Intervention de Hugues Portelli

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 juillet 2014 : 1ère réunion
Partenariats public-privé — Examen du rapport d'information

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

Un rappel, tout d'abord, du contexte. Le Gouvernement a déposé un projet de loi qui comprend l'habilitation à transposer deux directives européennes sur la commande publique, venues actualiser les directives de 2004, et celle relative aux concessions. Tout cela s'intégrera dans l'ordonnance qui reprendra, dans une mise en perspective, l'ensemble des dispositions relatives à la commande publique. Notre rapport vise à jeter un éclairage sur le cas du contrat de partenariat - terme que je préfère à celui de partenariat public-privé, par lequel on vise non seulement les contrats de partenariat mais parfois aussi les délégations de service public.

Les critères actuellement retenus pour le recours au contrat de partenariat sont au nombre de trois : complexité du projet, urgence, efficience économique - soit une balance entre les avantages et les inconvénients, pour un projet, des différentes modalités de la commande publique. Dans les faits, le critère le plus souvent mis en avant est celui de la complexité. Nous proposons qu'en soit retenue une définition plus précise, reprenant celle de la directive de 2004, soit l'impossibilité, pour une personne publique, de définir par elle-même les moyens de nature à satisfaire ses besoins ou les solutions techniques ou financières que le marché peut offrir.

Nous proposons également de revoir la définition de l'urgence, en nous appuyant, là encore, sur la directive de 2004, ainsi que sur la jurisprudence du Conseil d'État, qui retient la notion d'urgence impérieuse.

Quant au critère de l'efficience économique, dont la définition est très floue, nous proposons, en raison de son caractère arbitraire et subjectif, de le supprimer. Ce sont là nos trois premières recommandations.

J'en viens à ce qui concerne l'accès à la commande publique.

Notre quatrième recommandation vise à réserver les contrats de partenariat à des opérations d'un coût minimal. Près de 80 % de ces contrats sont passés par les collectivités territoriales, pour un montant moyen d'environ 60 millions d'euros, mais souvent beaucoup moins pour certaines collectivités, quand la moyenne, pour les contrats passés par l'État, est de plus de 800 millions d'euros. Nous estimons, comme l'inspection générale des finances et la Cour des comptes, qu'utiliser un tel instrument pour des opérations d'envergure limitée est disproportionné. On pourrait envisager de fixer ce coût minimal autour de 50 millions d'euros.

Cinquième recommandation : réserver, par la loi ou le règlement, une part minimale de l'exécution du contrat aux PME et entreprises artisanales, qui, dans le système intégré qu'a décrit Jean-Pierre Sueur, sont souvent mal loties : les grands groupes attributaires veulent pouvoir choisir leurs sous-traitants en toute liberté.

Rien n'est aujourd'hui prévu pour garantir le paiement des entreprises qui participent à l'exécution du contrat. C'est ainsi que les sous-traitants sont souvent les derniers servis. Notre sixième recommandation tend à renforcer les garanties de paiement, à leur bénéfice.

Notre septième recommandation propose d'exclure le choix de l'équipe d'architecture du champ du contrat de partenariat. Ce choix devra faire l'objet d'un concours préalable. Se voir imposer, dans le cadre d'un marché global, un architecte que l'on n'a pas choisi pose, ainsi que l'a expliqué Jean-Pierre Sueur, toutes sortes de problèmes.

Vient ensuite une série de recommandations relatives à l'élaboration et à l'exécution du contrat de partenariat. Il s'agit, tout d'abord, de définir une doctrine afin d'éviter le recours au contrat de partenariat lorsqu'il est peu adapté au service recherché. Les organismes publics chargés de la rédaction de l'évaluation préalable et du conseil, devraient fournir un guide de lecture du contrat de partenariat, afin de décourager son emploi dans certains cas. Je pense aux domaines où la technologie évolue rapidement, mais aussi à ceux, comme la santé, où les évolutions réglementaires sont constantes. Faute de quoi l'on risque, pour un hôpital, par exemple, de se retrouver, in fine, avec des équipements hors normes. Telle est notre huitième recommandation.

Neuvième recommandation : favoriser la mise en place, par la personne publique, d'équipes projet, recouvrant les compétences nécessaires à tous les stades du contrat de partenariat, afin d'éviter que la collectivité ne se repose entièrement sur le partenaire, au risque de voir disparaître en son sein certains métiers, pourtant indispensables au suivi et au contrôle.

Notre dixième recommandation concerne la Mappp, qui, pour n'être pas juge et partie, devrait s'en tenir à son rôle d'aide à la décision, hors de toute mission de promotion du contrat de partenariat.

Les conditions d'une évaluation préalable objective ne peuvent, on l'a vu, être réunies. La Mappp joue à la fois, auprès de l'État, un rôle de conseil et de promotion, d'où notre recommandation précédente. Quant aux collectivités locales, elles recourent à des bureaux d'études qui produisent des évaluations pour le moins légères. Notre onzième recommandation tend à ramener l'évaluation préalable à ce qu'elle doit être : une analyse juridique et financière. Il s'agit de comparer, au plan juridique et technique, le contrat de partenariat à d'autres types de la commande publique, pour voir ce qui est le mieux adapté et de mener une évaluation financière en tenant compte des besoins de la collectivité. La France n'est pas le seul pays où le contrat de partenariat a posé de graves problèmes. Au point que le plan comptable élaboré par Eurostat en 2010, et qui s'impose aux États membres et à leurs collectivités territoriales, prévoit que l'institution diligentera, deux fois par an, des missions destinées à vérifier la bonne application des contrats de partenariat. Le fait est qu'en Belgique, ce type de contrat a été utilisé, en Flandres et en Wallonie notamment, pour externaliser la dépense vers des établissements publics, qui ont intégré ces contrats dans leurs dépenses d'investissement. Eurostat exige que ces dépenses soient réintégrées avant fin 2014, dans les budgets de fonctionnement. En France, la Cour des comptes avait heureusement attiré l'attention de l'État et des collectivités territoriales sur ces exigences du plan comptable, mais il reste indispensable, en tout état de cause, tant à l'État qu'aux collectivités territoriales, de disposer d'une évaluation de long terme, pour s'assurer que leur budget de fonctionnement pourra supporter le paiement de la redevance due à la personne privée.

Notre douzième recommandation propose de confier la rédaction de l'évaluation préalable à des organismes publics, indépendants et habilités. Dès lors qu'un montant minimal de 50 millions d'euros serait retenu, le nombre de dossiers soumis à la Mappp recentrée, de surcroît, sur sa mission principale, serait beaucoup moins important.

Treizième recommandation, enfin : les collectivités territoriales devront obligatoirement recueillir l'avis de la Mappp et de la direction départementale des finances publiques, pour savoir si elles sont en mesure, juridiquement et financièrement, de signer un contrat de partenariat.

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