Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 22 juillet 2014 à 9h30
Questions orales — Aires de grand passage des gens du voyage

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Monsieur le secrétaire d’État, la loi du 5 juillet 2000, qui impose l’élaboration d’un schéma départemental d’accueil des gens du voyage, schéma approuvé par le préfet de département et le président du conseil général, après avis des communes concernées et de la commission départementale consultative des gens du voyage, traite clairement des aires communales. Toutefois, concernant les aires dites de « grand passage », ce texte ne précise pas clairement le titulaire de l’obligation de création et d’entretien de ces dernières. Des interrogations majeures subsistent ainsi sur le fonctionnement et le financement des infrastructures, l’entretien de ces aires et l’assainissement.

Il en découle, notamment dans mon département du Haut-Rhin, de nombreuses situations de blocage consécutives à l’absence d’aménagement d’aires. Personne ne voulant « se mouiller » dans ce dossier sensible, la non mise en œuvre du schéma engendre des situations intolérables d’installations sauvages de groupes de gens du voyage, le plus souvent sur des terrains de football, parfois au centre du village ou dans les prés, laissant les maires démunis et la population dans l’incompréhension et la colère.

Par exemple, dans mon département, si le schéma départemental d’accueil des gens du voyage a été adopté à la fin de l’année 2012, validant la mise en place de deux aires de grand passage, l’une au nord du département et l’autre au sud, il n’est toujours pas mis en œuvre, et nous sommes depuis deux ans dans une situation qui ne cesse de se dégrader.

N’étant pas en conformité avec la loi, nous ne pouvons nous opposer aux arrivées de ces groupes qui « font leur loi » et font monter la pression chez les maires, lesquels se trouvent seuls devant le fait accompli.

Dans le souci d’accompagner au mieux les maires, notre agglomération, Mulhouse Alsace agglomération, que je préside, a même pris l’initiative de cofinancer l’an dernier un poste de médiateur de gens du voyage, avec la préfecture, pour anticiper et préparer, poste qui couvre la totalité du département. Et si, cette année, nous arrivons à mettre d’autres partenaires autour de la table pour cofinancer ce poste, notamment l’agglomération de Colmar, il n’en demeure pas moins qu’aucune institution ne souhaite s’engager fortement dans ce dossier, car personne ne se sent concerné, souhaitant éviter de porter cette compétence.

Si l’an dernier M. le préfet du Haut-Rhin avait réquisitionné des terrains, cette année cela n’a pas suffi, certains de ses arrêtés ayant été annulés par le tribunal administratif, car les aires décidées ne sont pas encore aménagées. Exploitant ce point faible en toute connaissance de cause, les groupes se sont présentés plus déterminés et nombreux que jamais.

Nous avons même fait jouer la solidarité entre maires, car nous ne voulions pas jouer à un petit jeu stérile en renvoyant la balle au préfet. Nous sommes confrontés à un problème de société, nous avons le devoir d’être solidaires. Au sein de notre agglomération, nous avons donc essayé d’imaginer l’aménagement a minima d’un certain nombre de terrains de façon décente et acceptable afin d’éviter d’être mis en permanence sous pression à cause de l’absence d’un terrain déterminé, adapté et aménagé, sur telle ou telle commune.

Nous nous sommes donc « mouillés », engagés et, croyez-moi, il a fallu pour cela que chacun fasse un effort et prenne sur lui, notamment vis-à-vis de la population. Bref, nous avons joué le jeu entre maires pour définir entre nous, parfois in extremis, et, souvent, cela n’a pas suffi, des terrains susceptibles de pouvoir accueillir un groupe ou deux pour une période de quelques semaines.

Je ne compte plus les collègues maires qui me font remonter leur exaspération de devoir gérer non seulement l’arrivée intempestive de ces groupes, ce qui n’est pas toujours facile, mais aussi la population locale, laquelle, parfois, hausse le ton et sort les fourches, sans oublier, évidemment, la dimension financière. En effet, pour ces installations, qui paient les pots cassés ? Les communes ! Et même si certaines intercommunalités, comme la nôtre, viennent en soutien, le message est maintenant un message de ras-le-bol.

Et je ne parle même pas de la problématique de la sanction de ces comportements illicites : l’amende encourue en cas de stationnement illicite est-elle souvent appliquée ? Quelles suites sont données aux plaintes déposées par les communes ou les particuliers pour les dégradations, quand on ne peut identifier l’auteur des faits dans un tel groupe ? Tout cela est intolérable et créé une situation d’exaspération.

Ainsi, alors que les aires de grand passage pourraient relever, tant pour leur réalisation que pour leur fonctionnement, de la responsabilité partagée de l’État et du département, en s’appuyant sur la solidarité des collectivités locales, et pourquoi pas par le biais des intercommunalités ou encore au travers d’associations départementales de maires, je souhaite connaître les mesures précises que le Gouvernement envisage d’adopter pour identifier clairement le ou les titulaires de cette compétence, et enfin permettre de débloquer ces trop nombreuses situations de crise qui ne cessent de mettre en difficulté et de prendre en otage les communes.

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