Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Thierry Braillard, en déplacement, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse.
Vous le savez, si toute activité humaine entraîne des risques, le sport implique des risques accrus et inhérents à sa pratique. Dans le domaine de la responsabilité, cette singularité sportive était traditionnellement prise en compte par la jurisprudence via « la théorie de l’acceptation des risques ». Selon celle-ci, les pratiquants ont connaissance des risques normaux et prévisibles qu’ils encourent en pratiquant leur sport et les ont acceptés. Dès lors, ils ne peuvent engager la responsabilité d’un tiers que si ce dernier a commis une faute manifeste consistant en une violation caractérisée d’une règle du sport concerné.
Dans un contexte général où la protection des victimes d’accidents corporels est de plus en plus systématiquement recherchée, la Cour de cassation a opéré un revirement en 2010, réduisant le champ d’application de la théorie des risques acceptés via la reconnaissance de l’existence d’une responsabilité sans faute du fait des choses. Nous le savons, cela a entraîné une forte augmentation des primes d’assurance de certaines fédérations et a complexifié le régime assurantiel des fédérations et compétitions sportives.
C’est dans ce cadre que le rapport au Parlement relatif aux enjeux du régime de responsabilité civile en matière sportive, prévu par la loi du 12 mars 2012, a pu être élaboré en concertation avec le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF.
Le rapport décline ces enjeux en deux volets : d’une part, veiller à ce que les victimes d’accidents à l’occasion de leur pratique sportive bénéficient d’une juste indemnisation pour répondre aux conséquences, parfois dramatiques, d’un tel accident dans leur vie professionnelle et quotidienne ; d’autre part, sécuriser juridiquement et économiquement la situation des fédérations et des organisateurs sportifs. En effet, faciliter l’engagement de la responsabilité civile d’un sportif ou de son club a une incidence très forte sur le montant des assurances qui doivent être souscrites, voire empêche de trouver un assureur.
Avant finalisation du rapport, des pistes d’évolutions ont récemment été présentées au CNOSF et à des présidents de fédération, et ont reçu leur entier soutien.
De même que l’enjeu est double, ces pistes avancent sur deux axes indissociables : en premier lieu, afin de sécuriser la situation des fédérations sportives, il pourrait être envisagé de consacrer dans la loi la théorie de l’acceptation des risques et d’unifier à partir de cette dernière l’ensemble des régimes de responsabilité civile délictuelle invocable en matière sportive ; en second lieu, et pour que tous les pratiquants soient couverts convenablement en cas d’accident, il pourrait être cohérent de prévoir que tout licencié à une fédération puisse justifier d’une assurance individuelle accident.
Ce rapport doit encore être présenté à l’ensemble des services de l’État, mais devrait pouvoir être déposé au Parlement très prochainement. Ses préconisations équilibrées faciliteraient concrètement la poursuite du développement de la pratique sportive dans un cadre sécurisé, pour les organisateurs comme pour les pratiquants.