Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 22 octobre 2014 à 14h30
Représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un vent de panique qui a soufflé sur le monde des élus locaux du pays de Grasse, dans les Alpes-Maritimes, le 20 juin 2014, à l’annonce de la décision du Conseil constitutionnel de censurer pour non-respect du principe d’égalité devant le suffrage le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, lequel permettait aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération de déroger à la règle de la stricte représentation proportionnelle à la population des communes au sein des conseils communautaires, en adoptant un accord local.

Comme dans 90 % des intercommunalités, l’accord négocié avait été l’option choisie par la communauté d’agglomération du Pays de Grasse, issue de la fusion, au 1er janvier 2014, de trois communautés existantes et voisines autour de la ville-centre, Grasse, dont j’ai été le maire pendant dix-neuf ans, jusqu'au mois de mars dernier.

C’est en ma qualité de maire de la plus grande commune et de président de l’une de ces trois communautés que j’ai été amené à coordonner les complexes procédures de fusion, tout au long de l’année 2013.

Composée de vingt-trois communes liées par une histoire locale forte, la communauté d’agglomération du Pays de Grasse, peuplée d’un peu plus de 100 000 habitants, a ainsi été installée le 1er janvier 2014, après un travail approfondi des maires concernés au cours de l’année 2013. Entre autres résultats, ce travail avait abouti à l’adoption à l’unanimité des communes d’un accord local tendant à introduire plus de justice dans la représentation des communes intermédiaires au sein du conseil de communauté.

Cet accord put se conclure dès lors que la commune-centre, Grasse, dont j’étais alors le maire, avait accepté de céder un certain nombre de sièges à des communes plus petites qui craignaient une surreprésentation de la commune la plus peuplée. L’objectif était de rassurer ainsi ces communes en répondant aux exigences, légitimes et compréhensibles, de maires craignant une prépondérance de la plus grande commune de la communauté. De telles réactions ont d’ailleurs été constatées dans 90 % des communautés de communes ou d’agglomération de France, y conduisant à la conclusion de ce type d’accords locaux.

Pourquoi un tel vent de panique ? Parce que dix jours plus tôt, le 11 juin 2014, le tribunal administratif avait annulé l’élection du conseil municipal de la commune de Cabris, membre de la communauté d’agglomération du Pays de Grasse, et que, si le Conseil constitutionnel a laissé, dans son arrêt, la possibilité de poursuivre l’application des accords locaux jusqu’aux prochaines élections municipales, il indiquait cependant que, dans le cas d’un renouvellement partiel ou total du conseil municipal de l’une des communes membres, la censure évoquée plus haut s'appliquerait immédiatement et que, lors des élections partielles à venir – celle de Cabris s’est déroulée le 5 octobre dernier –, la représentation des communes s'effectuerait obligatoirement selon les nouvelles modalités.

Comment faire, dès lors, pour se remettre en conformité avec la loi, vidée de son article dérogatoire ?

Cette interrogation nous avait amenés, mon collègue Alain Milon et moi-même, à poser, par la voix du doyen Gélard, une question d’actualité au Gouvernement au cours de la séance du 17 juillet dernier.

Les réponses peu satisfaisantes obtenues ont conduit les mêmes collègues à déposer le 3 septembre dernier, avec l’ensemble des membres du groupe UMP, une proposition de loi rédigée dans les mêmes termes que celle que nous examinons aujourd'hui.

Durant l’été, le vent de panique sembla d’ailleurs atteindre les services préfectoraux, dont les solutions envisagées pour remédier à la situation étaient plus inextricables les unes que les autres…

La ville de Grasse avait volontairement réduit de vingt-neuf sur soixante-deux à vingt-quatre sur soixante-dix – en faisant jouer la possibilité prévue dans l’accord local de majorer la composition du conseil de communauté – le nombre de ses sièges par rapport à ce que le tableau inscrit dans la loi lui accordait a priori, pour les redistribuer aux communes médianes, qui, en ce qui les concerne, ont donc bénéficié de sièges supplémentaires par rapport à ce que prévoit ledit tableau. La ville-centre passait ainsi d’une représentation de 47 % au sein du conseil communautaire à une représentation de 34 %, ce qui avait nourri le sentiment de confiance des maires des autres communes au cours du processus de fusion.

La négociation de cet accord avait été, dans le courant de l’année 2013, au cœur des discussions entre les élus locaux et constitué un élément majeur et déterminant de l’acceptation par les communes de la fusion des trois communautés initiales. Remettre en cause cet accord revenait donc à altérer l’esprit communautaire qui avait présidé au travail préparatoire à la fusion des trois communautés.

La réaction des maires et des élus communautaires, qui se sont sentis floués par l’arrêt du Conseil constitutionnel, fut vive, comme en témoignent ces quelques coupures de presse, où il est notamment question d’une « agglo en plein imbroglio ».

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