Intervention de Alain Milon

Réunion du 22 octobre 2014 à 14h30
Représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain MilonAlain Milon :

La structure de cet édifice, dont les différentes strates se sont sédimentées au fil des ans, au fil des siècles, rend tout ajustement et a fortiori tout changement délicats. Il suscite émoi, parfois même rejet.

Au-delà de l’apparence d’une simplification purement administrative et institutionnelle, il existe une dimension humaine et psychologique qu’il ne faut surtout pas négliger.

À l’heure où nous procédons à l’examen de cette proposition de loi autorisant l’accord local de représentation des communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération, il convient de rappeler quelques éléments de contexte, même si d’autres collègues l’ont fort bien fait avant moi.

Cette proposition de loi déposée par nos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur résulte de la désormais fameuse décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 consécutive au recours introduit par la commune de Salbris et qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans cette décision, les juges de la rue de Montpensier ont estimé – après avoir affirmé le contraire quelques mois auparavant – que « l’accord local » en matière de répartition des sièges au conseil communautaire était contraire à la Constitution et qu’en cas d’instance en cours ou de renouvellement d’un conseil municipal d’une commune membre d’une intercommunalité, la déclaration d’inconstitutionnalité s’appliquait.

La motivation principale de cette abrogation repose sur l’absence de critère de proportionnalité à l’alinéa 2, paragraphe 1, de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales.

Cette décision, qui nous impose de nous remettre aujourd’hui sur l’ouvrage législatif « accord local », engendre, je le crains, autant de questions que de solutions à des situations d’inégalité.

En effet, le Conseil constitutionnel appuie son argumentation pour déclarer inconstitutionnel l’accord local sur la base de la méconnaissance du principe d’égalité devant le suffrage.

Si l’on ne peut que se féliciter de voir prévaloir ce principe, force est de s’interroger sur la façon dont celui-ci va être appliqué à la suite de la décision du 20 juin dernier.

En effet, celle-ci pose clairement la question du traitement différencié des élus. Des élus communautaires élus au suffrage universel direct en mars dernier seront déchus de leur mandat dans l’hypothèse où leur commune verrait le nombre de ses représentants au conseil communautaire diminuer. À l’inverse, d’autres représentants communautaires seront issus non pas du suffrage universel direct en qualité de conseiller communautaire, mais d’une élection au sein de leur conseil municipal. Enfin, certaines communes verront le nombre de leurs représentants demeurer identique.

Ainsi, au sein d’un même EPCI, sur un territoire limité, trois types d’élus cohabiteraient. Ne peut-on alors s’interroger sur le respect de l’égalité de traitement entre élus ?

Qu’en est-il, par ailleurs, de l’égalité entre les intercommunalités qui vont conserver durant toute leur mandature la même composition communautaire et celles dont la composition se trouvera modifiée en cours de mandature ?

Question d’égalité, question de légitimité, question de sécurité juridique…

En vertu de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil constitutionnel a opté pour une mise en œuvre différenciée de sa décision, au nom de « l’effet utile de la déclaration d’inconstitutionnalité à la solution des instances en cours » et « de la garantie du respect du principe d’égalité devant le suffrage pour les élections à venir ».

N’est-ce pas ajouter de l’insécurité juridique et politique dans un paysage institutionnel déjà bien perturbé ?

Je crains, pour dire les choses gentiment, que les neuf Sages n’aient pas pris la juste mesure des effets de leur décision.

Dans le département de Vaucluse, petit département s’il en est, deux intercommunalités sont déjà concernées : la communauté d’agglomération du Grand Avignon – 200 000 habitants – et la communauté de communes des pays de Rhône et Ouvèze – 75 000 habitants –, que je préside. Dans le premier cas, c’est une élection municipale – celle du Pontet – qui a été annulée ; dans le second, un recours formé par le maire d’Orange est en instance.

Il me semble en outre que cette décision ignore d’autres critères que la démographie et sa proportionnalité. Mes chers collègues, si la population doit être un critère, il ne saurait faire abstraction du respect des « petites communes » et de la ruralité ; il ne saurait faire abstraction de l’apport de richesse dans la corbeille de la mariée !

La solidarité sur un territoire ne se mesure pas uniquement au nombre d’habitants. Imposer une représentation fondée essentiellement sur ce critère, nécessairement au profit des grosses communes, revient à sanctuariser l’opposition urbain-rural sur des territoires « rurbains ».

C’est d’ailleurs cette approche qui a longtemps prévalu et qui, me semble-t-il, prévaut toujours pour les élections municipales : la représentativité est inversement proportionnelle à la population.

S’il convient effectivement de respecter la progressivité, il convient aussi d’intégrer la richesse fiscale et économique des communes. Ne pas prendre en considération ces données, ne pas accorder une représentation « majorée » aux petites communes exacerbe la méfiance à l’égard de l’intercommunalité et le sentiment de dépouillement sans contrepartie.

À l’inverse, je sais que les communes centres éprouvent le sentiment de supporter lourdement les charges de centralité – je suis moi-même le maire de la commune centre de l’intercommunalité. À défaut de résoudre cette équation, il nous incombe d’entendre les positions de chacun, …

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