« Monsieur le président, mesdames, messieurs, il est rare sous la Ve République, à cinq mois d’un précédent vote, de solliciter à nouveau la confiance du Parlement. C’est pourtant ce que je fais, aujourd’hui, en me présentant devant vous.
« Avec le Président de la République, nous avons fait ce choix exigeant, dès la constitution du nouveau gouvernement. Car la clarification apportée au sein de l’exécutif devait trouver sa traduction ici même, à l’Assemblée nationale, par respect à votre égard, par respect pour le peuple français, par respect de l’éthique de responsabilité qui m’anime.
« Dans ce moment de vérité pour la France, je viens, avec mon équipe gouvernementale, rechercher votre confiance pour poursuivre notre action, et cela compte tenu de l’évolution exceptionnelle de la conjoncture économique européenne. Elle se caractérise par une croissance faible et un risque de déflation inquiétant qui remettent en cause nos prévisions les plus raisonnables. J’y reviendrai. Voilà l’exigence que je me suis fixée : la clarté, la cohérence et la vérité vis-à-vis du Parlement et donc des Français.
« Voilà pourquoi le vote de confiance d’aujourd’hui n’est pas un vote banal. C’est un vote déterminant qui engage chacun d’entre nous.
« La gauche gouverne, depuis le 6 mai 2012, depuis que les Français, par leurs suffrages, ont porté à la tête de l’État François Hollande et lui ont donné une majorité, notre majorité. Oui, nous gouvernons ! C’est un honneur. C’est une immense responsabilité. Et l’importance du moment nous oblige, tous ici, à nous hisser à la hauteur des événements.
« Le contexte international est rempli de menaces. La crise en Ukraine et les tensions avec la Russie ramènent l’Europe aux heures de la guerre froide. Cet été, la guerre à Gaza a repoussé encore plus loin les perspectives de paix entre Israéliens et Palestiniens. En Afrique de l’Ouest, les ravages d’Ebola éreintent des États déjà fragiles. Et la Méditerranée est toujours un cimetière pour des milliers de migrants.
« Mais le monde est d’abord confronté à une menace terroriste dont l’ampleur et l'évolution sont inédites. Aujourd'hui même, en Syrie et en Irak, les groupuscules éclatés d'hier sont en passe de s'accaparer des États et l'ensemble des moyens qui vont avec, dans le seul but de démultiplier leur capacité d'action et leur logique de terreur.
« Au moment où je vous parle, 930 Français ou résidents sur notre territoire sont impliqués dans le terrorisme en Syrie et en Irak. Ils représentent, vous le savez, une menace majeure pour la France.
« La France – le chef de l'État, sa diplomatie, ses armées – est pleinement mobilisée pour répondre à ce défi de sécurité, qui est certainement le plus grand de ce début de XXIe siècle. Elle assume totalement ses responsabilités, celles que l'Histoire lui a données, celles d'un membre permanent du Conseil de sécurité. Elle porte assistance aux chrétiens d'Orient et aux minorités victimes de la terreur. Elle travaille à une riposte globale sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur. C'est l'enjeu du plan de lutte contre les filières djihadistes qui vous est présenté en ce moment. C'est aussi l'un des enjeux de la conférence sur l'Irak, organisée hier à Paris.
« Et dans ces moments, face à ces menaces, sur ces sujets, l'unité nationale s'impose. Je ne doute pas un seul instant qu'elle sera au rendez-vous.
« Il y a aussi la crise économique, bien sûr, qui frappe l’Europe et la France depuis six ans. Elle brise toutes les certitudes et alimente tous les malaises : malaise social, malaise démocratique, malaise identitaire. La crise économique ne se résume pas à des chiffres ou à des indicateurs : elle tourmente les vies, les quotidiens, les repères, les familles, les quartiers populaires, les territoires ruraux et les liens qui nous unissent.
« Je comprends les impatiences, les doutes, les colères. Ils sont légitimes quand le chômage atteint des niveaux aussi élevés, et depuis si longtemps.
« Mais face à cela, quelle attitude faut-il adopter ? La fébrilité ? Le virage ? Le zigzag ? Le renoncement ? Non !
« Gouverner, c’est résister. Gouverner, c’est tenir. Gouverner, c’est réformer. Gouverner, c’est dire la vérité. Gouverner, mesdames, messieurs, c’est aller chercher la confiance, surtout quand c’est difficile.
« Je sollicite votre confiance afin de poursuivre notre politique économique. Je sollicite votre confiance, car la politique de mon gouvernement est guidée par les valeurs de la République, des valeurs chères à la gauche – la nation, le principe d’égalité et de justice –, qui s’adressent à tous les Français.
« Gouverner, c’est mener une politique économique adaptée à la réalité du pays.
« Personne n’ignore sur ces bancs que la France et la zone euro font face à une situation exceptionnelle. La croissance ne redémarre pas. Et s’ajoute à cela une quasi-absence d’inflation que personne n’avait anticipée.
« Pour 2014, en ce qui nous concerne, l’inflation très faible de 0, 5 % et une croissance tout aussi faible de 0, 4 % conduiront à des recettes publiques moins élevées qu’attendu.
« Cet été, nous avons fait un choix clair : ni hausse d’impôts ni économies budgétaires supplémentaires. »