parachevé ce mouvement.
D’autres orateurs, notamment Nicole Bricq, ont signalé qu’énormément de choses restaient encore à faire en matière de convergence des fiscalités. Aujourd’hui, en zone euro, la fiscalité est un élément non pas d’harmonie, mais bien plutôt de dumping et de différenciation. Il est temps d’y mettre fin.
S’agissant plus spécifiquement de la France, la croissance du commerce mondial de 2, 8 % en 2013 n’a profité à notre pays qu’à hauteur de 1, 8 %. Cela signifie que celui-ci n’est pas équipé pour répondre à la demande. De même, nous constatons que pour 6 euros de dette, l’activité ne progresse que de 25 %, soit de 1, 5 euro. Nous avons donc besoin de réformes de structure pour mieux répondre aux besoins du monde et accompagner la croissance de l’ensemble de la planète. Si nous ne produisons pas les biens qui sont au cœur des besoins mondiaux, nous nous déclasserons progressivement et perdrons nos compétences.
On parle beaucoup de ceux qui quittent la France. D’ailleurs, l’un des titres du Nouvel Économiste fut même Les expatriotes. Toutefois, les Français établis à l’étranger sont toujours mobilisables et constituent un atout. La France n’a pas un solde des talents négatif. En revanche, la fuite des sièges sociaux hors de France, elle, est préoccupante. Il faut rétablir l’intérêt d’une implantation en France, de l’investissement en France.