Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 30 juin 2014 à 16h00
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

J’ai compris que Mme Goulet y était opposée, mais elle devrait assez être isolée sur ce point.

Pourtant, je tiens à le rappeler ici, lorsque cette commission a été créée, nombreux étaient les sceptiques. Aujourd’hui, son utilité ne fait plus aucun doute et son action est reconnue. La commission entend contribuer à l’émergence au Sénat d’une véritable « culture du contrôle et de l’évaluation ».

Les sénateurs socialistes considèrent que la bonne mise en application des lois est essentielle pour notre démocratie, afin de redonner à nos concitoyens confiance dans l’activité législative du Parlement et dans notre système politique.

La loi représente la première condition de l’égalité républicaine. De fait, si elle n’est pas appliquée, faute de décrets, faute de moyens, alors le lien qui unit les Français se délite et le discrédit à l’égard de la politique croît. C’est pour cela que le Sénat ne peut plus se contenter de voter la loi : il doit exercer un contrôle sur la manière dont les lois sont appliquées.

Le rapport annuel qui nous a été présenté montre une évolution positive si l’on se fonde sur l’analyse quantitative. En effet, le taux de mise en application des mesures législatives de la session atteint 65 %. À titre indicatif, les taux observés jusqu’en 2009-2010 étaient très faibles : entre 10 % et 35 %.

La progression est donc significative, et les premières statistiques disponibles confirment cette orientation positive pour l’actuelle XIVe législature, dont 88 % des lois font déjà l’objet d’une mise en application partielle ou totale.

La mise en application des lois est une priorité forte du Gouvernement depuis le début du quinquennat. Dès son entrée en fonction, Jean-Marc Ayrault avait confirmé à l’époque l’objectif fixé de faire paraître les décrets d’application de toutes les lois nouvelles dans un délai maximum de six mois. Cet engagement a été repris par le nouveau Premier ministre.

Il faut le rappeler, telle ne fut pas le cas sous la précédente majorité. Je prendrai un seul exemple, celui de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Les premiers décrets d’application sont intervenus un an après l’adoption du texte par le Parlement et se sont par la suite échelonnés sur toute la durée de la fin du quinquennat. Ils n’avaient pas tous été pris en 2012.

La garde des sceaux, Christiane Taubira, qui était présente dans cet hémicycle jeudi dernier, rappelait à cette occasion que, en mai 2012, deux décrets de cette loi n’avaient toujours pas été pris. Comme l’avait d’ailleurs souligné le rapport de notre collègue Jean-René Lecerf, l’insuffisance de moyens, l’inertie administrative, le manque de volonté politique ont été autant de raisons pour lesquelles cette loi n’a pas été à la mesure des espoirs qu’elle avait pu soulever. Il a donc fallu attendre un nouveau garde des sceaux, Mme Taubira, pour que tous les décrets puissent enfin être pris.

Cet exemple n’est malheureusement pas unique. À partir de juin 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a dû mettre en application un certain nombre de lois héritées de la majorité précédente. J’ai donc été très heureux que notre actuel secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, réitère l’engagement du Gouvernement quant à la bonne application des lois, lors de son audition par la commission sénatoriale.

Je profite d’ailleurs de cette occasion pour répondre à une attaque que je qualifierai de quelque peu sournoise : certains voudraient nous faire croire que la multiplication des amendements votés en séance, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, entraînerait une avalanche de demandes de textes réglementaires, et que ce sont les amendements votés par les parlementaires qui seraient responsables de l’allongement des délais pour la prise des décrets.

Il ne faut pas chercher de mauvaises excuses, me semble-t-il. Le pouvoir d’amender fait partie des droits et prérogatives des parlementaires. C’est indispensable, d’autant que nous n’avons pas beaucoup de possibilités, il faut bien le dire, de faire évoluer les lois. Nous utilisons donc cette faculté d’amender, qui nécessite parfois des décrets, mais je crois que c’est au Gouvernement de tenir compte de ce que vote le Parlement et de prendre les décrets dans les délais qui s’imposent.

J’ai noté, dans le rapport présenté par David Assouline, deux données sur lesquelles il convient de mettre un accent particulier.

Je citerai tout d’abord les taux et délais de mise en application des textes issus de l’initiative parlementaire qui, cela a été dit à plusieurs reprises à cette tribune, sont pour le moins nettement inférieurs à ceux des textes issus du Gouvernement, bien que la réforme constitutionnelle de 2008 ait permis de saines évolutions.

Par ailleurs, et je le note aussi avec beaucoup de regret, le fait que les textes issus du Sénat soient traités de manière moins favorable que ceux qui sont issus de l’Assemblée nationale n’est pas acceptable. Y aurait-il une discrimination à l’encontre du Sénat ? Je ne veux pas le croire, bien sûr.

D’ailleurs, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, lors de l’audition précitée, nous a rassurés, car il a jugé qu’une telle différence était inacceptable. Néanmoins, même si nous avons l’appui du Gouvernement, c’est à nous, sénateurs, de demeurer extrêmement vigilants.

Contrôler l’application des lois, ce n’est pas simplement une affaire de comptabilité, même si cette dernière est indispensable : il faut en effet tenir le décompte des décrets pris et de ceux qui font défaut. Toutefois, le plus important, c’est l’évaluation.

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