Intervention de Claude Dilain

Réunion du 30 juin 2014 à 16h00
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Claude DilainClaude Dilain :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le président de la commission des affaires économiques Daniel Raoul, qui n’a pas pu se libérer cet après-midi. Il me fait le grand honneur de vous transmettre ses conclusions.

Le rapport établi cette année par la commission des affaires économiques que préside Daniel Raoul, après, vous le savez, la scission de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire en deux commissions, prend en compte vingt-six lois.

L’étude de certains textes trop anciens n’étant plus jugée pertinente, le bilan dressé en 2014 mesure l’application des lois promulguées de 2003 jusqu’au 30 septembre 2013.

Sur les vingt-six lois dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, neuf d’entre elles sont totalement applicables. On remarque même que trois des quatre lois promulguées entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2013, examinées, de ce fait, pour la première fois cette année dans le bilan de la commission des affaires économiques, sont d’ores et déjà totalement applicables. Je veux parler de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social et de la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction. Cette situation est totalement satisfaisante.

S’agissant de la loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour accélérer les projets de construction, celle-ci est considérée – formellement – d’application directe. Toutefois, il est intéressant de relever que non seulement les sept ordonnances prévues ont été adoptées dans les délais, mais également que six d’entre elles ont d’ores et déjà été ratifiées par l’article 174 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR ». À cet égard, nous nous félicitons que Cécile Duflot, alors ministre de l’égalité des territoires et du logement, ait pris la peine de venir spécifiquement, par deux fois, présenter ces textes devant notre commission.

Néanmoins, et en sortant des bornes de l’examen du bilan d’application des lois, le président de la commission souhaite relever la longueur des délais pris pour l’adoption d’un décret relatif aux pouvoirs de sanction de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Dans une décision du 5 juillet 2013, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les dispositions de l’article L. 36-11 relatif au pouvoir de sanction de l’ARCEP, considérant que la séparation des pouvoirs d’instruction et de sanction n’était pas respectée. Cela a eu pour conséquence de priver cette autorité de son pouvoir de sanction, qui constitue l’un des moyens fondamentaux de son action, ce qui est particulièrement problématique dans un secteur à fort taux de contentieux.

Afin de combler cette carence, le Gouvernement a introduit, à l’article 1er de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, une disposition, adoptée par le Parlement, l’autorisant à prendre par ordonnances les mesures de nature législative propres à sécuriser, au sein du code des postes et des communications électroniques, le pouvoir de sanction de l’ARCEP à l’encontre des opérateurs concernés. L’ordonnance du 12 mars 2014 relative à l’économie numérique instaure, dans les secteurs des postes et des communications électroniques, une nouvelle procédure de sanction selon le modèle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dont la constitutionalité a été validée par le Conseil d’État. Toutefois, le décret devant venir préciser les modalités d’application de ces dispositions n’a, à ce jour, toujours pas été publié, ce qui est fort regrettable, compte tenu de l’urgence. Pour quelles raisons, monsieur le secrétaire d'État, ce décret n’a-t-il pas été publié et à quel horizon le sera-t-il ?

En outre, l’étude des dix-sept lois partiellement applicables dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques aboutit à un bilan mitigé.

Exception faite de deux lois – la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche –, pour lesquelles ont été pris respectivement un décret en Conseil d’État et deux décrets simples, aucune mesure réglementaire n’a été prise depuis le bilan établi en 2013. Ainsi en est-il, par exemple, de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, applicable à 85 %, et de la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, applicable à 50 %.

Par ailleurs, il est regrettable de constater que, parmi le stock des lois examinées par la commission des affaires économiques, l’unique loi d’initiative sénatoriale, la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale, soit celle qui affiche le taux d’application le plus faible, à savoir 12 %. Les décrets encore attendus pour ce texte issu d’une proposition de loi présentée par Christian Demuynck et plusieurs de ses collègues, annoncés pour la fin du premier semestre de 2013, n’avaient toujours pas été publiés au 31 mars 2014.

Sur les vingt-six lois dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, quatorze d’entre elles ont été adoptées selon la procédure accélérée. On relève que les quatre lois examinées pour la première fois cette année dans le bilan de la commission ont été adoptées selon cette procédure.

Cependant, nous ne pouvons que nous étonner de constater que huit lois promulguées entre 2004 et 2011 après engagement de la procédure accélérée ou après déclaration d’urgence ne sont encore que partiellement applicables.

Sur les vingt-six lois dont je viens de parler, une seule a fait l’objet de la remise d’un rapport en vertu de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, depuis le bilan établi en 2013. Le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer a été présenté au Parlement le 14 mars 2014, mais avec un certain retard.

Cette absence de rapport est regrettable pour la bonne information des parlementaires sur le suivi des textes qu’ils adoptent. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire plus sur cet état de fait ?

Comme l’année dernière, le président Raoul déplore la défaillance dont fait preuve l’administration en ce qui concerne la remise des rapports au Parlement. Les chiffres sont éloquents : sept rapports prévus par certaines dispositions des lois dont la commission des affaires économiques assure le suivi ont été rendus au cours de la période nouvellement étudiée cette année, à savoir du 1er avril 2013 au 31 mars 2014, alors que trente-cinq d’entre eux sont encore attendus ! Aussi, il se pose la question d’opposer parfois l’article 40 de la Constitution à la demande de rapports, qui sont toujours coûteux, alors même qu’ils ne sont pas toujours consultés.

Pour conclure, je veux me féliciter de la coopération mise en place entre la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et les commissions permanentes.

Après le rapport d’information sur le tourisme rédigé par nos collègues Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre et publié en octobre dernier, qui dressait un bilan en demi-teinte de la loi du 22 juillet 2009, un rapport contrôlant l’application de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services est en cours de rédaction par nos collègues Claude Bérit-Débat, au nom de la commission des affaires économiques, et Jean-Claude Lenoir, en tant que membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Ce rapport sera examiné par nos deux commissions en réunion conjointe le 9 juillet prochain.

Au-delà d’un bilan purement quantitatif, ces rapports permettent d’apprécier l’effectivité de l’application des lois au regard des objectifs fixés par le législateur. N’oublions pas, mes chers collègues, que c’est ainsi que s’entend la fonction de contrôle du Parlement, reconnue par la réforme constitutionnelle de 2008.

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