Nous avions prévus d'assurer 180 000 frontaliers, nous en sommes loin. Ceux-ci ont, très probablement, prolongé leur assurance jusqu'à la date prévue par la loi, donc le déficit sera moindre que prévu...
Aucun système de paiement n'est parfait. Le paiement à l'acte renforce la productivité mais incite à multiplier les actes inutiles tandis que le forfait décourage l'activité inutile mais est parfois moins favorable au consommateur de soins. En Suède, les centres de soins ferment à 17 heures ainsi que le samedi et le dimanche. Là-bas ce n'est visiblement pas un problème, mais en France les patients sont habitués à aller chez le médecin tard en soirée - d'ailleurs, la permanence des soins ne commence qu'à 20 heures. Il faut veiller à l'équilibre entre ces différentes formes de rémunération. Les syndicats de médecin sont très habiles. Ils se répartissent les priorités en fonction de leur sensibilité. Si les dépenses de ville ont augmenté de 3,4 % en dépit de la baisse du nombre des consultations, c'est parce que les forfaits ont augmenté, comme le forfait par patient : cinq euros par patient c'est peu, mais cumulativement cela représente 300 millions d'euros ! De plus, comme la population s'accroît et que le nombre des médecins baisse, le mécanisme s'auto-entretient... Pourtant, une autre revendication apparaît : « l'acte médical n'a pas augmenté depuis 2011 », dénoncent-ils, soulignant qu'une coupe de cheveux coûte 25 euros, une consultation chez le généraliste, 23 euros. Pourtant, si l'on prend en compte l'ensemble des avantages connexes, comme la rémunération par objectif et la prise en charge des cotisations sociales, le prix de l'acte médical s'élève plutôt à 30 euros qu'à 23 euros. L'inconvénient d'une combinaison des deux options - forfait pour rémunérer des missions, maintien du paiement à l'acte pour stimuler la productivité - c'est qu'elle risque d'entretenir deux types de revendications. Mais l'émergence d'objectifs de santé publique est une bonne chose.
Nous sommes d'accord avec la Cour des comptes : il existe des marges de productivité à l'hôpital. Mais cette année, contrairement aux années précédentes, la médecine de ville a progressé plus vite que l'Ondam. Il est vrai que celui-ci ne prenait pas en compte le traitement de l'hépatite C. La loi prévoit qu'en cas d'accord avec un laboratoire, celui-ci reverse une part des revenus perçus, ce qui se traduira in fine dans les comptes. Il n'en demeure pas moins qu'à fin septembre, nous avions dépensé 600 millions de plus que l'an dernier à ce titre. L'octroi des ATU pour d'autres médicaments n'est possible que si un besoin thérapeutique non couvert par une offre existante apparaît. Or des ATU ont déjà été délivrées. Nous sommes prisonniers des textes. Il appartient à l'ANSM de prendre position.
On ne réorganisera pas l'hôpital sans associer les professionnels. Les dépenses hospitalières, un « mur » ? Je suis aujourd'hui plus positif ! Nous avons progressé. Nous entretenons des contacts quotidiens avec les établissements hospitaliers. Dans le cadre du programme d'aide au retour à domicile des jeunes mères, nous avons conclu des accords avec les deux tiers des maternités. Nous expérimentons aussi un programme pour la chirurgie orthopédique. Nos conseillers d'assurance maladie orientent les patients hospitalisés vers une structure de soin en aval afin d'optimiser des épisodes de soins. Les établissements ne perçoivent pas toujours positivement notre action. Il est vrai que nous contrôlons en même temps la T2A, même si les ARS sont loin de suivre toutes nos propositions de sanctions.
Il en va de même avec les généralistes, avec lesquels nous entretenons tantôt des relations partenariales pour définir des actions de maîtrise médicalisées des dépense, et tantôt des relations plus tendues quand il s'agit de vérifier le respect des textes. Le conseil de la Cnam, qui comprend les syndicats, a d'ailleurs approuvé une résolution encourageant le développement de la contractualisation entre l'assurance maladie et les établissements de soins. Il ne s'agit pas d'instaurer une nouvelle forme de tutelle mais d'encourager la mise en place sur le terrain des organisations innovantes. Nous sommes un des seuls liens entre la ville et l'hôpital. Grâce à notre programme, 200 000 mères sont prises en charge en aval des maternités. Avant d'élaborer des parcours de soins ambitieux, travaillons plus modestement à définir ensemble des épisodes de soins ponctuels. Le reste viendra naturellement.
Avons-nous besoin de ressources nouvelles ? Il semble qu'il ne soit pas si simple de lever des impôts en ce moment. Nos concitoyens sont-ils prêts à consentir un effort supplémentaire ? Ils veulent savoir si leur argent est bien utilisé. Les gouvernements s'efforcent plutôt d'optimiser le système. Ce qui demeure à faire est cependant le plus compliqué.
Beaucoup d'acteurs interviennent dans le domaine de la prévention. Dans la vaccination ou le dépistage du cancer du sein, nous stagnons semble-t-il. Mais attention aux comparaisons internationales : nous ne déclarons à l'OCDE que le dépistage organisé, ce qui nous pénalise de dix points. De même, il y a quelques années, nous avions déclaré 700 millions d'euros en trop au titre des frais de gestion... Sur la grille nous ne sommes pas très éloignés des autres pays - certains, néanmoins, réussissent mieux que nous. D'un point de vue économique, il n'est pas sûr que la prévention, nécessaire d'un point de vue médical, aboutisse à des économies. Avec l'allongement de la durée de la vie, les dépenses de santé ont tendance à croître. Il faut valoriser économiquement le surcroît d'espérance de vie. Symétriquement, pour le tabac, la Cour des comptes n'avait pas chiffré le coût en perte de vies humaines.
Nous négocions avec les centres de santé. D'un côté, l'Igas préconisait d'instiller une part « forfait de gestion » - une subvention diront certains - pour tenir compte de leurs spécificités. Mais si nous mettons en place de nouvelles rémunérations pour les uns, il faut le faire pour les autres : la rémunération sur objectifs de santé publique a été instaurée pour les libéraux et non pour les centres de santé. Il existe des revendications à ce sujet.
Avec les centres de santé, nous avançons sur le sujet de la rémunération pour coordination des soins ; la loi prévoit que les centres de santé sont partie prenante de l'accord interprofessionnel. En fonction des résultats de cette négociation, peut-être devrons-nous tenir compte des pistes de l'Igas. En effet, les négociations actuelles sont orientées vers les centres médicaux ou mixtes mais ignorent les centres dentaires ou les centres de soins infirmiers, ce qui nécessitera un accord spécifique. S'agissant des exonérations de cotisations, le Gouvernement s'est engagé à les compenser.