Intervention de François Fillon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 août 2014 : 1ère réunion
Situation en irak — Audition de M. Laurent Fabius ministre des affaires étrangères et du développement international

François Fillon, député :

Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'être venu devant nous en ce jour qui est aussi celui de votre anniversaire. Il y avait urgence, en effet, à informer la représentation nationale sur la situation au Proche-Orient, déjà dramatique et qui ne cesse de se dégrader, singulièrement en Irak. Nul doute que, dans ce contexte, l'engagement de la France est absolument nécessaire. Il l'est d'abord en raison de notre mission ancienne de protection des chrétiens d'Orient, que nous devons assumer pour défendre l'un des principes fondateurs de la République, la liberté religieuse et de conscience. Cet engagement est nécessaire aussi parce que nous ne pouvons être indifférents ni au martyre du peuple palestinien à Gaza ni à la sécurité d'Israël, non plus qu'à la déstabilisation des États et des frontières au Moyen-Orient, sous les coups de plus en plus violents des islamistes radicaux, question qui interpelle la communauté internationale dans son entier.

Face à la situation de l'Irak, la France a su réagir : vous avez été le premier ministre des affaires étrangères occidental à vous rendre sur place et notre pays apporte un soutien concret aux combattants kurdes ; nous aimerions d'ailleurs en savoir davantage sur la nature et le volume des matériels que nous leur livrons.

Le Président de la République évoque aujourd'hui dans une interview l'organisation d'une conférence internationale appelée à traiter de la menace que représente l'État islamique en Irak et au Levant. Nous soutenons cette idée. Saddam Hussein n'avait pas d'arme de destruction massive ; il en est une aujourd'hui en Irak : l'EIIL. Cela justifie la mobilisation de la communauté internationale. Il faudra en particulier trouver le moyen d'associer la Turquie et l'Iran à la conférence ; sans leur participation, elle n'aurait pas grand sens. Quels contacts avez-vous avec ces deux pays ? La conférence devrait d'autre part permettre la nécessaire clarification de la position du Qatar et de l'Arabie saoudite, dont chacun sait qu'ils alimentent pour partie certains des combattants.

Ma famille politique soutiendra les initiatives que le Gouvernement prendra pour organiser cette conférence. La voix de la France porte ; plus elle est entendue, plus les chances augmentent que la réunion se tienne.

Si la France a été réactive face au sort des chrétiens d'Irak, on ne peut en dire autant de l'Union européenne. C'est pourquoi Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé et moi-même avons appelé il y a quelques jours à la réunion immédiate d'un Conseil européen extraordinaire consacré à cette question. La gravité de la crise demande une prise de position commune et forte des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne, et en particulier un engagement de l'Allemagne. Je ne suis pas de ceux qui critiquent la politique économique allemande. En revanche, je trouve matière à une critique de plus en plus vigoureuse d'une absence d'engagement sur des sujets internationaux qui concernent pourtant l'avenir de l'Europe, en laissant toute la responsabilité et tout le poids politique, militaire et financier aux autres États, la France et le Royaume-Uni en particulier. Je maintiens qu'un Conseil européen extraordinaire est nécessaire. Certes, un Conseil est prévu le 30 août mais, outre que c'est bien tard, il y a toutes chances pour que l'ordre du jour de cette réunion soit dominé par la question des nominations au sein de l'exécutif européen, si bien qu'une nouvelle fois l'Europe donnera le sentiment à l'opinion publique d'être plus préoccupée par son organisation interne que par l'état du monde.

J'aurais aimé m'en tenir au soutien que nous apportons à vos initiatives en Irak, mais je tiens à dire un mot sur la surprenante interview donnée aujourd'hui par le Président de la République au journal Le Monde. On y lit que si l'on avait bombardé les forces armées syriennes, les islamistes n'auraient pas leur puissance actuelle. Au passage, si, comme il est dit, il fallait associer la France aux frappes américaines en Syrie lorsque cette éventualité a été envisagée, pourquoi la question ne se pose-t-elle plus maintenant ? On apprend aussi que l'on a gagné la guerre au Mali, contrairement à ce qui s'est passé en Libye. Cette étrange comparaison laisse entendre qu'il aurait fallu déployer des troupes françaises au sol en Libye, une décision dont chacun mesure l'extraordinaire danger. On y lit enfin que le budget de la défense a été préservé, ce qui est faux - je l'ai démontré lors du débat sur la loi de programmation militaire.

En cet été de tous les dangers, il y a lieu de se féliciter de la mobilisation de la France en Irak. En revanche, l'interview du président de la République laisse transparaître une autosatisfaction que je ne partage pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion