Monsieur le ministre, l’entraide en matière de travaux agricoles est une pratique toujours bien vivante de nos jours. Elle s’inscrit dans une tradition de solidarité entre membres d’une même famille, d’une même profession ou d’un même village. Toutefois, malgré son ancrage historique très fort, cette pratique n’a jamais véritablement été précisée par la loi. Elle est donc tout juste tolérée. Est-il acceptable qu’il soit de plus en plus compliqué d’aider un ami dans ses travaux agricoles alors qu’il est possible de l’aider à déménager ou à faire des travaux ?
Le syndicat départemental des vignerons de l’Aude a récemment saisi la Mutualité sociale agricole, la MSA, Grand Sud au sujet des pratiques d’utilisation de main-d’œuvre non rattachée socialement aux exploitations. Il s’agit notamment de l’entraide familiale, de l’entraide entre agriculteurs et du coup de main occasionnel.
La MSA m’a écrit pour me faire savoir qu’il était « difficile, tant pour les exploitants agricoles que pour les organismes en charge de la gestion et du contrôle de la main-d’œuvre, de déterminer quels sont les droits et les obligations en la matière ». La MSA ajoute que ce sujet sensible, qui concerne une pratique seulement tolérée, est « d’un abord difficile tant par l’absence ou l’imprécision des textes, voire une jurisprudence parfois contradictoire, que par la référence faite par les agriculteurs à un geste ancestral, geste auquel ils confèrent une forte connotation sociétale ».
« Comment qualifier de travail, au sens économique et social du terme, l’aide apportée sur une exploitation par le grand-père à son petit-fils ? », m’interroge-t-on notamment. À l’inverse, comment ne pas octroyer à cette action « des qualificatifs de sociétal, de pédagogique, d’intégrateur, de liant familial, voire de retardateur de la dépendance » ?
Je précise que le conseil d'administration de la MSA Grand Sud s’est associé à la démarche de la profession agricole, qui insiste sur le besoin d’un positionnement des pouvoirs publics en matière d’entraide familiale. Un vœu a été adopté en assemblée générale, sur l’initiative du président du syndicat des vignerons, pour demander l’extension de la notion d’entraide familiale aux travaux effectués entre grands-parents et petits-enfants ou avec des alliés : beaux-parents, beaux-frères et belles-sœurs.
Des questions se posent. Un exploitant agricole retraité peut apporter son aide sur son ancienne exploitation dans la limite de dix à quinze heures par semaine, mais le peut-il si son ancienne exploitation est exploitée sous forme sociétaire ? L’entraide familiale fait l’objet d’une simple tolérance. Est-elle limitée à certains cas précis, comme l’aide occasionnelle sans rémunération ? Est-elle limitée aux descendants et ascendants directs ? Qu’en est-il de l’entraide familiale dans le cadre d’une structure sociétaire, notamment lorsque le membre de la famille est associé non participant aux travaux ? Qu’en est-il de l’aide apportée par le conjoint marié ou pacsé ou au sein d’une famille recomposée ? Quant au coup de main bénévole, comment faut-il considérer les journées dites de solidarité ?
Monsieur le ministre, il me serait agréable que vous me donniez votre sentiment sur ce sujet et que vous me fassiez connaître les initiatives que vous comptez prendre, car l’insécurité juridique actuelle menace de faire disparaître une tradition à laquelle nos concitoyens du monde rural restent profondément attachés.