Intervention de Jean-Claude Duplessy

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 10 juin 2014 : 1ère réunion
Présentation du rapport annuel de la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs cne2

Jean-Claude Duplessy, président de la CNE2 :

Nous présentons notre huitième rapport annuel d'évaluation moins d'un an après la présentation du précédent, car nous avons souhaité revenir à la pratique consistant à remettre ce rapport à la fin de l'année scolaire. Au cours des années récentes, nous avions dû déplacer de quelques mois cette présentation devant l'Office parlementaire, pour des raisons indépendantes de notre volonté. Nous sommes revenus au calendrier originel, plus cohérent avec celui de l'activité des organismes, qui ralentit au cours de l'été.

Ce rapport est, par conséquent, un peu plus bref qu'à l'accoutumé. Il repose sur dix auditions, dont deux restreintes. Ses grandes orientations sont identiques à celles du précédent rapport. Nous l'avons établi à l'issue de deux séminaires. Un pré-séminaire de deux jours s'est tout d'abord tenu près de Flamanville, ce qui nous a permis d'examiner les difficultés du chantier du réacteur EPR actuellement en construction, ainsi que la façon dont EDF a établi des relations avec les populations locales. Un second séminaire, d'une durée de cinq jours, a permis l'élaboration finale du rapport, adopté à l'unanimité des participants.

Notre premier axe de réflexion a porté sur la notion de réversibilité, comme l'Office parlementaire nous l'avait demandé. La loi de 2006 dispose que le stockage profond doit être réalisé dans le respect de ce principe. Or, d'un pays à l'autre, la notion de réversibilité est très variable, entraînant des difficultés de compréhension au plan international. Une réflexion a été menée sous l'égide de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), définissant une hiérarchie des niveaux de réversibilité, à la suite de propositions de l'ANDRA. Celle-ci a joué un rôle actif dans ce travail.

Ces niveaux sont au nombre de cinq : le niveau 1 d'entreposage en surface, au niveau 2 les colis ont été déposés dans un alvéole, au niveau 3 l'alvéole est muni de son dispositif de fermeture final, au niveau 4 un quartier entier d'alvéoles est fermé, et, enfin, au niveau 5, le stockage étant complétement fermé, la sûreté est alors assurée de manière passive. Au fur et à mesure de la fermeture des alvéoles, la récupérabilité décroît pour devenir de plus en plus difficile et chère et la sûreté, résultante des dispositions actives de contrôle et de la sûreté passive, s'accroît.

Avant d'aller plus loin, il convient de définir la notion de réversibilité : notre Commission l'a définie comme un mode de gestion qui consiste à garantir aux générations futures la possibilité de décider, à toutes les étapes du processus planifié de stockage, de poursuivre, de marquer une pause ou de revenir éventuellement à l'étape antérieure.

Pour être effective, la réversibilité suppose, d'une part, la récupérabilité, c'est-à-dire la possibilité technique et organisationnelle de déplacer ou de remonter en surface les colis de déchets, et, d'autre part, une certaine flexibilité dans la réalisation des ouvrages de stockage qui permette de prendre en compte les avancées scientifiques et techniques et le retour d'expérience.

La possibilité de changer de niveau de réversibilité doit être laissée ouverte aux générations futures. La fermeture progressive du stockage nous paraît une option plus sûre que le maintien au niveau 2 de tout le stockage pendant cent ans, pour quatre raisons. D'abord, elle permet une sûreté passive à long terme, en diminuant les risques d'accidents propres à l'entreposage ou au report indéfini du scellement des ouvrages et de la fermeture du site. Ensuite, elle diminue l'aléa social, le risque associé à une mauvaise gestion sociale ultérieure étant beaucoup plus élevé que le risque d'accident lié à l'enfouissement, dont la connaissance est objectivement fondée sur des lois physiques de comportement bien connues. De plus, la fermeture progressive permet de ne pas infliger aux prochaines générations le fardeau d'une gestion de déchets qu'elles n'auront pas produits. Enfin, cette stratégie prend en compte le très peu probable intérêt d'une récupération des matières contenues dans les colis.

La fermeture du stockage doit être progressive et raisonnée. La Commission propose, en premier lieu, de ne pas la précipiter. Une phase de durée raisonnablement longue doit être utilisée pour préparer le passage progressif du niveau 2 au niveau 3 des premiers alvéoles remplis. Cette période initiale d'observation devra être proposée par l'opérateur. Elle pourrait durer d'une dizaine à une vingtaine d'années. Elle devra être mise à profit pour réaliser des essais sur des alvéoles expérimentaux, pour développer et valider des moyens de surveillance, c'est-à-dire faire en sorte de maîtriser complètement le fonctionnement du stockage.

La Commission propose, en second lieu, de ne pas imposer de contraintes aux générations futures. Elle n'estime pas souhaitable d'imposer à ces générations l'option de laisser l'intégralité du stockage au niveau 2, car cette option peut présenter des inconvénients majeurs, tant pour la sécurité en exploitation que pour la sûreté à long terme. En conséquence, après la période initiale d'observation, la décision de passage d'un alvéole du niveau 2 au niveau 3 devrait être prise si sa fermeture est jugée opportune, notamment du point de vue de la sûreté.

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