Très attachés à leur modèle de protection sociale, les Français tiennent, en ces temps de crise, à ce que la solidarité nationale soutienne ceux qui en ont le plus besoin. Pour que nos concitoyens continuent à adhérer à ce système, nous devons le moderniser tout en réduisant les déficits.
L'efficacité et la justice sont essentielles : l'efficacité, pour maîtriser nos dépenses, mais aussi pour s'adapter à l'évolution des besoins ; la justice, pour mieux répartir les efforts, comme pour mettre en oeuvre nos politiques de solidarité et de protection sociale.
Deux ans et demi après notre arrivée au pouvoir, les résultats sont là, malgré une conjoncture économique difficile. En 2014, nous stabilisons le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et nous le réduisons même de 800 millions sur l'ensemble des régimes obligatoires de base. Si les recettes n'ont pas été au rendez-vous, nous avons strictement tenu nos objectifs de dépenses : il n'y a pas de dérapage, malgré l'augmentation significative du poste des médicaments en raison de l'arrivée d'un médicament très efficace contre l'hépatite C.
Nous préservons nos ressources en 2015 : conformément aux engagements pris lors de l'examen du projet de loi de financement rectificative, l'Etat compensera intégralement à la sécurité sociale les pertes de recettes dues aux exonérations de cotisations prévues dans le pacte de responsabilité.
Des réformes structurelles ont accru l'efficacité et la justice de notre modèle social : ainsi, pour les retraites, la loi de janvier dernier consacre des droits nouveaux, comme le compte pénibilité, mesure dont les décrets d'application ont été publiés vendredi dernier et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2015. La surenchère des représentants du patronat est inutile : après avoir obtenu que ce compte soit mis en oeuvre en deux temps, à compter du 1er janvier 2015 pour quatre critères de pénibilité, et du 1er janvier 2016 pour six autres critères, je m'étonne que le président du Medef exige le retrait de ce dispositif...
Avec la réforme des retraites, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) retrouvera l'équilibre en 2017, sous réserve que les hypothèses économiques retenues se réalisent.
Pour 2015, le déficit des régimes de retraite de base et du FSV se réduira d'un milliard. Ce redressement financera des mesures de justice comme la revalorisation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) à 800 euros depuis le 1er octobre ou le versement d'une prime exceptionnelle de 40 euros dans les premiers jours de février.
Le projet met en oeuvre à la fois des mesures structurantes pour l'assurance maladie que je présenterai demain en conseil des ministres avec le projet de loi relatif à la santé, et des mesures d'économie que j'ai présentées voilà plusieurs mois. Il ne s'agit pas d'opposer économies et réorganisation, car efficacité et justice sont indissociables.
L'Ondam progressera en 2015 de 2,1 % : comme la population augmente et vieillit et que le coût de l'innovation est élevé, cela représente un effort d'économie de 3,2 milliards pour 2015 et de 10 milliards pour les trois prochaines années. Les dépenses de santé sont structurellement dynamiques. Les objectifs d'évolution que nous fixons, historiquement bas, supposent une mobilisation inédite. A ceux qui prétendent que les économies annoncées seraient faciles à réaliser, je rappelle que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a indiqué que pour tenir les objectifs, « un pilotage particulièrement exigeant sera nécessaire ».
J'ai fixé quatre orientations structurelles pour réaliser ces économies. Nous devons, tout d'abord, garantir un usage pertinent des soins et éviter les actes inutiles ou redondants. En 2015, nous attendons près de 1,2 milliard d'économies à ce titre. Afin d'accompagner les établissements de santé sur cette voie, nous prévoyons une incitation financière afin d'améliorer la qualité des soins.
Deuxième axe : nous allons agir sur le prix des produits de santé et sur le développement des génériques. Nous attendons de ces mesures 1,1 milliard d'économies. Cet objectif donne de la visibilité aux industriels. Nous visons la stabilité des dépenses de médicaments entre 2015 et 2017. Nous ne procéderons pas à une baisse uniforme des prix et continuerons à soutenir l'innovation en nous appuyant sur le service médical rendu. Nous voulons développer les génériques en incitant les médecins, en ville comme à l'hôpital, à les prescrire et en renforçant la confiance du public. Je présenterai prochainement un plan « génériques ».
Le nouveau traitement de l'hépatite C est avant tout une excellente nouvelle de santé publique. Je souhaite que tous ceux qui doivent bénéficier de ce traitement y aient accès. Il nous faut prendre des mesures dès 2014, parce que des centaines de millions sont en jeu. Nous proposons un mécanisme de régulation applicable aux seuls médicaments de traitement de l'hépatite C : il ferait supporter un éventuel dépassement de l'enveloppe de traitement de cette maladie aux laboratoires concernés, sans le moindre contingentement pour les patients. Nous ne pouvons laisser l'assurance maladie soutenir durablement le niveau de dépenses enregistré depuis quelques mois et d'autres acteurs du secteur de la santé n'ont pas à assumer les dépassements financiers dus à ce seul poste de dépenses.
Le troisième axe d'économies passe par l'amélioration de la dépense hospitalière. Plus de 500 millions sont attendus de l'optimisation des achats hospitaliers et de la mutualisation de fonctions autres que les soins. Le projet de loi relatif à la santé prévoit ainsi la mise en place de groupements hospitaliers de territoire.
Enfin, nous engageons le virage ambulatoire ou révolution du premier recours, pour améliorer la prise en charge tout en maîtrisant les dépenses. Cet effort, qui dégagera près de 400 millions d'économies en 2015, s'amplifiera dans les années à venir. Un financement spécifique pour les hôpitaux de proximité confortera la coordination entre ville, hôpital et médico-social. Le pacte territoire-santé favorisera l'installation des médecins en zone sous-dense. En 2013, le congé maternité a été pris en charge pour les médecins généralistes qui s'installent dans ces secteurs. Ce dispositif incitatif donnant des résultats, nous allons l'étendre à d'autres médecins, y compris des spécialistes.
Le choix du renforcement des soins primaires de premier recours se traduit par un taux de progression de l'Ondam des soins de ville à 2,2 %, soit plus que l'Ondam hospitalier (2 %).
En dépit de ce cadre contraint, nous continuons à investir dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes en situation de handicap. Aux 145 millions au titre des plans passés, nous ajoutons 21 millions pour le plan autisme. Nous investissons dans les unités de consultation en ville pour garantir l'accès aux soins courants des personnes handicapées.
Nous poursuivrons le financement des plans « grand âge » et « Alzheimer » et renforcerons le niveau d'encadrement en soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à hauteur de 100 millions.
Avec Laurence Rossignol, nous vous présenterons prochainement le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement. En 2015, les dépenses de prise en charge renforcée de la perte d'autonomie seront limitées du fait du calendrier d'adoption et de mise en oeuvre de cette réforme. Toutefois, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), destinée à financer cette réforme, sera bien affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La part des ressources non consommée en 2015 servira à la prise en charge de la perte d'autonomie et ira à un plan pluriannuel d'aide à l'investissement.
Dans le cadre de conventions d'objectifs et de gestion, les crédits de prévention du régime général vont progresser entre 2015 et 2017. Les moyens de la prévention bucco-dentaire augmenteront, ainsi que ceux consacrés au dépistage des cancers, du VIH et des maladies sexuellement transmissibles. En outre, l'assurance maladie prendra en charge les vaccins dispensés dans les centres de vaccination dans les mêmes conditions que les vaccins réalisés en ville afin d'aider ces centres à développer leur activité de vaccination gratuite.
Ce texte démontre mon engagement en faveur de l'accès aux soins pour tous. Depuis deux ans, j'ai systématiquement refusé tout transfert de charges vers les patients : il n'y a eu ni déremboursement, ni forfait, ni franchise. Ce choix se traduit dans les chiffres : la part de dépenses de soins à la charge des ménages a reculé de 9,2 % en 2011 à 8,8 % en 2013 - le chemin inverse de celui suivi par la majorité précédente. Nous poursuivrons dans cette voie avec la mise en place du tiers payant intégral au 1er juillet 2015 pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS).
Certains diront que le gouvernement n'aime pas la famille. Pourtant, cette branche a bénéficié de 2,2 milliards de plus en deux ans, dont un milliard pour les prestations familiales. Nous avons revalorisé de 25 % l'allocation de rentrée scolaire qui bénéficie à 3 millions de familles ; nous avons engagé l'augmentation de 50 % du complément familial qui profite à 385 000 familles de trois enfants ou plus ; nous avons accru de 25 % l'allocation de soutien familial, qui va à 737 000 familles monoparentales ; nous avons relevé le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et de l'ACS.
Nous préservons le pouvoir d'achat des familles : les mesures que nous présentons ne valent que pour l'avenir, pour des prestations ou des majorations de prestations que les familles ne perçoivent pas aujourd'hui. D'ailleurs, nous revaloriserons en avril 2015 les prestations familiales pour tenir compte de l'inflation.
Nous souhaitons également favoriser l'articulation entre vies professionnelle et familiale, condition de l'émancipation individuelle et de l'égalité entre femmes et hommes. Avec Laurence Rossignol, nous voulons créer 275 000 solutions d'accueil supplémentaires pour que les parents restent professionnellement actifs. Pour soutenir les familles les plus modestes, nous rééquilibrerons les aides en fonction du niveau des revenus, d'où la modulation du complément du mode de garde en fonction des ressources avec une quatrième tranche. Enfin, nous entendons préserver l'universalité de la politique familiale en garantissant un soutien à toutes les familles.
Les efforts que nous demandons réduiront résolument le déficit qui se monte encore à 2 milliards. Nous voulons maîtriser les dépenses en réorganisant notre modèle social qui doit rester très protecteur afin de venir en aide à tous : l'adhésion à ce modèle passe aussi par le fait que chacun sache qu'il peut compter sur notre système de soin en cas de besoin.