Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 22 octobre 2014 à 14h30
Représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Il allait donc falloir renoncer à cet accord et revenir au dispositif de représentation strictement proportionnelle à la démographie, les questions corollaires suivantes se posant.

D’abord, comment faire pour « désélire » des conseillers communautaires ayant tout de même été désignés par le suffrage universel lors des élections municipales de mars dernier ? Le conseil municipal est-il bien habilité à le faire ?

Ensuite, comment faire pour doter la plus grande commune d’élus communautaires supplémentaires alors que, lors de l’élection municipale, un nombre insuffisant de délégués avaient été élus au suffrage universel ? Le conseil municipal est-il bien habilité à désigner, seul, ces délégués supplémentaires manquants ?

Enfin, allait-on faire siéger ensemble, au sein des conseils communautaires, des élus n’ayant pas été désignés par le même mode de scrutin ?

Bien d’autres questions se posaient encore, en particulier sur la validité constitutionnelle des solutions proposées pour résoudre – c’est un comble – le problème posé par le Conseil constitutionnel lui-même !

Pendant tout l’été, les échanges entre les élus locaux et les services préfectoraux ont été denses et, s’ils ont été loin d’apporter des réponses satisfaisantes à toutes ces questions, ils ont conduit le conseil communautaire à s’orienter – de façon peut-être un peu prématurée – vers une remise en cause de la représentation des communes en son sein qui avait été arrêtée et une application stricte de la représentation proportionnelle.

Cela n’a pas empêché un grand nombre de maires d’exercer des recours contre cette évolution imposée. À cet égard, il serait d’ailleurs extrêmement intéressant d’observer comment ces recours pourraient prospérer. Un maire n’a pas hésité à refuser de faire délibérer son conseil municipal, déclarant qu’il « refuse d’éliminer les élus du peuple ». Et je n’entre pas dans le détail des inquiétudes exprimées quant aux formalités à venir pour réélire le président, le bureau, la commission d’appels d’offres, les commissions et toutes les instances de gouvernance de la communauté… De là à devoir reprendre les plus de 300 délibérations votées depuis l’installation du conseil de communauté, voire à devoir procéder à de nouvelles élections municipales dans les vingt-trois communes membres avec le nouveau fléchage des candidats au conseil communautaire, il n’y avait qu’un pas !

Quand je reprends l’exposé des motifs de la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales et que j’y lis que « cette loia pour objectif de renforcer la démocratie locale par l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel en même temps que les conseillers municipaux et d’accroître l’efficacité de l’action publique au plus près du citoyen », je suis d’abord tenté de sourire, avant de m’inquiéter quant à notre capacité à légiférer pour simplifier les choses !

Bref, la meilleure solution – c'est d’ailleurs sans doute la seule – réside dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, tendant à réintroduire la possibilité de conclure un accord local ; je salue cette initiative.

Cela étant dit, réfléchissant à d’autres conséquences de la doctrine constitutionnelle sur le primat de la démographie dans les critères de représentation au sein du conseil communautaire, je me suis posé deux questions, l’une iconoclaste, l’autre beaucoup plus grave.

La question iconoclaste a trait à l’avis que donnerait le Conseil constitutionnel s’il était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la représentation proportionnelle de la population dans le cadre des élections municipales dans les communes de plus de 30 000 habitants. (Mme la rapporteur approuve.) Dans ces communes, on le sait, 51 % de la population – et même moins dans le cas d’une élection triangulaire – peut être représentée au conseil municipal par 75 % des élus, les 49 % restants n’étant alors représentés que par 25 % des élus. Qu’en est-il, alors, du sacro-saint principe de proportionnalité et de celui de l’égalité des suffrages des citoyens ?

La seconde question me paraît plus grave. Au fil de l’application de la doctrine constitutionnelle accordant un poids de plus en plus exorbitant au critère démographique, l’organisation territoriale et politique de la France tend à se cristalliser toujours davantage autour d’une France urbaine, au détriment de la France rurale.

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