Intervention de Marie-Andrée Seguin

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 juillet 2014 : 2ème réunion
Désignation des conseillers prud'hommes — Table ronde des représentants des syndicats de salariés

Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

Je remercie le rapporteur d'avoir reprécisé l'objet du projet de loi qui nous intéresse. La CFDT a toujours été favorable à la désignation des conseillers prud'hommes. Bien qu'envisagée depuis 2010, cette évolution n'a pas encore été actée et les choses tardent à être mises en place. Du fait de tergiversations, la double prorogation du mandat des conseillers actuels risque de poser des problèmes de fonctionnement au sein des conseils de prud'hommes, en particulier dans les plus petits d'entre eux.

Nous sommes tous d'accord pour dire que l'élection est un scrutin très difficile à organiser. Malgré la libéralisation du vote par correspondance et l'expérimentation du vote électronique, la chute du nombre d'électeurs n'a pas été enrayée. Cela remet en cause l'argument selon lequel les salariés renonceraient à quitter temporairement leur poste de travail pour aller voter par crainte de la réaction de leur employeur. C'est l'utilité même de la participation au vote qui n'est pas reconnue par les salariés : il leur paraît acquis que les juges élus, quelle que soit leur appartenance syndicale, jugeront conformément au droit.

A l'époque du rapport Richard, la CFDT penchait pour un système de grands électeurs car elle craignait que la désignation ne butte sur un obstacle constitutionnel au regard de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif au principe d'égalité d'accès aux charges publiques. Cette crainte a été levée par le ministre du travail qui nous a assuré que le Conseil d'Etat considérait que le système de la désignation ne faisait courir aucun risque du point de vue constitutionnel.

Pourquoi devons-nous évoluer vers une désignation des conseillers prud'hommes ? Jusqu'à présent, les élections prud'homales servaient à mesurer la représentativité des différentes organisations syndicales au niveau national interprofessionnel. Or, nous disposons depuis 2013 d'une mesure fiable de représentativité des différentes organisations syndicales à ce niveau. Si nous conservions le baromètre spécifique aux prud'hommes, cela nuirait à la clarté de la situation. En outre, élire des juges demeure peu mobilisateur dans un pays comme le nôtre.

Il ne nous paraît pas que l'évolution vers la désignation porte atteinte à la démocratie. La réforme envisagée constitue au contraire un progrès démocratique. La loi du 20 août 2008 a mis fin à la présomption irréfragable de représentativité et tient compte du vote des salariés à des élections qui les intéressent au premier chef et qui ont vocation à mesurer la représentativité. Quoi de plus démocratique que de se servir de ces résultats pour attribuer les sièges de conseillers prud'homme à telle ou telle organisation ? Nous ne pensons pas que la réforme prévue aurait pour conséquence de détourner de leur objet les élections aux institutions représentatives du personnel (IRP).

Pour la CFDT, la démocratie ne se mesure pas au nombre d'élections proposées aux salariés mais à leur cohérence d'ensemble.

En outre, il convient de relativiser l'affirmation selon laquelle cette réforme aurait pour effet de priver totalement les demandeurs d'emploi du droit de voter puisque la représentativité sur laquelle on se fonderait pour répartir les sièges est appréciée par cycle de quatre ans, période au cours de laquelle des demandeurs d'emploi à un instant donné pourront être amenés à trouver un emploi et ainsi à participer à une prochaine élection.

Il reste cependant à déterminer les modalités de mise en oeuvre des désignations. Nous souhaitons à cet égard que les partenaires sociaux soient étroitement associés à leur définition.

Enfin, s'agissant de la prolongation des mandats, la suppression de l'échéance de 2015 telle qu'elle avait été initialement envisagée par le gouvernement est critiquable. La durée de neuf ans qui en résultera est bien trop longue. Il nous semble que - même si elle n'apportait pas toute satisfaction du point de vue de la dichotomie existante entre le collège employeur et le collège salarié - il aurait mieux fallu maintenir l'échéance de 2015 car d'importantes difficultés vont apparaître au sein des petits conseils.

Le texte anticipe les problèmes auxquels nous risquons de faire face dans les deux prochaines années en prévoyant plus de souplesse pour les affectations des conseillers d'une section à une autre. Mais cela n'est pas suffisant, d'autant plus que les organisations représentatives d'employeurs appellent de leurs voeux des affectations exclusives.

Je termine en rappelant qu'en tout état de cause c'est l'intérêt du justiciable qui doit primer.

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