Nous partageons l'analyse de la Cour des comptes sur l'absence de cadrage stratégique des CPER 2007-2013 : il s'est plutôt agi d'une liste de courses, d'un catalogue de projets apportés par chacun des partenaires et consolidés dans un document. Ce n'était pas une nouveauté, du reste. Le passage sémantique du « plan » au « projet » aurait pu expliquer ce phénomène si les générations précédentes n'avaient eu les mêmes caractéristiques. Les présidents de région regrettent que les mandats de négociation des préfets soient très précis, leur laissant une marge très faible. Avant d'être rassurés par le Premier ministre la semaine dernière, nous n'avions pas le sentiment que ces mandats seraient plus souples cette fois-ci. Notre espoir est que le futur schéma régional d'aménagement et de développement durable des territoires, dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ait un caractère prescriptif et opposable, et serve alors de cadre de réflexion stratégique. Cela risque d'être un peu tard pour 2015-2020, mais sera opérationnel pour la génération suivante.
Les CPER ont surtout servi à financer des projets de l'État, qui plus est des rénovations ou des mises aux normes relevant de l'investissement de droit commun et que l'État a cherché à faire cofinancer. En revanche sur les questions sanitaires et sociales, il a refusé des opérations.
Il semble aussi que, pour arriver à un total de 12,7 milliards d'euros, qui se rapproche des 15 milliards d'euros mis par les régions, l'État ait apporté des projets dont l'intérêt stratégique était tout relatif. L'articulation des financements de l'État et ceux de ses opérateurs, notamment l'Ademe et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), n'a pas toujours été claire. Les deux catégories ont été soigneusement mêlées... Enfin, certaines avances de fonds consenties par les régions à l'État n'ont jamais été remboursées !
Par ailleurs, le télescopage fréquent des plans thématiques ou sectoriels comme le plan campus ou le plan rail, avec les CPER a nui à la bonne articulation des différentes politiques publiques et à la lisibilité des CPER. Le problème risque de se poser à nouveau. Le Premier ministre a récemment indiqué qu'une partie des investissements d'avenir serait gérée au niveau régional à titre expérimental, mais cela ne porte que sur 10 millions d'euros environ, et un nombre de régions limité. Il n'y a pas, non plus, eu de réelle articulation entre les fonds européens et les CPER. Les régions étant les autorités de gestion du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et d'une partie du Fonds social européen (FSE), des améliorations en ce domaine sont possibles, d'autant plus que le calendrier d'utilisation de ces fonds est à peu près cohérent avec celui des CPER - sur ce point, je nuancerai les propos de Jean-Luc Lebuy, le décalage d'un an n'est pas inquiétant, car les grosses opérations sont forcément lancées avec un certain délai.
Le volet territorial a fait l'objet d'un saupoudrage révélant l'absence de réflexion stratégique. Parfois, je le répète, l'État y a intégré des investissements de droit commun, par exemple dans l'assainissement. Les crédits qu'il apportait étaient beaucoup plus faibles que ceux qu'y consacraient les régions - dans un rapport de un à dix.
Enfin, le suivi stratégique des CPER a beaucoup pâti de la prévalence d'une approche thématique, en silo ; et du manque de dialogue avec les collectivités infrarégionales. La mise en place de Presage a été compliquée par des retards dans la mise au point, un manque de dialogue avec les régions et la nécessité d'une double saisie. La qualité du suivi s'en ressent. Pour l'installation de Synergie, obligatoirement utilisé pour la gestion des fonds européens, le dialogue entre les régions et le CGET a été plus efficace. L'articulation entre les CPER et les fonds européens sera donc meilleure.
En conclusion, les régions considèrent que les CPER sont utiles, notamment parce qu'il existe encore sur les territoires des compétences partagées par les régions et l'État. Lorsque la décentralisation aura été menée à son terme, ils le seront moins. Pour que les CPER fonctionnent bien, il faut une stratégie nationale et une stratégie régionale distinctes. L'État déconcentré doit disposer de réelles marges de négociation, et les projets doivent être choisis dans une logique partenariale et non imposés d'en haut. Un dialogue de qualité avec toutes les collectivités territoriales est indispensable. Les modalités de financement doivent être clairement contractualisées. Enfin, une évaluation s'impose, notamment à mi-parcours. Une clause de revoyure est prévue en 2016-2017 pour tenir compte de la fusion des régions.
Nous n'avons pas encore eu connaissance du contenu du rapport de la Cour des comptes. Il me semble toutefois que les présidents de région n'en désapprouveront pas les conclusions.