Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme d’un travail qui est véritablement à l’honneur du Parlement.
Je le dis en pesant chaque mot, avec beaucoup de simplicité, d’humilité et, en même temps, de reconnaissance. Vous avez été les avant-gardes, les têtes de pont, les premières lignes du combat pour les droits des femmes. J’en ai été témoin, ici même, au mois de juillet 2012, lorsque nous discutions du projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
Ce projet de loi-cadre, c’est une première ; j’espère également que c’est un commencement. Nous l’avons préparé ensemble avec un regard neuf, une approche totalement intégrée des politiques d’égalité et une philosophie de l’action qui, je crois, répond bien aux défis de notre temps : le défi de droits qui s’appliquent et de lois sur l’égalité qui sont respectées, mais aussi le défi du changement des mentalités, d’un partage nouveau des responsabilités parentales, d’une exigence de parité enfin pleinement effective.
Je vous avais demandé, au début de l’examen de ce texte, d’affirmer avec moi – ce que vous avez fait – l’ambition de réaliser l’égalité réelle. En sachant combien cet objectif est attendu notamment par nos concitoyennes, le titre finalement retenu pour ce texte par votre commission mixte paritaire prend tout son sens.
Ce projet de loi, c’est l’affaire de tous : non seulement parce que nous y avons contribué tous ensemble, mais au-delà, parce que Parlement, Gouvernement, collectivités locales, entreprises, citoyens, nous en serons tous les garants et les acteurs, chacun dans nos responsabilités.
Le Parlement et chacun des groupes de vos assemblées ont apporté à ce projet de loi une contribution extrêmement précieuse, dans l’esprit d’une coconstruction législative qui est plutôt de tradition sur les textes relatifs aux droits des femmes et que vous allez – je l’espère ! – concrétiser de nouveau tout à l’heure par vos votes.
Je veux évidemment, à cet instant, saluer l’excellent travail de la rapporteur, Virginie Klès, et les contributions des rapporteurs des commissions saisies pour avis, Michèle Meunier et Maryvonne Blondin. Je tiens à vous dire à toutes les trois que c’est sous votre impulsion – j’en ai pleinement conscience – que nous avons pu faire avancer ce texte et aborder des questions nouvelles. Votre travail de fond a apporté une grande sérénité à nos débats.
Je le disais, l’égalité est l’affaire de tous. Tous les ministères sont, bien évidemment, concernés par ce texte qui matérialise l’approche interministérielle dont j’ai fait un automatisme depuis que j’ai pris mes fonctions de ministre en 2012. Cette approche est, je le pense, la condition de la réussite et d’un changement qui investisse toutes les politiques publiques et tous les secteurs de la société.
Avec ce projet de loi, c’est une conception nouvelle que nous affirmons : la politique de l’égalité est un ensemble cohérent qui doit combattre, en même temps et dans un même mouvement, toutes les inégalités, d’où qu’elles viennent et quels que soient leurs modes d’expression, les violences, la précarité des familles monoparentales ou encore la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes dans le milieu professionnel comme dans la sphère personnelle.
Ce texte forme in fine une belle loi. Tout au long de nos débats, nous avons veillé à ce qu’il en soit ainsi. J’en suis très heureuse, nous y sommes arrivés ! Nous avons été attentifs à ne pas le surcharger de dispositions bavardes et à la concentrer sur l’essentiel, sur ce qui crée de la norme et donnera des outils véritablement nouveaux pour gagner en efficacité et en effectivité.
Cette loi, vous l’avez faite avec nous pour qu’elle soit un puissant coup d’accélérateur au mouvement pour l’égalité. Vous l’avez faite aussi pour modifier très concrètement la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens dans tous les domaines. Je m’investirai totalement pour qu’elle soit rapidement appliquée. Nous publierons, je m’y engage, l’ensemble des textes d’application de la loi avant la fin du mois de novembre.
Avec la réforme du congé parental, nous mettons en place une logique nouvelle des prestations sociales, qui doivent désormais être conçues dès le départ avec un réflexe d’égalité entre les femmes et les hommes.
Avec la réforme de la négociation en matière d’égalité professionnelle et l’introduction de cette mesure essentielle qu’est l’interdiction d’accès à la commande publique pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu de l’égalité professionnelle, nous allons donner plus d’ampleur aux changements introduits depuis deux ans dans ce domaine. Tout le monde le sait désormais, il n’y a plus d’impunité pour ceux qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle.
C’est un changement de fond qui se joue là, sur lequel les collectivités publiques sont désormais responsabilisées, et que nous poursuivrons en visant trois objectifs : faire respecter la norme votée par le Parlement ; dialoguer avec les partenaires sociaux pour aller plus loin ; et accompagner les entreprises, comme nous l’avons notamment fait dans ces neuf régions d’excellence que nous avions identifiées il y a deux ans. Nous y avons mené un important travail de formation auprès de quelque 8 000 entreprises, pour l’essentiel des petites et moyennes entreprises. Les partenaires sociaux sont désormais au rendez-vous pour que davantage d’accords sur l’égalité professionnelle soient signés. Nous amplifierons, bien entendu, cet accompagnement.
Toutes les enquêtes l’ont montré et vous en avez tous témoigné pour le constater sur vos territoires, les familles monoparentales sont trop souvent dans une situation de grande précarité. Cela est particulièrement vrai dans les territoires de la politique de la ville, où j’ai décidé de faire de cette lutte contre la précarité des familles monoparentales une priorité des prochains contrats de ville que nous nous apprêtons à négocier avec les collectivités.
Grâce à ce projet de loi, si vous l’adoptez, nous nous attaquerons à une cause bien identifiée de la précarité des mères isolées en engageant la mise en place de la garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. Nous apporterons plus de sécurité à ces femmes et à leurs enfants. Nous mettrons en place cette garantie publique d’abord dans vingt départements pour la préfigurer, avant de la généraliser en 2016. Je peux vous confirmer, pour être allée sur le terrain, le très fort engagement des caisses d’allocations familiales et des caisses de la Mutualité sociale agricole, qui ont bien compris l’intérêt de déployer un tel dispositif pour mettre fin à cette précarité.
C’est sans doute dans le domaine des violences que nous avons poussé le plus loin le travail de coproduction législative. Vous l’avez rappelé, madame la rapporteur, des améliorations sensibles ont été obtenues au cours de la navette et consacrées par la commission mixte paritaire : une protection renforcée des femmes dans le cadre de l’ordonnance de protection, une protection renforcée des femmes étrangères victimes de violences, la définition d’un arsenal législatif de lutte contre les violences sexuelles dans l’armée et à l’université, la lutte contre le harcèlement moral hors du cadre de travail, l’élargissement du périmètre du téléphone portable « femmes en très grand danger » aux victimes de viol – au-delà des victimes de violences conjugales –, la lutte contre les mariages forcés.
Tout cela est dans ce texte. Le résultat est une loi qui changera vraiment la donne. Elle apportera plus de protection aux femmes victimes de violences, mais ouvrira aussi de nouvelles possibilités de prise en charge des auteurs de violences, afin de mieux lutter contre la récidive.
Enfin, j’en viens à la parité. N’en doutez pas, les évolutions prévues par le texte seront profondes et durables. Nous concrétisons enfin le principe inscrit dans la Constitution de l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, professionnelles et sociales.
Toutes les institutions de la vie sociale seront désormais concernées et les pouvoirs publics seront exemplaires : pour lutter contre le plafond de verre dans la fonction publique, nous avons décidé d’avancer d’un an, à 2017, l’obligation d’atteindre 40 % de nominations féminines aux postes de cadres dirigeants de la fonction publique.
Instances consultatives, établissements publics administratifs ou industriels et commerciaux, autorités administratives indépendantes : toutes ces structures seront touchées par cette obligation de féminiser leur personnel, ce qui devrait modifier la représentation des femmes dans l’espace public en attendant que, en 2017, les nouvelles règles que vous avez adoptées dans ce texte changent aussi le visage à la représentation nationale. J’ai compris que les principaux partis y étaient prêts, par adhésion ou, parfois, par souci d’économie. Nous verrons bien, mais ce sera sans nul doute un rendez-vous important.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le vote que je sollicite auprès de vous est un vote d’adhésion pour un texte qui se donne les moyens de ses ambitions ; un vote de conviction dans la capacité de notre pays à faire le dernier saut pour offrir enfin aux Françaises et aux Français la perspective de vivre dans une société de l’égalité réelle.