Intervention de Anne-Marie Descôtes

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 octobre 2014 : 2ème réunion
Audition de Mme Anne-Marie deScôtes directrice générale de la mondialisation du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et du développement international

Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) :

Je vous remercie de votre invitation à présenter un état des lieux de notre diplomatie culturelle et d'influence dont les crédits sont inscrits au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». Elle s'inscrit dans la perspective de diplomatie globale et de développement international promue par le ministre. Notre réseau de coopération et d'action culturelle, nos opérations comme l'AEFE, Campus France, l'Institut français ou Atout France, nos instruments d'intervention, notamment en matière d'attractivité universitaire, sont pleinement mobilisés en vue de contribuer au redressement économique de notre pays. Comme l'a rappelé le ministre lors de la dernière Conférence des ambassadeurs, il s'agit pour nous d'une priorité.

Pour entrer dans le vif du sujet du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, je commencerai par un point sur l'évolution de nos moyens. La principal innovation du programme 185 tient au transfert de la subvention pour charge de service public d'Atout France vers le programme avec la création d'un action dédiée au « développement du tourisme » dotée de 30 millions d'euros auxquels s'ajoutent 3,8 millions pour financer la mise à disposition de 38 agents. Cette subvention représente la moitié du budget d'Atout France, l'autre moitié venant des collectivités locales en vue de réaliser des opérations de promotion touristique. Atout France est un groupement d'intérêt économique (GIE) de 400 agents avec un réseau de bureaux présents dans 32 pays qui doit trouver à s'articuler avec notre réseau diplomatique.

Les moyens alloués à l'attractivité et à la recherche (106 millions d'euros) ainsi qu'à la coopération culturelle et au français (67 millions) sont stabilisés en PLF 2015 après d'importantes baisses en 2013 et 2014.

Au titre de la contribution à la réduction des déficits publics, les subventions aux opérateurs sont réduites de 2 % selon la norme interministérielle définie par la direction du budget. Le ministre étudie d'ores et déjà les mesures de mise en oeuvre de ces économies avec les trois établissements concernés (AEFE, Institut français et Campus France). Cette baisse apparaît supportable et doit permettre à ces opérateurs de disposer du temps nécessaire à la recherche de cofinancements.

Au total, le programme 185 est arrêté à 668 millions d'euros soit une augmentation de 3,5 % par rapport à 2014. Cette évolution recouvre le transfert de la subvention à Atout France. Hors ce transfert, le programme est en diminution de 1,8 % seulement par rapport à 2014.

Les effectifs de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats sont également relativement préservés à hauteur de 2 910 équivalents temps plein (ETP) pour ceux relevant du plafond d'emplois ministériels, en baisse de 73 ETP soit -2,5 % et à 3 489 ETP pour les agents de droit local des établissements à autonomie financière, avec une mesure d'abattement technique des emplois vacants de 75 ETP, sans impact sur les effectifs réels. Au total, le réseau de coopération et d'action culturelle comptera 6 399 agents en 2015, tous statuts confondus. Le programme 185 est un instrument essentiel de notre diplomatie globale : il nous permet de mener à bien et en synergie nos diplomaties économie et culturelle.

Notre diplomatie économique s'appuie sur tous les instruments du ministère (lobbying économique et politique, politique des visas, influence culturelle, bourses et stages, expertise internationale), mis au service des entreprises avec pour objectif de redresser le commerce extérieur et d'attirer les investisseurs internationaux en France.

Le ministère s'organise en conséquence avec en particulier la direction des entreprises et de l'économie internationale créée en mars 2013, qui vient d'être renforcée d'un pôle en charge du tourisme. Ce dispositif est aujourd'hui complété par la nomination d'un secrétaire général adjoint du ministère, en charge des affaires économiques, qui jouera un rôle d'impulsion de la diplomatie économique et mobilisera l'ensemble des acteurs concernés. Il s'appuiera sur des directeurs adjoints chargés plus particulièrement des questions économiques au sein des directions géographiques. Enfin, le ministère des affaires étrangères et du développement international exerce désormais avec le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique la cotutelle sur les deux opérateurs économiques Atout France et Ubifrance.

Notre diplomatie économique vise à promouvoir le territoire français auprès des investisseurs étrangers, en lien avec les outils des services économiques de l'agence française pour les investissements internationaux (AFII). Les ambassadeurs sont les relais au plus haut niveau des investisseurs et nouent des relations étroites avec ces derniers. La diplomatie économique doit également contribuer à attirer les touristes étrangers en France. Au niveau mondial, le secteur du tourisme représente un important gisement de croissance. La France doit rester la première destination touristique au monde avec pour objectif d'accroître les recettes liées au tourisme.

Notre diplomatie culturelle ou d'influence demeure un axe central de notre action : elle s'appuie sur un réseau culturel à l'étranger qui reste l'un des plus importants au monde, des opérateurs créés, pour certains d'entre eux, il y a quelques années seulement mais qui ont fait leur preuve ou encore des instruments financiers comme les bourses qui demeurent pertinents dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

S'agissant de notre réseau culturel à l'étranger, vous savez qu'il a fait l'objet en 2013 d'une étude approfondie menée par la Cour des Comptes et prolongée par un rapport d'information de l'Assemblée nationale. Les 17 propositions qui y figurent font l'objet d'un suivi attentif et d'échanges nourris, qu'il s'agisse d'une meilleure définition des priorités, de la modernisation des outils ou encore du pilotage. Ce réseau culturel étant au coeur des missions de notre diplomatie globale, sa cartographie continuera d'évoluer en 2015. Nous le réorganisons en fonction de zones et de thématiques (diplomatie économique, climat, gouvernance prioritaire). Il est allégé dans les postes de présence diplomatique à format resserré et certaines antennes, dont la plus-value restait à démontrer, sont fermées. Cette rationalisation connaît également une nouvelle étape dans les pays à grands réseaux. Dans un contexte budgétaire contraint, l'évolution de cette cartographie du réseau est indispensable afin de répondre de manière toujours plus efficace aux objectifs fixés par nos autorités politiques.

L'adaptation de notre réseau concerne également celui des 27 instituts français des recherches à l'étranger (IFRE), placé sous la double tutelle du ministère et du CNRS. Ce dispositif représente un budget consolidé de 25 millions d'euros et compte 146 personnels expatriés. Le rôle de ces instituts est important : ils contribuent à la production de connaissances sur des terrains de recherche jugés stratégiques ; ils forment par la recherche des spécialistes français de ces régions ; ils participent grâce aux partenariats qu'ils nouent à notre politique d'influence.

Pour autant, le comité d'orientation stratégique des IFRE a estimé cette année que leurs performances pouvaient encore être améliorées, dans le sens d'une meilleure capacité d'anticipation des événements politiques, économiques et sociaux et d'une plus grande visibilité de leur production scientifique. Nous avons également constaté que ce réseau devait évoluer pour optimiser des ressources scientifiques et humaines.

Ainsi, la réforme aujourd'hui envisagée par le ministère vise notamment à mieux cibler les missions de recherche de ces IFRE sur des thématiques pour lesquelles ils peuvent apporter une véritable expertise : cela implique en particulier de mener des actions stratégiques au sein des conseils scientifiques et un travail plus fin sur les profils des chercheurs à recruter. Il importe également d'ouvrir ce dispositif à d'autres partenariats, notamment avec les universités et de rationnaliser progressivement la cartographie de ces établissements.

Concernant le fonctionnement même du réseau, j'appelle en particulier votre attention sur l'actuelle remise en cause de l'autonomie financière des établissements à autonomie financière (EAF) créés par la loi de finances de 1974, qui dérogent aux principes d'unité et d'universalité budgétaires. Le procureur près la Cour des comptes a en effet demandé au ministère d'examiner les pistes d'une régulation de ce statut dérogatoire à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La solution technique proposée par le ministère de l'économie serait de créer un fonds de concours pour chaque EAF ce qui reviendrait à alourdir sensiblement la charge de travail. Le ministre a écrit en juillet dernier au secrétaire d'État au budget pour demander le maintien de ce dispositif. Cette autonomie financière est en effet essentielle au dynamisme du réseau culturel qui s'autofinance à hauteur de 66 % et sert à construire des partenariats dans les domaines de la culture, de la francophonie et de l'attractivité.

S'agissant de nos opérateurs d'influence, je souhaite m'arrêter un instant sur l'Institut français (IF), aujourd'hui dans une phase de transition après la décision d'octobre 2013 de ne pas lui rattacher le réseau de coopération et d'action culturelle et la perspective du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour les années 2015 à 2017. Durant cette phase, le président Xavier Darcos a accepté de voir son mandat prolongé jusqu'à la fin de l'année 2014.

Le bilan de ces premières années est tout à fait positif, notamment la création d'une marque « institut français » qui renforce la visibilité des actions du réseau, l'organisation des Saisons comme actuellement avec la Chine qui sont à chaque fois un véritable succès, le développement de partenariats culturels entre professionnels dans des champs nouveaux comme les arts visuels, le design, l'architecture ou encore le développement de programmes innovants destinés à des publics jeunes comme « SafirLab », qui vise à accueillir et former pendant quelques semaines les futurs acteurs du développement de la rive sud de la méditerranée dans le champ des médias du numérique ou de la société civile. L'institut français s'est imposé dans le paysage culturel international : nos services culturels à l'étranger s'appuient sur son expertise, ses programmes, ses innovations technologiques et les relations de l'IF avec les alliances françaises (AF) sont bonnes et complémentaires. Ces partenariats ont été consacrés par une convention MAEDI-IF-AF en juin 2012.

Le COM pour les années 2015 à 2017 devrait être l'occasion de conforter l'Institut français dans son rôle d'opérateur culturel pivot de notre action culturelle extérieure, au service de l'ensemble du réseau et de lui fixer des priorités géographiques (les pays prescripteurs et émergents, l'Afrique francophone et la rive sud de la méditerranée) et les thématiques (industries culturelles, débat d'idées, climat). S'agissant des industries culturelles, c'est aujourd'hui une priorité du ministre. Une cinquième famille à l'export va être lancée en ce domaine. C'est naturellement une priorité pour l'IF, qui doit intervenir en synergie avec les opérateurs professionnels en charge de l'exportation (Unifrance Films, TVFI, BUREX). Il s'agira également de faire évoluer cet établissement afin qu'il soit toujours mieux à même de pouvoir mobiliser des co-financements, étant entendu que la subvention de l'État est en diminution : il doit développer le mécénat, l'accès aux financements européens, les partenariats. Le projet de COM devrait être finalisé d'ici la fin de l'année 2014 et être approuvé par le conseil d'orientation stratégique, avant d'être soumis pour avis au parlement puis validé par le conseil d'administration.

S'agissant de notre politique d'attractivité à l'attention des élites étrangères, c'est aujourd'hui notre priorité réaffirmée par le ministre : la défense des intérêts académiques et scientifiques est inséparable de nos intérêts économiques et participe de notre diplomatie d'influence.

Dans un contexte budgétaire durablement contraint et de concurrence internationale accrue, une réflexion stratégique interministérielle, notamment entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été engagée en 2013 en vue de renforcer l'articulation entre la diplomatie scientifique et la stratégie nationale de recherche et d'enseignement supérieur.

En outre, la présence du ministère s'est accrue dans les instances de définition des stratégies internationales de l'Agence nationale de recherche (ANR), du CNRS, des alliances thématiques de recherche ou dans les réunions des points de contacts nationaux (PCN) du programme européen de recherche « Horizon2020 ».

Par ailleurs, le dialogue entre les services des deux ministères est aujourd'hui renforcé comme l'a montré l'organisation récente à Paris du forum franco-brésilien sur la coopération scientifique et universitaire et du dialogue franco-chinois de haut niveau sur les échanges humains.

Campus France est aujourd'hui un opérateur reconnu de la mobilité étudiante : pour tous les étudiants et chercheurs bénéficiaires d'une bourse du gouvernement français, Campus France est le point de contact pour leur accueil, leur logement, le versement de l'allocation d'entretien, leur couverture sociale... Les boursiers ne parlent plus de « bourse du gouvernement français » mais de « bourse Campus France ». Les « espaces Campus France » au sein des instituts français à l'étranger assurent la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et sont les interlocuteurs privilégiés des futurs boursiers, avant leur départ vers la France. Nous construisons, depuis quelques années, une chaîne de l'accueil étudiant en France au sein de laquelle, de nos ambassades aux universités en passant par Campus France, chacun doit articuler son action. Ainsi, depuis la rentrée 2014, l'établissement propose sur son site Internet une nouvelle page web qui recense les dispositifs de « guichet unique » d'accueil en région et présente les actions spécifiques des collectivités territoriales en matière d'accueil et de logement étudiants. Pour la rentrée 2015, Campus France prévoit de mettre en place, en partenariat avec le réseau ESN (Erasmus Student Network) France, un parrainage international afin d'offrir aux étudiants étrangers primo-arrivants un accueil et un accompagnement par des étudiants locaux (nationaux ou étrangers déjà en France).

Un autre chantier prioritaire aux yeux du ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, concerne la création d'un réseau d'anciens étudiants étrangers en France qui pourraient constituer autant de relais de notre influence et de partenaires potentiels de notre diplomatie économique. Campus France a reçu la mission de développer et d'animer une plateforme numérique « alumni » en lien avec les postes diplomatiques. Ces anciens étudiants pourraient notamment se voir proposer sur cette plateforme des offres de stages, des programmes linguistiques, des séjours touristiques. Cette plateforme sera lancée d'ici la fin de l'année à titre expérimental dans dix pays avant un déploiement progressif à partir de janvier 2015. C'est un projet ambitieux dont chacun a souvent ressenti le manque.

Je souhaite rappeler toute l'importance que nous accordons à notre offre d'éducation française dans le monde, ainsi qu'à la promotion de notre langue. L'année 2015 sera ainsi rythmée par plusieurs échéances importantes concernant le réseau de l'AEFE : une concertation interministérielle sur l'enseignement français, le contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2015 à 2017 ainsi que l'anniversaire des 25 ans de l'AEFE.

S'agissant de la langue française, le rapport de Jacques Attali intitulé « La francophonie et la francophilie, moteur de la croissance durable » nous conforte dans l'idée que le monde francophone doit rester une priorité de notre diplomatie. Il comporte un certain nombre de propositions qui devraient inspirer le travail engagé sous l'autorité du ministre et de la secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie.

Je souhaite enfin remercier les membres de la commission de la culture pour le soutien constant qu'ils apportent aux actions du ministère.

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