Intervention de Virginie Klès

Réunion du 23 juillet 2014 à 14h30
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

Le programme était extrêmement intéressant – apprendre à réaliser des plans de table, à recevoir, connaître les règles du protocole, etc. –, mais à aucun moment il n’était envisagé que la personne en question puisse travailler ! Quoi qu’il en soit, c’est aujourd'hui un traitement qui est réservé aussi bien aux époux qu’aux épouses, ce que nous pouvons considérer comme un pas en avant ! Après tout, après l’égalité « réelle », ce sera peut-être l’égalité « supérieure » de demain…

Au milieu du XVIe siècle, Montaigne, très en avance sur son temps – il aurait sans doute été heureux d’être présent aujourd'hui –, écrivait : « Les femmes ont raison de se rebeller contre les lois parce que nous les avons faites sans elles. » Heureusement, quelques hommes nous ont rejoints depuis le début de la séance ; sinon, je vous aurais dit : ne faisons pas non plus les lois sans les hommes, ou alors considérons qu’ils nous font tellement confiance que nous pouvons les faire sans eux et élaborer malgré tout un très beau texte !

J’en viens plus sérieusement aux conclusions de la commission mixte paritaire, qui a abouti à un texte commun. Il restait une trentaine d’articles en discussion, en plus de l’intitulé du projet de loi.

Sur un certain nombre d’articles, les différences, que je ne vais pas détailler, entre nos deux assemblées, étaient essentiellement de forme ou portaient sur des questions de dates ou de références juridiques. Ne restaient, après ces ultimes modifications rédactionnelles, que dix-huit points nécessitant une discussion de fond et sur lesquels nous sommes parvenus à un accord.

À l’article 2 bis B, relatif à l’opportunité de permettre aux futurs pères de bénéficier de trois autorisations d’absence pour se rendre aux examens prénataux de leur compagne, nous nous sommes ralliés à la position de l’Assemblée nationale. Si nous ne sommes pas totalement convaincus que cette mesure permettra à tous les pères de s’investir très en amont dans la venue d’un enfant dans le foyer, elle permettra en tout cas à certains d’entre eux de le faire plus facilement. Il s’agit donc d’une bonne mesure, et c’est pourquoi le Sénat s’est rallié à la position de l’Assemblée nationale.

L’article 2 bis D, qui fixe à la Banque publique d’investissement un objectif d’encouragement de l’entrepreneuriat féminin, ne posait aucun problème de fond. Nous sommes simplement convenus d’une modification rédactionnelle afin de simplifier les mesures proposées.

Nous avons beaucoup discuté, en commission des lois, de l’article visant à remplacer l’expression « bon père de famille » par le terme « raisonnable ». Le Sénat avait préféré ceux de « prudent et diligent », sur la proposition de notre collègue Esther Benbassa. Nous nous sommes finalement ralliés à la position de l’Assemblée nationale, qui préférait le terme « raisonnable », suffisamment parlant et juridiquement éprouvé.

S’agissant de la question du versement de la pension alimentaire, nos collègues députés tenaient beaucoup à ce que la notion de virement bancaire apparaisse dans le texte de loi. Selon eux, il arrive régulièrement qu’après une séparation, l’ex-conjoint se montre récalcitrant à verser de façon régulière la pension alimentaire et prenne un malin plaisir à faire en sorte que son ex-épouse ou son ex-compagne la lui réclame plusieurs fois pour l’obtenir.

Or le virement bancaire, déjà autorisé de fait sans être explicitement cité dans la législation, n’était, semble-t-il, pas suffisamment utilisé par les juges qui fixent les conventions. Devant l’insistance de nos collègues, nous avons introduit le terme « virement bancaire » dans la loi. Nous avons toutefois tenu à ajouter « ou tout ordre de paiement », dans la mesure où tout le monde ne dispose pas d’un compte bancaire.

En effet, au moment de la séparation, les comptes ne sont pas toujours disjoints ou une personne peut se trouver en situation d’interdit bancaire et, donc, dans l’impossibilité de recevoir un virement bancaire. L’objectif de nos collègues de l’Assemblée nationale est ainsi atteint – on pensera peut-être plus souvent au virement bancaire –, tout en laissant au juge la possibilité de recourir à d’autres modes de paiement.

Nous nous sommes également ralliés à la version de l’Assemblée nationale pour les procédures de récusation en matière de procédure disciplinaire universitaire. Ce point ne posait pas de souci majeur.

À l’article 17, le désaccord entre nos deux assemblées portait sur l’ajout, par un amendement de Mme Tasca, d’une disposition relative à la diffusion sur internet d’images de violences aux personnes.

Si nous nous sommes rendus aux arguments de nos collègues députés, je voudrais néanmoins attirer l’attention du Gouvernement sur ce sujet important. Dans son amendement, Mme Tasca visait les images violentes captées par les adolescents avec leurs téléphones portables. Les jeunes sont malheureusement de plus en plus incités à filmer le moindre événement quelque peu inhabituel dont ils peuvent être témoins pour le diffuser sur internet. Cela ne vise pas les cas où ce genre de scènes est volontairement montré sur internet – je pense notamment au harcèlement.

Un tel comportement n’est pas excusable et ne peut être encouragé. En proposant de faire bloquer par les fournisseurs d’accès à internet les sites concernés, l’objectif de Mme Tasca était d’envoyer un signal aux jeunes, qui sont coutumiers du fait, et d’affirmer très clairement qu’il s’agit d’une pratique interdite et dangereuse.

Or nos collègues de l’Assemblée nationale nous ont fait remarquer, à juste titre, que les fournisseurs d’accès à internet n’ont pas les moyens juridiques de vérifier la réalité des images en question. Une scène de violence peut être feinte ou simulée, n’être qu’une comédie ou une farce, certes de mauvais goût, mais une farce tout de même.

Dans la mesure où la responsabilité pénale des fournisseurs d’accès à internet peut être engagée en cas de blocage d’un site, nous nous sommes rendus aux arguments de nos collègues députés et avons accepté de supprimer cette disposition.

Reste qu’une articulation est à trouver entre la responsabilité des fournisseurs d’accès à internet en cas de diffusion de telles images, les moyens mis à leur disposition pour vérifier l’origine des images et le blocage des sites concernés. Est-ce à eux d’agir ou à l’autorité judiciaire ? En l’état du débat, je l’ignore. Je crois savoir que des amendements en ce sens ont été déposés à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi sur le terrorisme. Il s’agit d’un enjeu d’éducation, même si nous reconnaissons que ce n’était sans doute pas le bon texte ni le bon moment pour l’aborder.

S’agissant de l’utilisation du nom de famille dans les relations des usagers avec l’administration, les règles existent déjà ; je ne vais pas en retracer l’historique. Elles sont cependant peu connues, mal connues, méconnues, voire parfois foulées aux pieds. Laissez-moi vous faire encore part d’une anecdote : une personne m’a raconté qu’à l’occasion d’un renouvellement de chéquier, le nom de son épouse avait tout simplement disparu et que les chèques ne portaient plus que son nom à lui !

Ces dispositions étant manifestement méconnues, les réécrire clairement dans la loi n’est pas une mauvaise chose, même si, initialement, nous n’y étions pas favorables. Je reçois encore des papiers de la sécurité sociale au nom de mon ex-mari, alors même que je n’ai jamais utilisé son nom dans la vie courante. Sans doute faut-il réaffirmer les choses…

Sur l’objectif de parité pour les membres de l’Institut et de chacune des académies, le Sénat s’est rallié, là aussi, à la position de l’Assemblée nationale.

En revanche, les députés ont suivi notre position sur un certain nombre d’autres points, et notamment sur l’article 18 bis, qui posait un objectif de parité à la tête des exécutifs locaux. Autrement dit, si le maire était un homme, le premier adjoint devait être une femme, et vice-versa.

Selon nous, cette disposition posait un problème de constitutionnalité, car ces deux élections ne doivent, a priori, pas être liées. Or à partir du moment où le sexe du premier adjoint ou du premier vice-président était dépendant du résultat de la première élection, le principe d’égalité totale des candidatures était rompu. La mort dans l’âme, nos collègues députés se sont donc ralliés à notre position !

Toujours en matière d’élection, nous ne comprenions pas pour quelle raison la date d’entrée en vigueur des dispositions clarifiant les règles de remplacement des conseillers communautaires était fixée au 1er janvier 2015, alors qu’il s’agit d’une mesure très attendue sur le terrain. Nous avons simplifié quelque peu les choses pour faire en sorte qu’une femme puisse parfois remplacer un homme parmi les conseillers communautaires démissionnaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Là encore, l’Assemblée nationale s’est ralliée à nos arguments.

Concernant l’instauration de la parité dans les conseils d’administration des établissements publics locaux, nous y sommes tous favorables sur le principe et sur le fond. Toutefois, dans la pratique, cela est aujourd’hui impossible. Ces conseils d’administration, ce sont, par exemple, ceux des caisses des écoles, des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, des collèges et des lycées.

Or instaurer la parité « de force » dans ces établissements ne serait pas forcément possible pour les toutes petites communes, dont les conseils municipaux eux-mêmes ne sont pas paritaires. De plus, les instances de nomination à ces postes ne sont pas identiques. Il n’est donc pas possible, aujourd’hui, d’avancer de manière brutale sur ce sujet.

À l’article 20 ter, nos collègues de l’Assemblée nationale souhaitaient instaurer un principe de nullité des nominations aux emplois d’encadrement de la fonction publique intervenues en violation de l’obligation de parité. Là encore, sur le principe, nous avions envie de suivre les députés. Toutefois, cette disposition risquait de poser d’énormes problèmes constitutionnels.

Si l’Assemblée nationale n’a pas tenu compte de ces arguments, elle a, en revanche, pris conscience des problèmes concrets et pratiques qui risquaient de se poser et notamment d’un effet domino : certaines personnes risquaient de devoir revenir à un traitement inférieur pour des raisons leur échappant totalement, les nullités de nomination n’intervenant qu’une fois par an. Face à ces difficultés, les députés ont accepté de se rallier à notre position, à l’exception des cas où l’obligation de parité ne posait aucun souci.

Nous sommes parvenus à un compromis sur l’article 23, très technique : le Gouvernement pourra légiférer par ordonnance pour instaurer la parité au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, autorité par autorité. En revanche, une disposition balai est maintenue pour l’ensemble des instances consultatives collégiales. Cela nous permettra également d’avancer sur le sujet.

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