Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'être venu devant nous. Tout en saluant le travail du Gouvernement français, on a le sentiment d'une grande impuissance. La situation à Gaza, en Irak, en Syrie, en Libye et en Ukraine reflète le fiasco de la diplomatie. La communauté internationale est incapable de relever le défi qui se pose à elle après le chaos politique provoqué par l'invasion américaine de l'Irak. Ceux que l'on aurait pu aider d'emblée à combattre le régime de Bachar Al-Assad - qui a contribué, comme vous l'avez justement rappelé, à nourrir dès le berceau l'État islamique - ont été abandonnés. Les images diffusées par les chaînes de télévision suscitent l'effroi, et les armes que nous livrons aux peshmerga sont destinées à protéger non seulement les chrétiens d'Orient mais aussi les yézidis, minorité de culture zoroastrienne. Or les yézidis se plaignent que les peshmerga se sont enfuis lors des attaques menées par l'État islamique dans les massifs du Sinjar, les abandonnant à leur sort.
Sur le plan politique, que la communauté internationale fournisse des armes aux peshmerga me paraît être la moindre des choses, et je me féliciterais que l'Allemagne sorte de sa neutralité et contribue à cette aide avec le reste de l'Union européenne. Mais le Kurdistan s'étend aussi en Syrie et en Turquie. La question se pose de savoir s'il y aura un Kurdistan autonome ou indépendant. C'est dire que l'on ne peut envisager une conférence internationale qui se tiendrait sans la participation de la Turquie et sans que des discussions s'ouvrent, aussi, avec l'Iran qui alimente Bachar Al-Assad, responsable de 170 000 morts en Syrie.
Quel rôle la France et l'Union européenne peuvent-elles jouer dans la définition d'une solution politique globale ? Je suis de ceux qui pensent que nous n'avons pas à participer aux frappes aériennes américaines. Les États-Unis ont déjà déclenché le chaos en Irak, et nous n'avons pas à nous associer à une nouvelle entreprise non conforme au droit international.
C'est aussi l'État de droit que nous devons défendre en Ukraine. Pourtant, nous avons baissé les bras devant l'annexion de la Crimée, alors même que la communauté internationale avait défini des frontières considérées comme intangibles à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Comment pouvons-nous agir pour inciter la Russie, qui n'est pas seulement représentée par M. Poutine, à adopter une politique en quelque sorte équidistante de l'Asie et de l'Europe au lieu, comme le fait son président, d'exalter le nationalisme ?
Enfin, il faut en finir avec l'amalgame par lequel on assimile ceux qui prennent la défense des populations civiles de Gaza contre l'État d'Israël à des antisionistes ou à des antisémites. Nous sommes une immense majorité en France à reconnaître le droit d'Israël à des frontières sûres et protégées. Mais la politique constante de notre pays, depuis le général de Gaulle, est aussi de soutenir le peuple palestinien et son droit à une existence digne dans un État de droit. Ce n'est pas faire offense aux Israéliens de le dire. Ce qui est en cours n'est pas une guerre religieuse mais une guerre coloniale, une guerre de territoire qui appelle une solution exclusivement politique.