En quelque sorte. Si ce système de praticien territorial démontre son efficacité dans le temps, il sera toujours possible de le reprendre dans la voie conventionnelle pour le généraliser.
Quant à la négociation du prix des médicaments, l'équilibre actuel résulte de la loi de 2004, qui a fixé la composition du Comité économique des produits de santé (CEPS) : sur ses dix membres, trois représentent l'assurance maladie, un l'assurance maladie complémentaire et les six autres les différents ministères et directions de l'Etat, lequel nomme le président et le vice-président. Toucher à cet équilibre serait délicat, car il s'agit du pilotage d'une activité économique qui représente tout de même en France une trentaine de milliards d'euros. En tant que directeur général de la Cnam, je devrais m'y déclarer favorable mais, connaissant la dimension politique des questions qui touchent le médicament, je considère qu'il est de la responsabilité du pouvoir politique de prononcer l'arbitrage. Je puis cependant vous dire, sans manquer à mon devoir de discrétion, qu'il n'est pas rare que les représentants de l'assurance maladie votent contre les décisions finalement adoptées par le CEPS - position d'autant plus facile, me direz-vous, que leurs voix ne sont pas décisives. Nous faisons régulièrement des propositions d'évolution touchant non la composition du CEPS, fixée par la loi, mais d'autres mesures de régulation. Nous avons ainsi recommandé l'année dernière l'adoption d'un système plus régulier et automatisé de révision des prix, pour tenir compte du développement des génériques. Nous avions également suggéré un droit de veto, ou un vote à la majorité des deux tiers. Sur le fond, le mécanisme de l'ATU est très favorable au patient, puisqu'il favorise l'introduction rapide du médicament. L'expérience de cette année nous conduit toutefois à nous demander si ses modalités ne devraient pas évoluer, notamment par l'attribution au Gouvernement d'un droit d'opposition au prix proposé par le laboratoire.
Nous avons été interpellés par le Sénat et par la Fédération hospitalière de France sur la question de la pertinence des actes. Sujet plus complexe qu'il y paraît. Pour une intervention chirurgicale aussi simple que l'opération du canal carpien, par exemple, les recommandations médicales totalement positives ou totalement négatives ne concernent qu'une petite partie des cas. Reste une vaste zone intermédiaire. Nous étudions la possibilité de repérages et de mesures de la non-pertinence des actes chirurgicaux par comparaisons entre les établissements. Mais ce n'est pas en réprimant les pratiques atypiques extrêmes que l'on modifiera la moyenne. Nous envisageons la mise sous accord préalable de quelques procédures dans certains établissements. En 2008 et 2009, nous avons conduit des études interdépartementales sur le recours aux soins pour seize procédures majoritairement chirurgicales ; puis en 2012 et 2013, nous avons élaboré des indicateurs de ciblage des établissements atypiques, notamment pour la chirurgie du canal carpien, et validé ces méthodes de ciblage en examinant ensuite les dossiers des patients. Une vingtaine d'établissements ont ainsi été astreints à une demande d'accord préalable pour la chirurgie bariatrique et pour la chirurgie plastique et reconstructrice. Depuis 2012, avec les ARS, nous avons entrepris, sur la base de ces indicateurs de ciblage, des actions d'accompagnement pour les stents coronariens et la radiologie ; d'autres sont prévues pour 2015, notamment pour la cholécystectomie, la thyroïdectomie, l'amygdalectomie, les examens pré-anesthésiques et biologiques. La difficulté de ce contrôle tient au fait que les processus médicaux sont extrêmement éclatés : les opérations de la thyroïde non recommandées, par exemple, ne concernent que quelques milliers de patients. Ce n'est pas en les supprimant que l'on rétablira l'équilibre de l'assurance maladie. La diminution de la non-pertinence des actes dépend en réalité de la vigilance dans l'organisation de l'offre de soins. On ne remplace pas un bon management par un bon contrôle. La facturation à l'acte tendant à accroître le risque d'actes redondants ou inutiles, l'instauration de paiements globaux pour des séquences opératoires complètes pourrait être une solution.