Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 23 juillet 2014 à 14h30
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Après des mois de travaux sur ce texte, la rapporteur pour avis que j’ai été est très fière et heureuse que ce texte législatif soit en voie d’être voté définitivement : fière, car je crois que notre Haute Assemblée a bien travaillé et qu’elle a permis des avancées sensibles sur plusieurs points ; heureuse, car cette première loi-cadre a pour objet de rendre l’égalité entre les femmes et les hommes réelle dans les textes, dans les têtes et dans les faits ! Et, pour ma part, je me réjouis que le terme d’égalité « réelle » ait été repris par la commission mixte paritaire dans l’intitulé du projet de loi.

Nous savons que le chemin vers l’égalité, si chère à notre République, est toujours à emprunter, en particulier en matière d’égalité de genre. Le pas que nous sommes en train de franchir aujourd'hui est important. Il faut que les filles et les femmes de notre pays puissent pleinement choisir leur vie et vivre en égalité avec les hommes, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie, que ce soit dans la sphère professionnelle, familiale, politique ou associative. Il s’agit de permettre aux femmes de prendre leur place pleine et entière dans le fonctionnement économique, social et citoyen de notre pays. La société tout entière y gagnera !

Bien sûr, il reste encore du chemin à faire, mais il n’y a pas de fatalité.

Il faut du courage et de la volonté pour changer les choses, car c’est une construction humaine qui induit, impose, des comportements sexués aux hommes comme aux femmes. À partir d’une différence biologique relative à la reproduction de notre espèce humaine s’est installé un rapport de domination des hommes sur les femmes dans toute la société. Nous pouvons changer ce rapport. Précisément, parce qu’il s’agit d’une construction humaine, nous devons nous attaquer sans relâche aux résistances, aux préjugés, aux habitudes, aux réflexes.

Il est de notre devoir de parlementaires d’agir et de changer la loi pour que les comportements évoluent. C’est bien le sens de ce texte et du travail que nous avons réalisé ensemble pour le « pousser » plus loin encore et mobiliser conjointement tous les leviers pour faire appliquer les textes, modifier les comportements et atteindre enfin l’égalité partout, pour toutes et tous.

L’analyse des mécanismes discriminatoires nous a permis d’engager une démarche originale à plus d’un titre. Ce texte vise à mieux appliquer et, donc, à rendre plus effectives les mesures déjà existantes en droit français. Il permet également l’innovation et l’expérimentation, avant la généralisation des mesures qu’il contient.

L’article 1er, que nous avons examiné dans le cadre de la commission mixte paritaire, résume bien l’objectif ayant guidé le Gouvernement et les parlementaires, à savoir la recherche d’un cadre cohérent pour la politique conduite en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cette politique vise à lutter contre la précarité des femmes, à garantir l’égalité professionnelle et salariale, ou encore à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un partage équilibré des responsabilités parentales entre les pères et les mères.

Cette politique tend aussi à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Vous connaissez mes convictions en la matière, j’ai pu les exprimer, lors de récents travaux, en tant que rapporteur de la commission spéciale saisie de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

J’estime, et tel est bien le sens de la formulation retenue par la commission mixte paritaire, que l’achat d’un acte sexuel est, dans tous les cas, une violence, contre laquelle il faut lutter, en s’attaquant bien sûr aux réseaux mafieux de traite des êtres humains, mais aussi en responsabilisant les clients, qui ne sont pas pour rien dans l’existence de ce système prostitutionnel.

Madame la ministre, nous aurons l’occasion de revenir sur ces points lors des débats qui auront lieu, je l’espère, à l’automne, en séance publique.

Abordons maintenant le contenu du projet de loi, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui.

Tout d’abord, s’agissant des dispositions en faveur d’un partage plus équitable des responsabilités parentales, la mesure la plus emblématique est l’instauration d’une période de partage, entre les deux parents, des droits au complément de libre choix d’activité.

Cela a été dit, 96 % des bénéficiaires actuels sont des femmes. L’article 2 a pour objet de rendre cette mesure plus égalitaire, en incitant les pères à réduire ou interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant, et ainsi prendre toute leur place dans la vie de famille.

Mais il s’agit aussi d’améliorer le retour à l’emploi des mères qui le souhaitent et contribuer ainsi à l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes.

L’égalité professionnelle est justement le deuxième point que je souhaite aborder.

Certes, les écarts de salaires ont eu tendance à se réduire un peu ces dernières années. Mais, en 2014, une femme doit toujours travailler soixante-dix-sept jours de plus qu’un homme pour toucher le même salaire, à poste équivalent. Le chantier n’est donc pas terminé, madame la ministre !

Pour parvenir à l’égalité sur le terrain professionnel, le projet de loi développe différentes mesures, bien ciblées. Il s’agit notamment de rendre la commande publique exemplaire, de ne plus laisser les collaboratrices libérales sans protection, de faciliter l’articulation des temps de vie, ou encore d’inscrire en droit les conclusions de la négociation nationale interprofessionnelle sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle.

À l’issue de la commission mixte paritaire, nous avons également accordé, à l’article 2 bis B, un nouveau droit aux pères, en autorisant trois absences professionnelles pour se rendre aux examens prénataux de leur compagne.

C’est à mes yeux une mesure qui contribue à un partage plus équilibré des responsabilités parentales, dès les premiers mois de grossesse, et permettra aux futurs pères de prendre leur place avant l’arrivée de l’enfant.

Le projet de loi, je l’ai dit, vise également à lutter contre la précarité, qui touche d’abord les femmes. Le constat est frappant : une mère sur deux élevant seule ses enfants déclare ne pas parvenir à boucler son budget sans être à découvert.

Le non-paiement ou le paiement aléatoire des pensions alimentaires en cas de séparation est loin d’être une exception, puisqu’on retrouve une telle situation dans 40 % des cas. Les peines applicables sont lourdes en théorie, mais très rarement appliquées. Ce sont donc de nombreux enfants, qui, dans les faits, vivent des situations de grande précarité, voire de pauvreté.

Pour ne pas laisser ces familles sans solution, l’article 6 prévoit la mise en œuvre, via les CAF, d’une garantie publique contre les impayés en matière de pensions alimentaires.

Cette mesure est accompagnée d’une expérimentation, prévue à l’article 6 septies, du tiers payant s’agissant du versement du complément de libre choix du mode de garde aux familles modestes, dont les budgets sont très serrés, ce qui limitera d’autant leurs avances d’argent. Nous avons porté à dix-mois mois la durée de cette expérimentation.

Je l’ai dit, cette loi est transversale : elle a vocation à s’attaquer aux inégalités, partout où elles se trouvent, c'est-à-dire partout !

Il vise aussi à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes. Comme vous, madame la ministre, j’observe dans notre société un continuum des inégalités et des violences, qui maintient les femmes dans un état de dépendance et d’infériorité.

Lutter contre les violences envers les femmes n’est pas simple. C’est même le point de résistance le plus profond. Mais agir pour l’égalité n’aurait pas de sens s’il ne s’agissait pas d’éliminer les violences, changer les regards et les mentalités, condamner les auteurs et protéger les victimes.

L’ampleur des violences, notamment des violences sexuelles, subies par les enfants, les filles et les femmes, sont telles que nous ne pouvons pas les ignorer, et encore moins baisser les bras.

Ce sont des violences exercées majoritairement dans l’espace privé, sans témoin, par des garçons, des hommes proches de leurs victimes. La situation d’emprise et de peur dans laquelle les femmes sont maintenues les empêche souvent d’en parler et de se faire aider et accompagner. Or, si ces femmes ne sont pas traitées, les conséquences psychologiques désastreuses du traumatisme qu’elles ont subi perdurent toute leur vie, nous le savons.

Nous ne pouvons plus accepter qu’une enfant, une jeune fille, une adolescente, une femme, soit exposée à la violence du seul fait qu’elle soit de sexe féminin. C’est tout simplement intolérable !

Parmi les mesures contenues dans ce projet de loi, je citerai le renforcement de l’ordonnance de protection, par la réduction des délais de délivrance ou la prolongation de la durée d’effectivité ; une meilleure définition des violences psychologiques, afin de mieux les traiter ; la fin de la médiation pénale comme réponse à la violence conjugale ; l’adoption d’un principe général, celui de l’éviction du domicile, le maintien à domicile devenant l’exception ; la protection des femmes en très grand danger, qui seront dotées d’un téléphone d’appel d’urgence ; l’assurance de la gratuité des titres de séjour pour les femmes étrangères victimes de violences ; une meilleure responsabilisation des auteurs de violences ; et la poursuite du plan de formation des professionnels.

Au-delà de ces différents points, il me semble important de veiller à l’application de la loi et aux réponses apportées par le système judiciaire aux victimes, qui sont encore trop peu nombreuses à dénoncer les auteurs de violences, à porter plainte, et à voir ces derniers sanctionnés.

Je terminerai mon intervention en évoquant la parité.

Le texte traduit en effet l’engagement du Président de la République de renforcer considérablement les sanctions financières des partis politiques qui ne respectent pas leurs obligations en la matière.

Cette mesure est hautement symbolique, car le monde politique se doit d’être exemplaire en matière d’égalité.

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