La FNCC est une fédération responsable, qui travaille sur un consensus dynamique. Nous ne sommes pas dans la posture qui consiste à établir un catalogue de propositions. Pourquoi ? Car notre démarche n'est pas inscrite, elle est contrariée. On nous presse, on nous oblige. Nous ne sommes pas dans une démarche visant à réfléchir et à innover ensemble. Chacun se replie sur son territoire et ses prérogatives, du fait de l'absence de confiance. C'est à cette lumière qu'il faut voir les propositions de l'ARF, qui considère que la meilleure manière de préserver la culture est d'en confier une part croissante de responsabilité aux régions. C'est une manière de voir les choses sur laquelle il ne faut pas jeter l'anathème. Il faut également le considérer comme la réaction à un État qui ne se pose pas la question du bien-fondé et de la pérennité de l'investissement dans la culture.
C'est à vous, législateur, de rappeler qu'il existe une autre manière de faire les choses. Pour répondre à l'exemple de M. Leleux, je ne connais aucun théâtre vide en France. S'il fallait faire en sorte que chacun aille au théâtre, il s'agirait d'en construire dans chaque ville, dans chaque quartier. Or, on voit très bien qu'il ne s'agit pas de la politique actuelle.
Faisons le véritable diagnostic. Il nous faut partir de la réalité, telle qu'établie par le récent rapport de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) ou l'étude d'E&Y commandée par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). Le constat est celui d'une insuffisance de culture, par d'une surabondance.
Nous ne connaissons pas encore une équité territoriale, il est donc inutile de donner des leçons aux collectivités territoriales sur l'utilisation de l'argent public. Le débat est-il sérieux ? Part-il d'un diagnostic réel ? Pensons-nous que les collectivités territoriales françaises, dans leur diversité d'approches culturelles, ont joué leur rôle ? Il est utile d'observer ce qui est fait dans les autres pays d'Europe.
Mme Blandin parlait du citoyen, témoin des politiques mises en oeuvre. Nous avons certes dû faire face à la pression du marché, des industries culturelles, mais l'on ne peut nier que nous avons investi dans des politiques définies pour être à son service. Prenons l'exemple des maires ruraux de France, dont le congrès a lieu en fin de semaine. Avec de petits moyens, ces derniers ont réussi à faire des choses formidables. On parle de désert culturel, mais il résulte davantage d'un problème d'équité territoriale que de responsabilité des collectivités. J'aimerais également évoquer les conseils généraux : même dans un département très urbanisé comme le mien, le conseil général joue un rôle essentiel et a mené, et pas seulement d'un point de vue financier, des politiques culturelles importantes. Qui va mener cette action si nous n'avons plus la possibilité de développer ensemble une politique s'appuyant sur la présence des artistes dans les territoires ? Ce diagnostic est nécessaire pour faire une loi si l'on souhaite une plus grande efficacité de l'argent public. Prenons enfin l'exemple de Marseille Provence 2013, dont je préside le comité d'évaluation. La coopération née de cette ambition a offert une opportunité de faire, de construire, malgré la question des métropoles, qui a pourtant freiné un certain nombre de projets.
À la lumière de ces exemples, j'affirme que la FNCC n'est pas pour le statu quo. Non seulement parce que la démocratisation est à bout de souffle, mais aussi parce que la culture n'est pas que dans la culture car elle constitue une dimension transversale de la politique publique. Il convient désormais de changer de paradigme : la question n'est plus celle du « 1 % culturel », mais plutôt de la dimension culturelle des politiques publiques. Nous sommes les seuls à avoir fait une déclaration politique très forte sur les droits culturels. Mais lorsqu'on évoque les droits culturels avec les artistes, ils n'apprécient évidemment pas cette approche car la culture est une profession sinistrée.
Notre pays peut s'enorgueillir des belles réalisations qui le démarquent de ses partenaires européens. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons construit, même dans un petit village tel que Gargilesse, une commune de 300 habitants. Notre désir est de continuer à travailler avec les associations, sur le terrain, plutôt que d'agir en réaction à l'État. Cependant la difficulté est que nous sommes aujourd'hui soumis à la contrainte et il est difficile d'être inventif dans un cadre aussi contraint. Sachons prendre nos responsabilités.
En outre, nous ne sommes pas favorables à un transfert des DRAC car nous ne pouvons tolérer un démantèlement de l'État. Si nous faisons l'inventaire de ces directions régionales, nous pouvons dire qu'elles sont essentielles même si aujourd'hui nous n'avons plus la même relation avec elles en raison du poids des questions normatives qu'elles doivent gérer. Il faut redonner du sens aux DRAC, en gardant à l'esprit qu'il existe déjà 400 000 normes dans notre pays et qu'il est temps de cesser de contraindre l'action publique. Permettez-moi d'évoquer la compagnie Ilotopie que dirige Bruno Schnebelin. Lorsque ce dernier formule une proposition, il intègre dans son travail artistique toutes les contraintes normatives de l'État.
Pour ce qui concerne la question de chef de file, il convient de se demander s'il est bien utile d'écrire noir sur blanc la répartition des compétences, plutôt que de la définir de façon pragmatique dans le cadre de projets partagés. D'ailleurs, cette approche existe puisque dans certains territoires, la région exerce la compétence du cinéma. Faut-il inciter à définir un cadre pour chaque projet plutôt que de l'imposer de façon définitive ? Faut-il le faire par la loi ? En tout cas, il ne me semble pas positif de créer une norme qui impose les choses de manière définitive. Mais il est vrai que la question du patrimoine nécessite une vraie politique et les régions pourraient en être responsables pour partie. Laissons aux régions l'opportunité de se coordonner sans procéder par injonction. Gardons la liberté, pour les élus des petites communes ou d'intercommunalités, de mener des politiques publiques décidées avec la population, pour ne pas retomber dans la même vindicte que celle de l'État. Nous n'avons pas besoin de nouvelles normes pour contraindre mais plutôt pour agir. La FNCC transmettra rapidement un document de travail avec des propositions concrètes pour construire un projet avec les autres associations d'élus.