Monsieur le Président, mes chers collègues, notre commission n'avait pas publié de rapport sur l'Asie depuis 2006. Et pourtant, « L'Asie Pacifique sera de façon évidente au coeur du 21e siècle » dixit Laurent Fabius en août 2013, premier ministre des affaires étrangères français au siège de l'ASEAN à Jakarta. D'une certaine façon, l'Asie du sud-est est « à la mode ». Chine, États-Unis, Japon, Corée, Allemagne s'y bousculent, et en France même, nos ministres s'y pressent, après 10 ans d'oubli relatif, où il n'y en avait, en Asie, que pour la Chine, le Japon et l'Inde. Pourquoi ?
D'abord, parce que s'y fabrique une bonne part de la croissance mondiale, portée par la demande intérieure, et résistante à la crise. Ensuite, parce que s'y jouent des évolutions décisives en matière stratégique -avec l'affirmation chinoise en mer de Chine du Sud-. Parce que nous y avons désormais autant de ressortissants qu'en Afrique de l'ouest -soit 60 000 Français- et autant d'intérêts économiques qu'en Chine (1 500 entreprises) ; nous partageons, enfin, la même vision des relations internationales.
Nous nous sommes rendus, parmi les 10 pays de l'ASEAN, dans ceux avec lesquels la France a signé un partenariat stratégique : Singapour, Indonésie, Vietnam. Daniel Reiner, Jacques Gautier et Alain Néri s'étaient quant à eux rendus en Malaisie pour un salon d'armement (et André Dulait et le président Carrère également en Malaisie et Thaïlande).
Vous trouverez dans le rapport écrit un bilan complet et, il faut le dire, très contrasté de l'état de cette région, fragmentée, qui « galope ». On y trouve tous les extrêmes, dans une mosaïque ethnique et culturelle, de la Birmanie au Cambodge et au Laos, encore pauvres, jusqu'à Singapour, où une personne sur 5 est millionnaire ; de l'Indonésie, grande démocratie qui a tout d'un BRICS, au sultanat de Brunei, pétromonarchie en voie de radicalisation...
Nous nous sommes focalisés sur la place qu'y occupe la France et nous nous sommes astreints à proposer une « feuille de route » d'actions concrètes à mener, pour renforcer l'influence française. Car nous en sommes convaincus : il n'est que temps de lutter contre un certain fatalisme qui voudrait que nous n'ayons « plus les moyens » d'avoir une politique asiatique ambitieuse -tout au moins en dehors des 3 géants de l'Asie-. Nous sommes frappés du contraste entre l'ampleur de nos intérêts dans la région et, osons le dire, une certaine indifférence vis-à-vis peut être de l'Asie en général ( ?), en tous cas de l'Asie du Sud-Est en particulier.
Cela fait près de 15 ans que l'Asie est affichée comme la nouvelle « frontière » de la diplomatie française, mais les actes ne suivent pas et, en fait, notre perception n'a pas vraiment changé. Sommes-nous vraiment convaincus de l'impératif à « reprendre pied » en Asie du sud-est ?