Intervention de André Reichardt

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 8 juillet 2014 : 1ère réunion
Présentation par m. andré reichardt des informations recueillies par le groupe de travail sur la protection sociale des élus locaux

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

Madame la Présidente, mes chers Collègues, vous savez que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 a entraîné d'importantes modifications en matière de protection sociale des élus locaux, puisqu'elle les a rattachés d'office au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques.

Une nette insuffisance d'informations venant des administrations compétentes à destination des associations d'élus sur les conséquences, positives et négatives, de ce rattachement, a caractérisé la période allant de la promulgation de la loi, le 17 décembre 2012, à la publication, le 26 avril 2013, du décret relatif « aux conditions d'affiliation des élus locaux au régime général de la sécurité sociale ». Cette carence a suscité de nombreuses incompréhensions parmi les élus. Celles-ci se sont exprimées lors de la table ronde organisée par notre Délégation le 5 novembre 2013, qui a réuni des représentants de l'Association des maires de France, de l'Association des maires ruraux de France, de l'Association des régions de France et, pour l'administration, le sous-directeur des élus locaux à la Direction générale des collectivités territoriales (DGCL), relevant du ministère de l'Intérieur, et le responsable de la législation financière de la Direction de la sécurité sociale (DSS) au ministère des Affaires sociales.

À la suite de cette table ronde, notre Délégation a décidé de créer un groupe de travail pour tenter de dissiper les malentendus qui s'étaient alors exprimés, et m'en a confié la responsabilité.

Ce groupe de travail devait initialement associer à ses travaux les services de Mme Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, mais cette perspective a été abandonnée du fait de la lenteur de sa prise en compte par ce ministère.

J'ai donc réuni, le 15 mai dernier, des responsables de la DGCL, des responsables de la Direction de la sécurité sociale (DSS), et la directrice juridique de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).

Vous trouverez dans mon rapport écrit le compte rendu de cette réunion, dont les éléments majeurs sont les suivants :

- l'objectif principal des modifications introduites est de renforcer la solidarité nationale entre les élus locaux et leurs concitoyens ;

- l'amélioration des prestations en espèces et en nature allouées aux élus locaux, souvent présentée par le gouvernement comme la priorité des modifications introduites par la LFSS pour 2013, n'en constituait donc qu'un objectif accessoire ;

Les éclaircissements apportés par les fonctionnaires chargés de ce dossier ont permis une meilleure compréhension de l'assiette retenue pour les cotisations dont les élus doivent désormais s'acquitter, et notamment l'intégration de la fraction représentative des frais d'emploi (FRFE) qui y est faite. Le seuil à partir duquel les cotisations sont réclamées (1 543 euros en 2013 ; 1 565 euros en 2014), ainsi que les conditions dans lesquelles pourra s'effectuer un éventuel cumul emploi retraite ont également fait l'objet d'explications.

De nombreux problèmes techniques restant à éclaircir à l'issue de cette réunion, j'ai demandé que soit établi un tableau récapitulatif de la situation des élus locaux, avant et après les modifications introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, accompagné d'exemples concrets d'évolution, et en distinguant bien selon que les élus sont en activité professionnelle, sans activité professionnelle ou retraités.

Ce tableau m'a été adressé un peu tardivement, le 1er juillet dernier, mais il constitue un travail de grande qualité, et permet d'avoir une vue globale de l'évolution de la situation des élus locaux induite par la LFSS pour 2013. Il en ressort que ce texte n'a pas que des implications négatives pour les intéressés, mais que certains de ceux-ci sont effectivement soumis à de nouvelles cotisations, alors qu'ils perçoivent des prestations identiques à celles dont ils bénéficiaient antérieurement.

Vous trouverez ce tableau dans mon rapport écrit. Je vous présenterai donc ici ses apports les plus notables. Il récapitule tout d'abord les textes législatifs qui se sont succédés depuis la loi relative aux conditions d'exercice des mandats locaux de février 1992 qui, pour la première fois, comportait des éléments sur les indemnités de fonction, la retraite des élus, et ouvrait à ceux-ci un droit à la formation. Ce texte ouvrait également un droit aux prestations maladie en nature, et aux prestations vieillesse pour les élus ayant cessé d'exercer leur activité professionnelle afin d'exercer leur mandat.

La loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux, d'avril 2000, ne modifie, de ce point de vue, que la définition des bénéficiaires s'agissant des mandats municipaux, et y ajoute les présidents et vice-présidents des EPCI de plus de 20 000 habitants.

La loi de février 2002 relative à la démocratie de proximité alloue, à ces mêmes élus, des prestations maladie en espèce.

Enfin, les dispositions contenues dans la loi de décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 sont clairement décrites :

1) Affiliation de principe de tous les élus des collectivités territoriales et des EPCI (à l'exception des fonctionnaires détachés) au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques ;

2) Lorsque l'indemnité versée à l'élu est supérieure à la moitié du plafond de la sécurité sociale (1 543 euros en 2013 ; 1 565 euros en 2014), cette indemnité est assujettie aux cotisations de sécurité sociale à partir du premier euro, à compter du 1er janvier 2013.

3) Les élus ayant cessé leur activité professionnelle pour exercer leur mandat se trouvent également affiliés au régime général.

Les éléments ayant suscité le plus d'incompréhension tenaient :

a) au caractère optiquement rétroactif de la cotisation à la charge des élus, puisqu'elle a été mise en oeuvre par un décret du 26 avril 2013, pour une prise d'effet dès le 1er janvier de la même année ;

b) à l'inclusion de la fraction représentative des frais d'emploi (FRFE) dans l'assiette de la cotisation, qui a semblé affirmer l'idée que l'indemnité versée aux élus locaux s'apparentait désormais à un salaire, ce qui modifiait profondément le principe de non-rétribution des mandats locaux ;

c) au caractère tardif des informations données aux élus sur les nouvelles prestations que leur ouvrait leur affiliation d'office, qui a fait naître le sentiment que les cotisations auxquelles ils étaient désormais assujettis ne leur ouvraient aucun droit supplémentaire.

Quant à la possibilité pour les élus de compléter leurs droits à retraite auprès du régime général de la sécurité sociale, elle n'a été précisée qu'ultérieurement, lors de la promulgation de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite.

Enfin, les collectivités territoriales ont été appelées à verser des cotisations « employeur » qu'elles n'avaient pas provisionnées dans leur budget pour 2013.

La conjugaison de tous ces éléments ne pouvait que susciter incompréhension et hostilité envers ce nouveau régime de protection sociale de la part des élus locaux, qui ont considéré, pas toujours à tort, qu'il leur était imposé sans véritable contrepartie.

L'intérêt de ce tableau, établi par les services compétents du ministère des Affaires sociales, réside dans l'analyse détaillée des implications de la loi de décembre 2012 sur les différentes catégories d'élus, et pour chacun des types de risques.

Je vais maintenant vous présenter les éléments principaux d'information contenus dans ce tableau. La première page retrace l'historique des différents textes qui ont organisé la protection sociale des élus locaux. Il faut y ajouter la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite. Il résulte des éléments contenus dans le tableau qu'entre la loi de 1992 et l'entrée en application de celle du 18 décembre 2012, les élus disposaient d'une sécurité sociale « à la carte », c'est-à-dire différente selon le type de mandats exercés, et l'exercice ou non d'une activité professionnelle.

C'est en 1992 qu'ont été instaurés les droits aux prestations maladie et vieillesse, les premières se limitant à des prestations en nature, c'est-à-dire au remboursement total ou partiel des dépenses médicales, paramédicales, et des frais d'hospitalisation. En 2002 a été instauré le droit aux prestations maladie en espèces, c'est-à-dire aux revenus de substitution versés à un assuré qui se trouve privé de son revenu professionnel : indemnités journalières et pension d'invalidité.

La loi de 2012 touche tous les élus mentionnés à l'article 72 de la Constitution, et leur ouvre des droits aux prestations maladie, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP) et famille. Les conditions d'assujettissement varient selon que l'indemnité mensuelle de l'élu est inférieure ou supérieure à la somme de 1 543 euros en 2013, représentant la moitié du plafond de la sécurité sociale.

Les deuxième et troisième pages du tableau décrivent la couverture des risques selon que les titulaires de mandats locaux sont non assujettis à cotisations, en fonction du montant mensuel de leur indemnité.

La couverture du risque vieillesse comporte des évolutions positives et négatives. Parmi les premières, les élus assujettis aux cotisations peuvent désormais acquérir des droits pour leur future retraite. En revanche, ceux dont l'indemnité mensuelle les dispense de cotisations, et qui n'ont pas d'autre activité professionnelle, ne peuvent acquérir ni trimestres de retraite dans le régime de base, ni points dans le régime complémentaire. Ceci constitue une faille dans un dispositif présenté comme couvrant les élus locaux pour la totalité des risques.

Les quatrième, cinquième et sixième pages décrivent, en fonction de la situation des élus, les risques couverts avant et après la loi du 18 décembre 2012 qui diffèrent, suivant qu'ils exercent ou non une activité professionnel à temps plein ou partiel, ou qu'ils se trouvent sans emploi, ou enfin qu'ils soient retraités.

La dernière page du tableau rappelle les conditions de droit commun d'ouverture de droits aux principales prestations au sein du régime général.

L'appréciation d'ensemble que l'on peut porter les modifications induites par la loi de 2012 est plutôt positive ; on peut en effet estimer que les nouveaux droits ouverts par cette loi l'emportent en importance sur les points négatifs.

L'émotion créée parmi les élus locaux par ces dispositions nouvelles aurait, sans aucun doute, été moindre si le gouvernement avait clairement affiché que l'objectif principal était de faire mieux participer les élus locaux à la solidarité nationale. Or, la communication a essentiellement porté sur les droits nouveaux, qui sont minimes, passant sous silence que certains élus sont amenés à verser des cotisations nouvelles sans pour autant bénéficier d'avantages nouveaux. Cette ambiguïté de départ a suscité une incompréhension sur le but poursuivi par la réforme, et de nombreux élus ont mal ressenti le fait qu'on leur réclame des cotisations qui ne leur ouvraient aucun nouveau droit.

En résumé, la seule évolution clairement positive réside dans la possibilité, pour les élus assujettis à cotisations, d'acquérir de nouveaux droits à la retraite au régime général de la sécurité sociale. Ces élus peuvent ainsi - et cela est nouveau - cumuler les trimestres acquis en qualité d'élu et ceux acquis au titre de leur activité professionnelle principale.

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