Intervention de Didier Porte

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 juillet 2014 : 2ème réunion
Désignation des conseillers prud'hommes — Table ronde des représentants des syndicats de salariés

Didier Porte, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO) :

Je voudrais en premier lieu rappeler quelques éléments de contexte, pour éclairer notre position vis-à-vis de ce projet de loi.

FO n'était pas signataire de la position commune du 9 avril 2008 qui a débouché sur la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, loi qui a défini les critères de représentativité syndicale.

En effet, FO est favorable à un système « ascendant » et non « descendant » pour le choix des conseillers prud'hommes. Dans cette perspective, l'élection présente plusieurs avantages : elle permet non seulement de sélectionner les conseillers prud'hommes, mais aussi de mesurer l'audience syndicale. En outre, elle offre la possibilité aux chômeurs de s'exprimer, aux côtés des salariés, et de se sentir représentés. C'est pourquoi mon organisation préfère l'élection à la désignation.

Nous avions rappelé cette position lors de l'examen du rapport Richard au sein du Conseil supérieur de la prud'homie. Du reste, nous savions bien que la prorogation du mandat des conseillers prud'hommes actuels avait pour finalité la mise en place d'un système de désignation à la place du système d'élections. Pour notre part, nous souhaitions conserver les élections, tout en recherchant des solutions aux problèmes récurrents qu'elles peuvent poser : la question des inscriptions sur les listes, celles des déplacements dans les bureaux de vote...

Lors de la présentation du présent projet de loi devant le Conseil supérieur de la prud'homie, FO a donné un avis défavorable car une réforme par ordonnance nous paraît assez peu démocratique. En outre, nous ne voulons pas que soit laissé au Gouvernement un chèque en blanc sur le mode de désignation des futurs conseillers prud'hommes. Du reste, nous ne connaissions même pas à ce moment-là la façon dont serait mesurée la représentativité patronale.

Les salariés doivent demeurer conscients que les organisations syndicales sont présentes dans les conseils de prud'hommes, ces tribunaux paritaires où ils peuvent faire valoir leurs droits. C'est pourquoi nous attendons la mise en place du groupe de travail qui devra déterminer les modalités de désignation des conseillers prud'hommes.

Une question se pose plus particulièrement : utilisera-t-on les données nationales ou régionales pour déterminer l'audience des organisations syndicales ? Sans doute le niveau choisi sera-t-il régional, ce qui n'est pas d'ailleurs sans soulever certaines difficultés. Si je prends le cas de la région Basse-Normandie, FO avait réalisé un score de 24 % aux dernières élections prudhommales à Lisieux. Si l'on désigne les nouveaux conseillers prud'hommes sur la base de l'audience régionale, nous perdrons la moitié de nos conseillers à Lisieux et le nouveau conseil des prud'hommes n'assurera plus la représentativité syndicale au niveau du bassin d'emploi, comme il pouvait le faire lorsque ses membres étaient élus.

Au total, FO attendra de connaître les modalités précises d'application de la désignation pour adopter une position définitive sur le projet du Gouvernement. Si ces modalités ne nous satisfont pas, nous militerons en faveur d'un retour aux élections. En tout état de cause, un conseiller prud'homme élu nous paraîtra toujours plus légitime qu'un conseiller prud'homme désigné.

Au-delà du débat entre élection ou désignation, je voudrais poser ici la question de la pérennité des juridictions prud'homales, qui dépend avant tout des moyens qui leur sont accordés. Or, les conseils des prud'hommes sont le parent pauvre des juridictions. Pourtant, les rapports Marschall et Lacabarats mettent en cause les insuffisances des conseils de prud'hommes sans jamais évoquer la question de leur manque de moyens ! Lorsque l'on tient compte de cette donnée, comment s'étonner du délai excessif dont ils ont parfois besoin pour rendre leurs décisions et des condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat pour cette raison ?

La formation des conseillers prud'hommes est un autre enjeu majeur. Ils bénéficient à cette fin de 36 jours sur cinq ans. C'est totalement insuffisant. Nous voulons en outre que leur soit proposée une formation initiale.

Le projet de loi propose six jours par an pour la formation des conseillers prud'hommes entre 2014 et 2017, ce qui n'est pas satisfaisant. Avec la prorogation du mandat des actuels conseillers prud'hommes, nous allons assister aux démissions de conseillers âgés qui pensaient siéger cinq ans et non neuf ans. Il faudra bien former leurs remplaçants !

Dans l'avenant n° 1 à la convention pluriannuelle signée avec l'Etat pour former les conseillers prud'hommes et qui concerne la période 2014-2015, il était prévu que la dotation budgétaire des conseils de prud'hommes ainsi que les moyens alloués à la formation diminuent. Nous serons très vigilants sur ce point lors de l'examen de l'avenant n° 2 pour la période 2016-2017.

En ce qui concerne la deuxième prorogation du mandat des conseillers prud'hommes actuels jusqu'au 31 décembre 2017, nous n'y sommes pas défavorables.

Pour conclure, nous ne sommes pas totalement opposés à la solution de la désignation : nous attendrons les résultats des travaux du groupe de travail qui devra en déterminer les modalités pour nous prononcer. Il est sans doute possible de parvenir à un équilibre, si l'on bâtit un système de représentativité connu de tous lors du renouvellement de 2017, même si le fait que la représentativité patronale n'est pas basée sur une élection continuera de poser problème.

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