Intervention de Annie David

Réunion du 15 juillet 2014 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2013 — Débat et discussion puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Annie DavidAnnie David, présidente de la commission des affaires sociales :

J’ajoute qu’une situation de déficit chronique ne peut que menacer la pérennité de notre système de protection sociale et servir de prétexte à sa remise en cause. Mais encore faut-il lui assurer un financement suffisant ! C’est là notre point de divergence majeur, monsieur le ministre.

Je rappelle, par exemple, que le déficit de la branche famille de la sécurité sociale apparu ces dernières années résulte exclusivement de décisions prises par le précédent gouvernement, lequel avait retiré à cette branche certaines recettes, tout en lui imposant des charges nouvelles liées à la réforme des retraites adoptée alors.

De même, et de façon tout à fait anormale, la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite « branche AT-MP », a connu un déficit durant plusieurs années, faute de volonté politique suffisante pour appliquer le principe spécifique à cette branche : l’équilibre des comptes par la cotisation des entreprises.

Pourtant, vous persistez dans la même voie, monsieur le ministre, puisque vous supprimez encore des cotisations sociales patronales, sans donner d’indication sur leur compensation. Figurera-t-elle dans le projet de loi de finances initiale ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ? Seule la lecture de la LOLF nous apprend que l’exonération de cotisations sociales doit être compensée. Mais cette compensation doit-elle être intégrale ? Nul ne le sait. Il semble donc important que vous nous apportiez des réponses sur ce point.

Plus globalement, nous devrions nous interroger sur les raisons pour lesquelles, malgré une augmentation récente des prélèvements, le déficit des comptes sociaux se résorbe aussi lentement. N’est-ce pas la conséquence directe du chômage massif et de la stagnation des salaires ? Les comptes publiés au mois de juin dernier montrent que les ressources des régimes de sécurité sociale sont loin de suivre la trajectoire prévue dans les lois de financement successives. Est-ce en persistant dans la voie de l’austérité, j’insiste sur ce terme, que l’on pourra enrayer une telle spirale dépressive ?

Les entreprises, quant à elles, vont bénéficier de 10 milliards d’euros d’allégements de cotisations supplémentaires, qui s’ajoutent aux 20 milliards d’euros d’exonérations en vigueur, sans parler du CICE. Cette politique d’exonération de cotisations sociales n’est pas nouvelle ; or l’expérience montre qu’elle n’a en rien enrayé la montée du chômage. Accordée sans contrepartie, sans ciblage des entreprises ou des secteurs bénéficiaires, au risque de créer de véritables effets d’aubaine, l’amplification du mouvement des allégements généraux va s’avérer coûteuse et rien ne garantit qu’elle aura la moindre incidence sur l’emploi.

La présentation par Michelle Demessine, ce matin, des conclusions de la mission commune d’information sur le coût des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises confirme que personne n’est en mesure de corroborer l’effet positif de cette politique sur l’emploi.

En outre, nous ignorons toujours comment des ressources équivalentes pourront être affectées à la sécurité sociale. Le Gouvernement va-t-il diriger une part supplémentaire de la TVA vers la sécurité sociale, ce qui reviendrait à rétablir, sans le dire, la TVA sociale que nous avons supprimée voilà deux ans ? Il serait bienvenu, dans un débat sur l’orientation des finances publiques, de répondre à cette question essentielle des compensations, monsieur le ministre.

Au reste, ces allégements supplémentaires vont infléchir le mode de financement de notre protection sociale. Un nouveau pas est franchi dans le désengagement progressif des entreprises, pour ce qui concerne tant leur contribution au financement de la politique familiale – politique dont elles profitent pourtant, qui permet de concilier vie familiale et vie professionnelle –, que l’ensemble de notre système de santé, en particulier la branche AT-MP, qu’elles financent aujourd’hui entièrement.

Qu’en sera-t-il demain ? Votre réponse sur les compensations nous intéresse grandement.

Si nous pouvons douter de la légitimité et de l’utilité de ces nouveaux allégements de cotisations patronales, il me paraît en revanche assez certain que le plan d’économies de 50 milliards d’euros ne restera pas sans effet sur le pouvoir d’achat et l’emploi.

Je rappelle que la sécurité sociale représente à elle seule 21 milliards d’euros de ce plan d’économies.

Après avoir décidé, dans un premier temps, de reporter du 1er avril au 1er octobre la revalorisation des pensions de retraite, il est désormais prévu d’y renoncer purement et simplement pour celles qui sont supérieures à 1 200 euros mensuels. Cette mesure affectera un grand nombre de foyers modestes, dont le pouvoir d’achat est déjà réduit par l’instauration de la contribution de solidarité pour l’autonomie, ou CASA, et le gel des retraites complémentaires.

Il en ira de même du gel des rentes versées au titre des accidents du travail et des prestations familiales, qui, bien que ne figurant pas dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, reste prévu pour 2015.

Selon les documents qui nous sont présentés, la réduction du taux de l’ONDAM à moins de 2 % d’ici à 2017, soit environ 10 milliards d’euros d’économies, pourrait résulter de la seule réorganisation des soins. Je crains malheureusement qu’elle ne se traduise par une dégradation du fonctionnement de notre système de santé, à l’heure où les difficultés d’accès aux soins s’accentuent, où nos hôpitaux font face à des contraintes de plus en plus fortes, alors qu’il faut répondre aux besoins de santé liés au vieillissement de la population.

Je pourrais également évoquer les inquiétudes suscitées par la réduction des dotations aux collectivités locales qui ne sera pas sans conséquence sur les politiques de solidarité relevant de la responsabilité des départements, préoccupation très régulièrement abordée au sein de la commission des affaires sociales et partagée par l’ensemble de ses membres, quelle que soit leur appartenance politique.

Enfin, compte tenu des perspectives d’évolution du chômage que j’ai mentionnées, il me paraît difficile de justifier la diminution de 15 % en trois ans du budget du ministère du travail et de l’emploi et du dialogue social qui nous est annoncée par le Gouvernement.

En résumé, au moment où nombre de nos concitoyennes et concitoyens voient leurs difficultés s’aggraver et attendent de réelles perspectives en matière d’emploi et d’amélioration du pouvoir d’achat, je redoute les conséquences des options choisies par le Gouvernement.

Telles sont les observations dont je tenais à vous faire part, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat, même si je suis consciente qu’elles ont peu de chance d’infléchir des décisions figurant déjà en partie dans les textes financiers inscrits à l’ordre du jour de la présente session extraordinaire. §

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