Intervention de Frédéric Van Roekeghem

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 octobre 2014 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Audition de M. Frédéric Van roekeghem directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés :

J'ai toujours eu plaisir, au cours des dix années que j'ai passées dans ces fonctions, à me présenter devant le Sénat, et en particulier devant cette commission : j'apprécie le sérieux de ses approches, son souci du travail collectif, et son habitude des compromis dans les décisions. C'est ainsi que l'on dégage des consensus intéressants.

Le budget de l'assurance maladie pour 2015 conserve un déficit élevé : 6,8 milliards d'euros. La totalité du déficit consolidé des administrations de sécurité sociale est cependant relativement limité - autour de 1 % - par rapport à la totalité de leurs charges et des risques garantis (vieillesse, maladie, famille, chômage). Néanmoins, dans une conjoncture de faibles recettes, un Ondam fixé à 2 % en moyenne pour les trois années à venir pose question. Son niveau ne peut dépendre uniquement de l'inflation, mais aussi des dépenses à financer. Après un fort choc économique en 2009 et une croissance quasi nulle depuis près de trois ans, le redressement de la branche est conditionné à la reprise économique, pour l'instant limitée. Les incertitudes sur la croissance nous obligent à être prudents dans notre pilotage des dépenses.

L'exécution de l'Ondam pour 2014 est tendue. Les analyses de la Cour des comptes doivent parfois être tempérées : nous n'avions pas prévu que les arrêts de travail connaîtraient une hausse si dynamique, 3 % sur les neuf premiers mois de l'année. S'y ajoute une augmentation des dépenses de soins de ville sous l'effet de l'introduction de nouveaux médicaments contre l'hépatite C. Pour les trois premiers trimestres de 2014, l'impact des nouveaux médicaments est net : une hausse de nos dépenses de médicaments de 3,6 %, contre 0 % ces dernières années.

Contrairement à ce que laisseraient penser les déclarations des syndicats de médecins, le coût des soins de médecine générale a augmenté de 3,4 %, alors que le nombre des consultations est en légère baisse : les généralistes ont donc largement profité de l'instauration en 2011 du nouveau forfait par patient.

Nous sommes sous tension quant aux dépenses : les remboursements de la médecine de ville progressent de 3,6 %, largement au-delà de l'Ondam voté, et ceux de la médecine hospitalière d'environ 2 % (1,7 % pour les établissements sanitaires publics). Le Gouvernement prendra des mesures de régulation afin de limiter ces dépenses.

Nous n'avons plus en 2014, contrairement à ce qui s'est passé les quatre dernières années, de marges de manoeuvre pour l'exécution de l'Ondam. Nous sommes en outre confrontés à la question du juste niveau du financement de l'innovation. Le nouveau traitement de l'hépatite C réduit les charges virales à un niveau indétectable dans 90 % des cas. Mais son prix, fixé librement par le laboratoire au moment de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) - 19 000 euros par boîte - menace l'équilibre général de l'assurance maladie. Le traitement, d'environ 60 000 euros, pourrait en effet intéresser 40 000 à 70 000 patients. Il y a là un enjeu majeur pour le projet de loi de financement 2015. D'autres pays sont beaucoup plus durs : la Suède n'a pas encore pris de décision touchant le remboursement, et le Royaume-Uni réserve pour l'instant ce traitement à quelques centaines de patients. La France a, elle, une tradition d'accès aux soins très forte. Veillons à ce que cela ne se retourne pas contre notre système de santé, comme ce serait le cas si nous obtenions des conditions d'accès au marché moins favorables que nos voisins.

Il est regrettable que l'initiative prise par la ministre au niveau européen en vue d'une meilleure coordination n'ait pas davantage abouti, et en particulier que nos voisins allemands, tout en nous demandant de réduire nos déficits, n'aient pas souhaité s'associer fortement à cette initiative. Nos capacités de négociation avec le laboratoire américain auraient été bien meilleures, l'enjeu étant d'environ un milliard d'euros. La seule voie de régulation qui nous reste est donc celle du Parlement français, à moins que les discussions avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) n'aboutissent.

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