Si nous nous montrons faibles face à cette menace, nous encouragerons ces lâches à poursuivre leur œuvre de mort. Nous ne faillirons pas, nous ne tremblerons pas. Face à la menace, face au chantage, la France ne cède pas !
Ce n’est pas notre intervention qui nous expose au terrorisme. Cette menace est présente depuis longtemps, et c'est pour cela que nous agissons et que nous intervenons.
Aider l’Irak, c’est protéger la France, c’est agir pour notre sécurité nationale.
Depuis plusieurs mois, la France a pris l’initiative parce que notre pays a toujours été présent au Moyen-Orient, parce que nous avons des responsabilités et des devoirs envers cette région. Nous en comprenons la complexité, nous examinons la situation dans le détail, avec la profondeur historique d’une vieille nation, en évitant le simplisme et la caricature.
Début août, alors que l’intégrité territoriale de l’Irak était mise à mal, que des minorités étaient menacées et que la situation humanitaire se dégradait, la France a décidé de s’engager : d’abord par une assistance humanitaire, puis par la fourniture d’armes et la formation de combattants.
Ce sont désormais nos avions de chasse qui survolent le territoire irakien, dans un premier temps pour des missions de reconnaissance et, depuis vendredi dernier, pour des opérations de frappe.
Les opérations aériennes en cours sont conduites en plein accord avec les forces armées irakiennes et en coordination avec nos alliés, en particulier les États-Unis et leurs partenaires arabes.
Notre objectif, mûrement réfléchi, est clair et il a été proclamé par le Président de la République. Je le rappelle : nous répondons à la demande de soutien des autorités irakiennes pour affaiblir l’organisation terroriste Daech, car il faut aider les forces de sécurité irakiennes et les combattants kurdes à restaurer la souveraineté de l’Irak.
Cet engagement militaire se traduit par des opérations aériennes sur le territoire irakien. Nous n’engagerons en revanche pas de troupes françaises au sol. Nous resterons impliqués le temps nécessaire, jusqu’à ce que l’armée irakienne ait retrouvé la supériorité face à Daech.
Nous n’agissons pas seuls. L’action de la France s’inscrit dans le cadre d’une coalition politique et militaire. Cette coalition s’est constituée à Paris, lors de la conférence sur la sécurité et la paix en Irak, à l’initiative du Président de la République, le 15 septembre dernier.
J’en viens à la Syrie, où le régime de Bachar Al-Assad continue de semer le chaos qui profite aux terroristes. Le Président de la République l’a rappelé lors de sa conférence de presse de jeudi dernier : la France était prête à prendre ses responsabilités il y a un an, lorsque les preuves d’un usage des armes chimiques par Assad contre son propre peuple ont été rassemblées. On n’en serait certainement pas là, en Syrie, si la communauté internationale était alors intervenue…
Les États-Unis, aidés des principaux pays de la région, ont décidé de mener des opérations contre les fiefs de Daech sur le territoire syrien.
Pour notre part, nous avons fait le choix de nous concentrer sur l’Irak et de continuer à soutenir l’opposition modérée au régime de Bachar Al-Assad. Ces forces d’opposition luttent avec détermination contre les terroristes. Nous sommes résolus, avec nos partenaires, à leur apporter un soutien civil et militaire accru. Nos efforts sont complémentaires, en Syrie, de l’action militaire que mènent les Américains.
Nous l’avons déjà dit et je le répète devant vous : Bachar Al-Assad ne peut absolument pas être un partenaire dans la lutte contre Daech.
L’action militaire répond à l’urgence. Il s’agit d’un combat de longue haleine contre le fanatisme, cette idéologie de mort qui détourne et corrompt le message de l’islam.
Ce combat, ce n’est pas l’Occident contre le Moyen-Orient. Il revient aussi aux pays arabes d’agir ensemble. Ils sont d’ailleurs engagés dans les opérations. Mais, sans un accompagnement de long terme, sans une réponse diplomatique et surtout politique aux causes de la menace, cette action militaire risque d’être vaine.
La conférence internationale qui s’est tenue à Paris a donc constitué une étape importante. Le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, l’a organisée avec beaucoup d’efficacité. Elle a permis de déterminer les grandes lignes d’une stratégie commune et a démontré la mobilisation de vingt-neuf pays et organisations internationales pour soutenir les nouvelles autorités irakiennes engagées dans la reconstruction de l’État irakien et la réconciliation du pays autour d’un gouvernement inclusif.
Les participants se sont entendus pour lutter contre la radicalisation, améliorer le contrôle des frontières, tarir les flux de combattants étrangers et assécher toutes les sources de financement de Daech.
C’est en effet une stratégie d’ensemble qui est nécessaire pour combattre ce terrorisme. L’action militaire n’en est qu’un des aspects.
Ainsi, au-delà de l’engagement militaire, il faut poursuivre les efforts déployés en matière d’aide humanitaire. Les partenaires de cette conférence s’y sont engagés. La France est en première ligne : nous avons déjà envoyé 87 tonnes d’aide. Nous poursuivrons cette assistance, tout particulièrement en direction des minorités, notamment celle des chrétiens d’Orient.
Pour stabiliser la région, le sort des populations déplacées doit également faire l’objet d’une mobilisation internationale. C’est vrai pour l’Irak, c’est vrai pour la Jordanie, c’est vrai pour le Liban, pays ami qui mérite, en cet instant, notre solidarité et notre soutien. Face à l’urgence, nous accueillons des réfugiés ayant un lien avec la France : samedi dernier, Laurent Fabius a ainsi accueilli à l’aéroport de Roissy près de 150 réfugiés irakiens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France assume à nouveau ses responsabilités en agissant pour sa sécurité, ses intérêts et la défense de ses valeurs. À nouveau, en effet, car nos armées restent déployées en Afrique sahélo-saharienne, au Mali, au Tchad et au Niger pour lutter contre le terrorisme dans le cadre de l’opération Barkhane. De même, nos soldats sont engagés en République centrafricaine pour aider à stabiliser ce pays, ainsi qu’au Liban, où nos forces participent à la sécurisation du sud du pays et appuient les forces armées libanaises.
Le Premier ministre l’a dit hier lors de son déplacement en Allemagne : la France agit lorsque sa sécurité est en jeu, mais elle agit aussi pour l’Europe. Cependant, l’Europe ne peut pas remettre sa sécurité à un seul de ses États membres, fût-ce la France. C’est pourquoi nous n’abandonnons pas notre volonté de voir progresser une véritable Europe de la défense.
Tous ces engagements militaires confirment la nécessité de disposer des ressources adéquates pour notre défense et notre sécurité nationales. Le Président de la République a fait le choix de maintenir les crédits de la défense au cours des prochaines années malgré un contexte budgétaire particulièrement difficile. Nous avons traduit ce choix dans la loi de programmation 2014-2019 que vous avez votée l’an dernier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la situation en Irak et au Moyen-Orient a aussi des conséquences majeures sur notre sécurité intérieure. Il s’agit de notre principal sujet de préoccupation au regard de la lutte contre le terrorisme.
Nous devons agir hors de nos frontières, mais nous devons agir aussi sur le sol national parce que les groupes radicalisés constituent une menace chez nous. C’est une menace inédite, qui nécessite un grand sang-froid.
Je veux le dire avec force devant la représentation nationale : la France fait clairement la distinction entre l’islam, qui est la deuxième religion de France en même temps qu’un atout pour notre pays, et l’islamisme, dont le prolongement terroriste, le djihadisme, n’est qu’un message violent, perverti et contraire aux valeurs universelles de l’islam.
La France doit faire face à un défi sans précédent. Vous le savez, près de 1 000 Français ou résidents sont aujourd’hui concernés par les filières syro-irakiennes : 580 d’entre eux combattent ou ont combattu là-bas ; 36 y sont morts ; 189 djihadistes sont revenus de Syrie. Jamais notre pays n’a eu à affronter un tel défi en matière de terrorisme.
Au-delà de ces chiffres, les profils de ces personnes doivent nous interpeller : des mineurs, des femmes, des convertis, des individus jusqu’alors inconnus des services. Ils viennent de lieux divers, de nos quartiers, de nos territoires – y compris ruraux – et aussi d’outre-mer.
Ces mêmes profils, très divers, on les retrouve dans de nombreux pays européens. Le djihadisme violent exerce sur une jeunesse sans repères une fascination qui conduit des individus à la radicalisation et les mène l’action directe. Le parcours de Nemmouche, l’assassin du musée juif de Bruxelles, en est un terrible exemple.
Il nous faut être implacables dans la lutte contre le terrorisme. C’est pourquoi, dès décembre 2012, une première loi antiterroriste a renforcé la lutte contre le cyber-djihadisme et facilité la répression de l’incitation à la haine et à la violence terroriste sur internet. Elle a aussi prévu la possibilité de sanctions pénales contre les terroristes français ou résidents dont les actes étaient tous commis à l’étranger.
Ce travail s’est poursuivi et enrichi avec le plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes présenté en avril dernier par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et le projet de loi adopté le 18 septembre par l’Assemblée nationale, à la quasi-unanimité, texte qui va bientôt être examiné par la Haute Assemblée.
Vous en connaissez les quatre objectifs principaux : prévenir et contrarier les départs ; mieux lutter contre la diffusion de la propagande terroriste, notamment sur internet ; prendre en compte les nouveaux modes opératoires des terroristes, en particulier ceux qui agissent seuls ; enfin, doter la justice et les services de police de moyens d’investigation adaptés à la menace et à ses évolutions.
En complément de ces mesures, le Gouvernement est engagé dans une démarche visant à lutter contre les phénomènes d’endoctrinement et de radicalisation et à accompagner les familles qui y sont confrontées.
À ce stade, je tiens à rappeler que, dans le cadre de la lutte contre les filières terroristes vers la Syrie, 114 individus ont été interpellés, 78 ont été mis en examen et 53 ont été incarcérés au cours des derniers mois. Des départs de combattants, y compris de mineurs, ont été empêchés et plusieurs projets d’attentat sur notre territoire ont été déjoués.
Comme vous le savez, trois djihadistes présumés venant de Turquie sont arrivés hier sur le sol national. Ils sont maintenant à la disposition de la police. Le ministre de l’intérieur s’est exprimé à ce sujet et aura l’occasion d’y revenir très prochainement. Mais cette affaire, je dois vous le dire, ne s’est pas déroulée comme il aurait fallu.