Intervention de André Reichardt

Réunion du 24 juillet 2014 à 9h30
Agriculture alimentation et forêt — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Comme l’explique l’INSEE dans son rapport sur l’agriculture en France et en Europe, « la production de bovins et de volailles se réduit après deux années de hausse. Les abattages diminuent pour les vaches et les génisses et surtout pour les bœufs. La production de poulets est en recul après cinq années de hausse. La collecte laitière régresse dans un contexte de baisse du prix du lait et de flambée du prix des aliments utilisés pour accroître les rendements. » Fermez le ban !

Certes, dans le même temps, l’excédent de notre commerce extérieur de produits agroalimentaires se maintient autour de 11 milliards d’euros ; mais nous pourrions faire bien mieux !

Comme notre collègue Gérard Bailly l’a expliqué la semaine dernière, l’agriculture mondiale devra nourrir 2, 3 milliards de personnes supplémentaires en 2050, l’Union européenne comptant quant à elle 1, 7 million d’habitants de plus chaque année.

Les excédents commerciaux sont donc devant nous, et la question de choisir entre produire plus et produire mieux ne se pose pas : il faut produire !

Malheureusement, ce texte ne créera pas, selon nous, les conditions nécessaires pour rendre notre agriculture apte à affronter cette révolution alimentaire.

Pourtant, je reconnais que, grâce au travail accompli par nos rapporteurs, MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, ce projet de loi a connu des améliorations. Les modifications apportées au bail environnemental, à l’article 4, en sont un bon exemple.

Cependant, ces avancées nous apparaissent encore insuffisantes aujourd’hui, d’abord parce que ce projet de loi ne prend pas suffisamment en compte les problèmes du monde agricole.

Monsieur le ministre, vous avez voulu marquer votre texte du sceau de l’agroécologie. Pourquoi pas, mais, dans ce cas, il aurait fallu qu’il définisse une véritable politique publique en faveur de l’agroécologie et ne se contente pas d’additionner quelques dispositions, certes spectaculaires et remarquables au sens premier du mot.

L’agriculture écologique laisse entrevoir de belles potentialités, mais quelles dispositions de votre projet de loi visent à les exploiter ? La seule mesure tendant à donner une application concrète à ce concept d’agroécologie est la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, qui donnera lieu à des majorations d’aides pour les exploitants concernés. Cependant, compte tenu du flou qui entoure le concept de GIEE, cela ne constitue-t-il pas une réponse un peu courte ?

Plus inquiétant encore, diverses autres dispositions inspirées par des considérations écologiques ne font, à nos yeux, qu’opposer agriculture biologique et agriculture conventionnelle, ce que vous disiez vous-même vouloir éviter, monsieur le ministre. C’est le cas, notamment, du bail environnemental, qui réduira l’accès au foncier agricole malgré les améliorations apportées par le rapporteur. C’est également le cas, à l’article 13, de la disposition prévoyant que les SAFER accordent la préférence aux exploitations pratiquant l’agriculture biologique.

D’autres mesures encore, dont j’imagine qu’elles sont pareillement inspirées par des considérations environnementales, desserviront aussi l’ensemble de notre filière agricole. Je pense au transfert à l’ANSES de la compétence en matière de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, décision qui, à nos yeux, n’a guère de justification.

Enfin, je voudrais signaler les doutes de mon groupe sur la pertinence des mesures d’interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires.

La seule véritable satisfaction que nous a procurée cette seconde lecture, c’est le rétropédalage de la majorité en ce qui concerne les conditions d’utilisation des produits phytosanitaires inscrites à l’article 23. Il a été question d’établir une distance minimale entre les lieux d’habitation et les zones où ces produits sont utilisés. Fort heureusement, la seconde lecture à l’Assemblée nationale a débouché sur un juste compromis, puisque si l’autorité administrative conservera son pouvoir de restriction ou d’interdiction, les règles de distance minimale ne concerneront pas les lieux d’habitation, mais seulement certains lieux publics accueillant des enfants ou des personnes vulnérables. Cela montre que le principe de précaution peut parfois être appliqué avec discernement ; il faut s'en féliciter.

Une autre difficulté d’importance présentée par ce texte a trait à son silence assourdissant sur le partage de la valeur ajoutée et, plus généralement, sur la rémunération des agriculteurs. On y trouve bien peu de chose sur les aléas climatiques, les risques épidémiologiques, les relations contractuelles ou les fluctuations des prix des matières premières. Voilà pourquoi nous trouvons que ce projet de loi passe à côté des préoccupations actuelles de nos agriculteurs. Et je ne parlerai pas ici des clauses miroirs prévues à l’article 6, qui sont dénoncées par l’ensemble du monde agricole.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion