Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 28 novembre 2005 à 10h00
Loi de finances pour 2006 — Article 17 bis

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Justement, monsieur Longuet, je fais partie de celles et de ceux qui ont toujours été uniquement socialistes !

Nous débattons actuellement de l'ISF, impôt qui suscite - nous venons encore de le voir - passion et confusion.

L'année dernière, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, nous avions eu un débat nourri et sérieux sur l'ISF. À l'époque, face à la flambée des prix de l'immobilier, les réflexions portaient essentiellement sur l'éventuelle intégration de la résidence principale dans l'assiette de cet impôt.

Le syndrome de l'île de Ré s'est, depuis lors, répandu. Le ministre de l'économie et des finances a lui-même failli y succomber puisqu'il a qualifié cet été l'ISF d'« impôt sur les économies et le logement des Français ».

De tels propos illustrent parfaitement, me semble-t-il, la confusion que j'évoquais à l'instant. Permettez-moi, par conséquent, d'apporter quelques éléments de clarification dans ce débat.

Tout d'abord, comme cela a été récemment démontré, les contribuables frappés par la hausse des prix de l'immobilier ne sont pas des petits propriétaires. J'en veux pour preuve la position de nombreux élus locaux de l'île de Ré, qui ont mis en doute certains propos tenus sur ce sujet.

En 2004, un Français était assujetti à l'ISF au titre de sa résidence principale dès lors que la valeur de celle-ci atteignait 915 000 euros. Par conséquent, si l'on tient compte de l'abattement de 20 %, une résidence principale à 915 000 euros n'est pas un élément de fortune !

En outre, les cotisations à l'ISF sont souvent modestes. Ainsi, pour les patrimoines s'élevant de 732 000 euros - seuil à partir duquel un contribuable doit acquitter l'ISF en 2005 - à 1 180 000 euros, l'impôt est en moyenne de 1 200 euros par an.

Ce sont par conséquent 47 % des assujettis à l'ISF qui paient l'équivalent d'une taxe d'habitation ou d'une taxe foncière ! Cela ne me semble pas excessif.

Si le Gouvernement a résisté à la fraction la plus dure de sa majorité, très sensible au syndrome de l'île de Ré, il a tout de même opté - et cet article 17 bis en est une parfaite illustration - pour une autre méthode, consistant à grignoter l'ISF d'année en année.

À cet égard, la première étape fut la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil », que mes collègues ont évoquée tout à l'heure en présentant des amendements de suppression.

Mais une nouvelle étape est franchie avec le présent projet de loi de finances, et notamment via cet article 17 bis. En l'occurrence, il s'agit de faire sauter la notion d'« outil de travail », déjà écornée par la « loi Dutreil », alors même que l'outil de travail - je le rappelle - est explicitement exonéré de l'ISF.

Si l'on y ajoute le « bouclier fiscal », dont nous débattrons plus tard, nous avons affaire à une réforme de l'ISF qui ne dit pas son nom ! Elle profitera aux plus aisés, comme les salariés à très hauts revenus et les dirigeants d'entreprises, mais également, et peut-être avant tout, aux patrons du CAC 40, qui possèdent dans la plupart des cas plus d'un million d'euros de capital.

Sans qu'il soit nécessaire d'évoquer la lutte des classes, monsieur le ministre, il suffit d'observer l'évolution des chiffres depuis une trentaine d'années - vous voyez que je laisse l'idéologie de côté -pour constater que le capital s'accumule toujours dans les mêmes mains et qu'il ne circule pas !

J'ai, du reste, défendu vendredi l'imposition des successions, que vous grignotez également d'année en année. Qu'il s'agisse de la fiscalité sur les successions et sur les donations ou de l'ISF, vous encouragez systématiquement depuis trois ans le maintien du capital dans les mêmes mains et l'autoreproduction des élites !

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