Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 30 juin 2014 à 16h00
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson, vice-présidente de la commission des affaires sociales :

Nous apprécions également l’intérêt que le Gouvernement, qui a participé, avec ses services, aux réunions organisées par le président David Assouline, porte à la question de l’application des lois.

Durant la session parlementaire 2012-2013, le Parlement a adopté quatorze lois examinées au fond par la commission des affaires sociales : un nombre particulièrement élevé, qui n’avait pas été atteint depuis la session 2007-2008.

Ces lois, dont cinq résultaient d’une initiative gouvernementale et neuf d’une initiative parlementaire, avaient des implications extrêmement variables du point de vue des mesures d’application. Six d’entre elles pouvaient s’appliquer directement, sans texte réglementaire. Pour les huit autres, 132 mesures d’application étaient attendues au total, dont 77 pour la seule loi de financement de la sécurité sociale. Globalement, un peu plus de 100 mesures avaient été prises au 31 mars 2014, soit un taux proche de 80 %, donc nettement supérieur à celui qui avait été constaté les années précédentes.

Près de 40 % des mesures attendues avaient été prises dans les six mois suivant la promulgation de la loi à laquelle elles se rapportent, c’est-à-dire dans le délai fixé par la circulaire gouvernementale de 2008 ; près des trois quarts l’avaient été dans un délai d’un an. Ce résultat est plutôt satisfaisant par rapport aux expériences passées.

La commission des affaires sociales se félicite que la tendance à l’amélioration, lente, mais continue, de l’édiction des mesures réglementaires d’application se soit confirmée au cours de la session parlementaire 2012-2013. Toutefois, cette appréciation générale positive ne doit pas masquer une réalité très contrastée.

Le Gouvernement s’efforce de mettre en œuvre rapidement les dispositifs qu’il juge prioritaires, en particulier les lois adoptées dans le domaine du travail et de l’emploi ; nous ne pouvons que nous en féliciter. C’est ainsi que la loi du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir et la loi du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération ont reçu 100 % de leurs mesures d’application. Pour la première, le premier décret est même paru six jours après qu’elle eut été promulguée. Quant à la seconde, les dix mesures attendues avaient été prises deux semaines après sa promulgation.

S’agissant de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, promulguée en juin 2013, plus de 70 % des mesures d’application avaient été prises au 31 mars dernier. La principale mesure en attente est cependant très importante, puisqu’elle concerne l’article 1er de cette loi, relatif à la couverture complémentaire santé.

Nous savons que la préparation du décret fixant le niveau minimal de garanties des contrats collectifs concernés est affectée par les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 relatives aux contrats solidaires et responsables. Les projets de textes sont actuellement dans leur phase ultime de finalisation. Même si la généralisation des contrats collectifs en entreprise ne sera applicable qu’au 1er janvier 2016, notre commission insiste sur un point : la parution des textes d’application est indispensable au lancement des négociations de branche, qui ont pris du retard.

En ce qui concerne la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a fait en sorte de promulguer rapidement les textes d’application : de fait, près de 90 % d’entre eux étaient parus au 31 mars dernier.

À l’inverse, quatre lois, toutes issues d’une initiative parlementaire, n’ont fait l’objet d’aucune mesure d’application, alors qu’elles prévoyaient quinze décrets ou arrêtés. Au nombre de celles-ci figure la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale. Certes, l’un des principaux objets de la loi – ratifier l’ordonnance du 13 janvier 2010 – a été atteint, mais cette loi a également introduit des dispositions nouvelles nécessitant dix décrets ou arrêtés, dont aucun n’a été pris. Elle est pourtant le fruit d’une procédure parlementaire particulièrement longue et qui a donné lieu à des concertations nombreuses avec les acteurs concernés ; tout ce travail aurait dû permettre une parution rapide des textes réglementaires, notamment des arrêtés.

Pour sa part, la loi du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge nécessitait trois mesures d’application, qui n’ont pas non plus été prises, alors qu’elles portent sur des questions importantes pour la prise en charge des malades et pour la procédure d’expertise psychiatrique.

Il s’agit, plus précisément, de trois décrets en Conseil d’État qui, à ce jour, n’ont pas encore été soumis aux sections compétentes. Il est souhaitable qu’ils soient pris dans les meilleurs délais ; nous comptons, monsieur le secrétaire d’État, que vous y serez particulièrement attentif !

La loi du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer voit également son article 1er rendu inopérant faute de mesure d’application ; une telle lacune est grave en matière de santé publique.

Enfin, s’agissant de la loi du 24 décembre 2012 visant à suspendre la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, ce sont plutôt des enjeux de conformité au droit de l’Union européenne qui retardent la parution d’un décret d’application et créent des incertitudes sur l’effectivité de la loi elle-même.

En effet, une phase précontentieuse a été ouverte contre la France ; la Commission européenne attend pour se prononcer une nouvelle évaluation, confiée à l’Autorité européenne de sécurité des aliments, des risques associés au bisphénol A utilisé dans les conditionnements alimentaires. On peut se féliciter de l’intransigeance de la France sur ce sujet !

Par ailleurs, au cours de la période étudiée, près d’une vingtaine de mesures réglementaires sont intervenues en application de lois votées sous la précédente législature. Notre commission se félicite particulièrement de la parution du décret organisant la transmission des informations entre départements afin d’assurer le suivi des enfants en danger en cas de déménagement des familles, même si cette publication est intervenue plus d’un an et demi après la promulgation de la loi.

À l’inverse, la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine est encore privée d’une partie notable de ses effets. Les mesures réglementaires mettant en place la structure nationale chargée de la répartition aléatoire des protocoles de recherche entre les comités de protection des personnes manquent toujours. Cette lacune-ci aussi est grave, monsieur le secrétaire d’État !

Je rappelle que ce dispositif, défendu par nos deux rapporteurs successifs, Marie-Thérèse Hermange et Jean-Pierre Godefroy, était un sujet essentiel de consensus de notre commission et du Sénat ; la commission des affaires sociales regrette donc fortement que les mesures réglementaires nécessaires se fassent encore attendre.

Notre bilan, comme celui qui a été présenté par les autres commissions, s’intéresse également aux rapports devant être remis au Parlement. Les demandes de rapport, sans doute en nombre excessif, sont d’intérêt inégal. Certaines correspondent à une attente légitime, et nous souhaitons vivement qu’il y soit donné suite ; c’est le cas, notamment, de la demande d’un bilan annuel d’évaluation des emplois d’avenir et de la demande d’un rapport sur l’accès à la justice prud’homale, que le Sénat avait souhaité pour la fin de l’année 2013, sur l’initiative de notre collègue Claude Jeannerot.

Monsieur le secrétaire d’État, vous constatez que les membres de notre commission se sont interrogés, parfois avec irritation, sur la non-application de nombreuses dispositions d’origine parlementaire. Notre présidente a d’ailleurs saisi les ministres concernés sur ce point.

Reste que ces interrogations ne remettent pas en cause le bilan positif que nous tirons de la tendance continue à l’amélioration de l’application des textes législatifs, telle que notre suivi statistique la fait apparaître.

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